Amnesty International accuse une franchise de Carrefour de "travail forcé" en Arabie saoudite

France Inter, l'AFP et France Médias Monde révèlent en exclusivité une enquête de l'ONG sur les "conditions de travail inhumaines" imposées par la franchise de Carrefour. Une quinzaine de victimes originaires d'Inde, du Pakistan et du Népal, ont été identifiées.
Article rédigé par franceinfo
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Des manifestants agitent le drapeau d’Amnesty International lors d’une manifestation de solidarité avec les migrants sur la place de la République, à Paris le 5 septembre 2015. (GUILLEMETTE VILLEMIN / AFP)

Amnesty International accuse le géant français de la grande distribution, Carrefour, de "travail forcé" en Arabie saoudite, révèlent lundi 21 octobre en exclusivité France Inter, l'AFP et France Médias Monde. L'accusation porte plus spécifiquement sur la franchise saoudienne Majid Al Futtaim, qui "emploie notamment entre 2 000 et 3 000 personnes en Arabie saoudite".

L'ONG a mené l'enquête pendant plusieurs mois (entre décembre 2023 et juillet 2024), lui permettant d'affirmer que les activités du groupe en Arabie saoudite sont "marquées par une rémunération insuffisante et des heures de travail excessives", ainsi qu'"une culture de la peur chez les migrants qui travaillent pour lui". Au total, une quinzaine de victimes, originaires d'Inde, du Pakistan et du Népal, ont été identifiées, travaillant à Riyad, Djeddah et Dammam.

Amnesty International dénonce un véritable système mis en place et qui commence dès le processus de recrutement. Ainsi, avant même leur arrivée en Arabie saoudite, ces hommes sont obligés de payer en moyenne 1 200 dollars à des intermédiaires jouant le rôle de recruteurs. Pour parvenir à rassembler cette somme, bon nombre d'entre eux sont d'ailleurs contraints de s'endetter à des taux très élevés ou "vendre des terres ou leurs bijoux de famille". Puis, une fois sur place, leurs passeports sont confisqués.

Plus de 16 heures de travail par jour

Anne Savinel-Barras, présidente d'Amnesty International France, décrit au micro de France Inter, des conditions de travail inhumaines sur les sites de Carrefour. D'anciens travailleurs racontent ainsi à l'ONG avoir fait "plus de 16 heures de travail par jour", que leur seul jour de repos hebdomadaire était "susceptible d'être annulé" sans être remplacé. "Ils peuvent marcher dans les entrepôts jusqu'à 20 kilomètres par jour et leurs heures supplémentaires ne sont pas toutes payées", se désole la présidente de l'ONG. D'autres assurent avoir fait l'objet de menaces régulières de licenciement s'ils se plaignent ou refusent de faire des heures supplémentaires. "Hébergés par des sociétés fournisseuses de main-d'œuvre", ils évoquent aussi des logements insalubres.

La présidente d'Amnesty International France soutient que "les lois en Arabie saoudite sont très peu protectrices". "Il n'y a pas de possibilité de se syndiquer", ajoute-t-elle. L'ONG accuse Carrefour et sa franchise Majid Al Futtaim de ne pas disposer "de procédures suffisantes pour appliquer la diligence requise en matière de droits humains à la mesure du risque élevé de graves violations en Arabie saoudite".

Une enquête interne lancée selon Carrefour

Carrefour affirme à Amnesty International avoir lancé une enquête interne. Sa franchise Majid Al Futtaim assure quant à elle avoir pris "des mesures ces derniers mois pour remédier aux problèmes soulevés", notamment à travers des "contrôles dans les hébergements fournis par les sociétés sous-traitantes" et la révision des "procédures en matière d'heures supplémentaires et d'interdiction des frais de recrutement".

Le géant de la distribution promet également de prendre toutes les mesures nécessaires en cas de non-respect des droits humains. Pour faire la lumière sur ces accusations, un expert indépendant a donc été nommé. De son côté, Amnesty International réclame le versement d'indemnités aux victimes, le remboursement des frais de recrutement, en plus des heures supplémentaires qui leur sont dues. L'ONG invite le géant français de la distribution à "renforcer sa surveillance dans les pays où le cadre régissant le travail présente des risques supplémentaires d’atteintes aux droits humains".

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