Migrants aux frontières de l'Union européenne : la Biélorussie peut-elle vraiment couper le gaz à l'Europe ?
Le Kremlin a assuré vendredi que les livraisons de gaz russe à l'Europe ne seraient pas suspendues, malgré les menaces d'Alexandre Loukachenko, le président biélorusse.
Le bras de fer entre la Biélorussie et l'Union européenne se durcit. Alors que des milliers de migrants se trouvent toujours bloqués à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, Alexandre Loukachenko, le président biélorusse, a menacé de fermer les gazoducs qui alimentent l'Europe. "Que se passerait-il si nous coupions le gaz naturel qui va là-bas ?", a-t-il lancé, jeudi 11 novembre.
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En cas de nouvelles sanctions de la part de l'Union européenne, l'homme fort de Minsk a assuré que son pays "répondra[it]", évoquant la possibilité d'interrompre les livraisons du gazoduc Yamal-Europe, qui achemine du gaz russe notamment en Allemagne et en Pologne. Mais cette menace peut-elle vraiment se concrétiser ?
"Il paraît très difficile que la Biélorussie puisse mettre ses menaces à exécution", estime auprès de franceinfo Thierry Bros, professeur à Sciences Po Paris, spécialiste de la géopolitique de l'énergie.
"Le réseau de gazoducs qui passe sur le territoire biélorusse, et amène le gaz en Europe, est la propriété de la société Gazprom. Il est donc russe."
Thierry Bros, professeur à Sciences Poà franceinfo
Moscou douche les ardeurs de Minsk
Outre cette question de propriété, Moscou a assuré vendredi que les livraisons de gaz russe à l'Europe ne seraient pas suspendues, malgré les menaces d'Alexandre Loukachenko. La Russie, premier fournisseur de gaz à l'Europe, "est et restera un pays qui remplit toutes ses obligations de livraison de gaz aux consommateurs européens", a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.
Cette mise au point de Moscou n'est pas anodine. La Russie, principal allié de la Biélorussie, n'a pas intérêt à se brouiller avec l'Union européenne en jouant sur le plan énergétique. "Cela nuirait à l’image de partenaire commercial fiable que la Russie cherche à cultiver et pourrait causer du tort au pays à plus long terme", a assuré à France 24 Arild Moe, de l’Institut norvégien Fridtjof Nansen.
L'énergie est un secteur majeur pour l'économie russe. Environ 40% des recettes du budget fédéral russe proviennent du gaz et du pétrole, selon la RTBF. "Si le principal fournisseur de gaz naturel à l'Europe est jugé peu fiable, c'est la réputation du gaz dans son ensemble qui va en pâtir, et encourager Bruxelles à donner un coup d'accélérateur au développement des énergies renouvelables", abonde l'économiste Agata Łoskot-Strachota, toujours auprès de France 24.
Un coup de bluff d'Alexandre Loukachenko ?
Si toutefois Alexandre Loukachenko "décidait de faire les voyous" et de fermer les vannes contre l'avis de Moscou, les conséquences seraient faibles pour l'Europe. "Environ 21% de nos approvisionnements en gaz sont passés l'année dernière par la Biélorussie. Ce n'est pas négligable, mais il est toujours possible pour Gazprom d'augmenter ses capacités de transport via l'Ukraine", commente Thierry Bros. Selon lui, "Alexandre Loukachenko voit que la Commission européenne est très faible sur sa stratégie énergie et essaie de faire du bluff sur ce sujet-là".
Svetlana Tikhanovskaïa, cheffe de l'opposition biélorusse, a également minimisé la portée de la menace d'Alexandre Loukachenko. "Ce serait plus dommageable pour lui, pour le Bélarus, que pour l'Union européenne et je peux supposer que c'est du bluff", a-t-elle déclaré.
Le président biélorusse "ne fait que mettre un peu de pression sur l'Union européenne", juge Thierry Bros. Selon lui, "même si c'est juste oral, cela aide Vladimir Poutine", car au final, le président russe démontre à quel point l'approvisionnement de l'Europe en gaz dépend de lui.
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