La longue journée de Souleymane, un Soudanais évacué de la place Stalingrad
Plus de 2 000 migrants ont été évacués vendredi du vaste campement installé sous le métro dans le nord de Paris. Ils ont été envoyés vers des centres d'hébergement ou des hôtels en Ile-de-France. Franceinfo a suivi Souleymane, un jeune Soudanais de 21 ans.
Souleymane se réveille en vitesse et fourre ses quelques affaires dans son sac à dos. Le jeune Soudanais se précipite vers la place Stalingrad, dans le nord de Paris. Il est à peine six heures du matin, vendredi 16 septembre, et le jour ne s'est pas encore levé. Mais la rumeur s’est très vite propagée : les forces de l’ordre vont procéder à l’évacuation du campement improvisé de migrants situé entre les stations de métro Jean Jaurès et Stalingrad.
Ce Soudanais quitte sans un regard le matelas, posé à même le sol sous le métro parisien, sur lequel il dormait, dans l’espoir d’être emmené par un bus pour être orienté vers un centre d’hébergement. Arrivé en France, il y a seulement un mois, le jeune homme de 21 ans, à l’allure dégingandée, ne se souvient plus de la dernière fois où il n’a pas dormi dehors. A sept heures du matin, les gendarmes et les CRS déploient un périmètre de sécurité dans l’avenue de Flandre. De nombreux bus arrivent. Objectif : répartir les quelque 2 000 migrants dans des centres d’hébergement ou des hôtels à Paris et en Ile-de-France.
L'attente
Et l’attente commence pour Souleymane. Les personnes vulnérables – les femmes enceintes ou les mineurs isolés – sont évacuées en priorité par la mairie de Paris. Les autres sont pris en charge par l'Etat. Souleymane essaye de se positionner parmi les premiers. Le jeune Soudanais a peur qu’il n’y ait pas de la place pour tout le monde dans les centres d'hébergement.
Car ce n'est pas la première fois que son campement fait l'objet d'une évacuation. Il s’agit de la 28e opération de mise à l’abri depuis juin 2015. Le 17 août 2016, plus de 700 personnes avaient été prises en charge dans des structures d'hébergement. Le 22 juillet, près de 2 500 migrants avaient également été évacués d'un autre campement, installé boulevard de la Villette.
Pendant ce temps, à côté, la préfecture tente de répartir les personnes et continue d’appeler des centres d’hébergement et des hôtels pour négocier de nouvelles places. Sur place, une responsable du Samu explique qu’entre le recensement des personnes par les associations et la réalité, il y a un décalage. "On ne pensait pas qu’il y aurait autant de personnes migrantes", admet la responsable. Alors, malgré la pluie qui commence à tomber, Souleymane continue d’attendre, assis par terre, ses affaires contre lui.
La traversée de Paris
Après deux heures d’attente, il finit par trouver une place dans un bus. Souleymane ne sait pas où il va être emmené, mais il est soulagé de quitter la place de la bataille de Stalingrad. Depuis plusieurs semaines, le campement improvisé grossissait et de nombreux Erythréens, Soudanais, Afghans survivaient dans des conditions sanitaires et humaines de plus en plus dégradées. "On ne mangeait pas tous les jours", raconte Souleymane, les traits tirés.
Parmi les 2 083 migrants résidant aux abords de Stalingrad, nombreux sont ceux à être envoyés dans des gymnases municipaux reconvertis en dortoir. Souleymane fait partie des chanceux. Après avoir traversé Paris, son bus s’arrête à Suresnes (Hauts-de-Seine), au centre d’hébergement d’urgence de 150 places géré par l’association Aurore. Une chambre est mise à disposition du Soudanais et de trois autres compatriotes et compagnons d'infortune, dans un appartement qu’ils partagent avec d’autres migrants déjà pris en charge par la structure.
Le minimum pour vivre leur est fourni : une serviette, le nécessaire pour se laver, du dentifrice… Surtout, un repas chaud les attend. Au menu : du poisson, des légumes et des produits laitiers. "Ils sont arrivés ici, épuisés, ils reviennent d’un long périple", commente Abdellah Maïmoun, le directeur du centre.
L'espoir de voir sa demande d'asile acceptée
Doucement, Souleymane commence à respirer. Son premier réflexe : charger son portable et donner quelques nouvelles à ses proches sur Facebook. Cela fait plus d’un an qu’il a quitté le Soudan, pour fuir la dictature. Mais à la frontière libyenne, le jeune homme est arrêté et raconte avoir passé quatre mois en prison. Il finit par réussir à quitter la Libye, en montant dans un bateau pour rejoindre l’Italie. En août 2016, il rejoint Paris, dans l’espoir de déposer une demande d’asile afin de pouvoir rester en France. Son rêve ? Devenir jardinier.
L'association Aurore aidera Souleymane dans ses démarches administratives. Elle lui a d'ailleurs remis à son arrivée le dossier nécessaire pour déposer sa demande d’asile. Il a désormais un mois pour le remplir. Une fois reposé, Souleymane devra donc entamer une nouvelle étape de son parcours et réunir tous les documents demandés par la préfecture de Paris, puis transmettre sa demande à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra).
Une fois le dossier déposé auprès de l'Ofpra, la décision intervient en général dans un délai de six mois mais il peut y avoir des prolongations allant jusqu'à un an supplémentaire. Pendant cette période d'attente, le demandeur d'asile bénéficie théoriquement d’un toit, mais les centres d'hébergement sont saturés. Pour Souleymane, le périple est encore loin d'être terminé.
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