"Ils sont tous abîmés" : dans le nord de Paris, un centre d'accueil tente d'aider les mineurs isolés
Le Centre d'action sociale protestant accueille ces jeunes qui peuvent oublier, le temps d'une nuit, la galère de la rue. Reportage à la Goutte d'Or.
Ils sont au cœur des polémiques médiatiques depuis quelques jours. Les mineurs isolés à Paris sont accusés d'agressions et de vols à répétition. Des enfants, majoritairement marocains, qui ont fait de la Goutte d'Or, quartier populaire du nord de Paris, leur lieu de rencontre et de squatte. Le phénomène existe depuis 2016 sans que les autorités ne réussissent à l'endiguer. Le Centre d'action sociale protestant (Casp) tente néanmoins de créer un lien et d'aider ces mineurs.
Derrière la porte de cette maison discrète, ces jeunes peuvent oublier, le temps d'une nuit, la galère de la rue. Dans la salle à manger, ils sont six à manger un cordon bleu-frites, cinq Marocains et un Algérien. Il y a notamment Mohammed, de fausses chaînes en or autour du coup et bagues en toc au doigt. Il affirme avoir 17 ans. Il explique pourquoi il est parti du Maroc à l'âge de 14 ans : "Il n'y a pas de travail, pas de chance." Il indique être venu en France pour "un futur bien meilleur" et "pas pour l'argent".
Des risques inconsidérés pour venir en France
Des jeunes qui portent sur eux les stigmates de la rue, leur démarche est lourde et à cause de la fatigue, leurs visages sont marqués. L'un des médiateurs de cet accueil de nuit nous sert de traducteur : "Il a un bleu au visage, il a dit que c'est la rue. 'Zarka', ça veut dire la rue. Il s'est battu. Ils sont tous abîmés." Nous discutons plus longuement avec ce garçon aux cheveux blonds décolorés. Ses avants bras sont lacérés de cicatrices profondes, qu'il semble s'être infligées lui-même. Il a quitté Casablanca à l’âge de 10 ans et pris des risques inconsidérés pour venir en France. "J'ai galéré, j'ai galéré", insiste-t-il.
Il n'a pas une vie simple. Il sniffait de la colle au Maroc. Durant le trajet il est passé en étant sous un camion.
Éducateur au Casp
Quand on leur demande comment sont rythmées leurs journées, l'un d'eux dit travailler au noir dans le quartier de Barbès, avant qu'un autre ne lui demande de dire la vérité et qu'il n'avoue en fait, qu'ils volent tous pour survivre. "'Il a dit que, par contre, leurs vols ne sont pas portés sur des gens, sur des agressions, précise l'éducateur. S'ils volent, lui en tout cas, c'est plutôt des vols à l'étalage."
Travailler directement avec le Maroc ?
Dans le discours de ces adolescents revient en permanence cette question de protection qu'ils demandent. Pourquoi avoir choisi la France ? "Parce qu'en France, il y a des droits", répond l'un d'entre eux. C'est justement ce que tente de faire cette structure d'accueil mais la tâche s'avère particulièrement complexe. "Ces jeunes sont depuis très longtemps sans règles, explique Aurélie El Hassak Marzorati, directrice générale du centre d’accueil. Ce sont des jeunes qui voyagent beaucoup, qui passent d'une ville à l'autre et d'un pays à l'autre."
Parfois, nous les accueillons une journée et nous les perdons complètement de vue. Nous les retrouvons très longtemps après.
Aurélie El Hassak Marzorati
Un problème qui touche d'autres villes en France, comme Bordeaux ou Rennes. Pour l'endiguer, il n'y a qu'une seule solution estime le député La République en marche d'Ille-et-Vilaine Florian Bachelier : travailler directement avec le Maroc. "Le sujet est en amont, indique-t-il. C'est comment est-ce qu'on fait en sorte que ces jeunes ne viennent pas sur le territoire français ? Donc, c'est la discussion qu'avait eu le président de la République avec le roi du Maroc à l'époque, qui a été relancée pour créer des centres d'hébergement sur place, des centres de soins et d'éducation." Et c'est justement l'objet d'un prochain déplacement de Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur se rend au Maroc le 15 octobre prochain.
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