Attaque à Liège : "On n'a pas de solution miracle pour lutter contre la radicalisation en prison"
Michaël Dantinne, professeur de criminologie à l'Université de Liège, a réagi sur franceinfo après l'attentat qui a fait trois morts mardi matin à Liège. Selon lui, la problématique de la radicalisation en prison "est importante en Belgique comme dans d'autres pays".
Un homme a tué par balles trois personnes, dont deux policières, mardi 29 mai à Liège (Belgique), avant de prendre un otage dans un établissement scolaire, et d'être finalement abattu par les forces de l'ordre. Une tuerie qui a les apparences d'un acte terroriste selon la justice belge. L'homme bénéficiait d'une permission de sortie de prison pour préparer sa réinsertion.
La problématique de la radicalisation en prison "est importante en Belgique comme dans d'autres pays", a commenté sur franceinfo Michaël Dantinne, professeur de criminologie à l'Université de Liège et membre du Centre d’étude sur le terrorisme et la radicalisation (CETR). "Il existe des radicalisateurs en prison", a-t-il ajouté, précisant qu'"il s'agit d'un problème réel pour lequel on sait aussi qu'on n'a pas de solution miracle".
franceinfo : Que dire de cette attaque qui rappelle les précédentes contre des policiers et militaires en Belgique ?
Michaël Dantinne : Deux éléments laissent à penser que cela pourrait être quelque chose de motivé par une idéologie terroriste et en l'occurrence plutôt islamiste. Le modus operandi, à savoir l'arme utilisée, une arme blanche, cutter ou couteau, et puis évidemment la cible, les détenteurs et représentants de l'autorité, des policiers. Pour autant, ce n'est pas parce qu'il y a une saisie du parquet fédéral qui semble indiquer que ce serait une enquête pour terrorisme que c'en est une. Il appartient aux autorités de déterminer si c'est le cas. Finalement c'est un acte de violence, le terrorisme en est un qui se distingue des autres par la motivation et le projet de l'auteur et c'est quelque chose de parfois impalpable, qui sera peut être difficile à déterminer.
On évoque une radicalisation en prison, est-ce plausible ? Est-ce une problématique importante en Belgique ?
Cette problématique est importante en Belgique comme dans d'autres pays, et ce qui est évident c'est que l'on a connu des profils de ce type, avec une délinquance ordinaire puis une bascule vers une délinquance terroriste. Cela reste cohérent. La question qui va se poser, s'il est avéré qu'il s'agit d'un attentat, c'est ce qu'il s'est passé chez cet individu pour qu'il bifurque à un moment donné vers le trafic de stupéfiants et des faits de violence, puis vers le terrorisme. La question du passage par l'incarcération va évidemment se poser, et s'il a pu se passer quelque chose à ce moment-là. On sait que la radicalisation intervient souvent ou peut intervenir dans le cours d'une détention parce que c'est un moment propice au développement spirituel, à des idéologies fortes car l'individu est déstabilisé et a beaucoup de temps libre. Il existe des radicalisateurs en prison. Ces questions méritent des réponses, il s'agit d'un problème réel pour lequel on sait aussi qu'on n'a pas de solution miracle.
Comment la Belgique gère-t-elle ce problème de radicalisation ?
Le système belge, pour simplifier, est un système graduel d'évaluation du risque. Les individus les plus dangereux sont mis dans des sections hermétiques et donc fermées; des sections de ce type existent dans deux établissements pénitentiaires, dans le nord et dans le sud du pays. Les risques intermédiaires sont mis dans des prisons satellites, avec une attention un peu particulière. Il y a aussi les individus pour lesquels on fait le pari inverse, plutôt que de croire qu'ils vont contaminer certains autres et passer leurs idées radicales, on pense plutôt que les autres pourront les ramener dans le droit chemin. C'est un système graduel, avec une observation qui doit être la plus fine possible car on sait à quel point il est difficile de détecter des signes de radicalisation et de leur donner du sens.
Le niveau d'alerte restera de 2 sur 4, en équivalence au plan Vigipirate en Belgique, est-ce que cela vous paraît adapté à la menace actuelle ?
Si c'est un attentat, on est vraisemblablement face à quelque chose de relativement isolé et non pas sur un attentat organisé comme on l'a déjà connu à Paris ou à Bruxelles. Il s'agit d'un modèle que l'on connaît bien : un individu se retrouve entre des personnes un peu instables sur le plan psychiatrique et d'autres qui sont vraiment au coeur de ces idées, et il est alors attiré par tout ce mouvement. Passer à un niveau 3 qui est un niveau systémique ou à un niveau 4, qui en Belgique signifie qu'un attentat est imminent, semblerait disproportionné par rapport à cette menace isolée. Le délai d'intervention ici n'a vraisemblablement pas été mauvais car l'assaillant aurait pu terminer ou commencer ses actes dans l'école et cela aurait été dramatique et beaucoup plus grave.
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