Migrants : la photo de l'enfant mort fait la une de la presse européenne, mais pas des journaux français
Un petit Syrien âgé de trois ans, tentant de se rendre en Europe, a été retrouvé mort sur une plage turque. Mais l'histoire n'a pratiquement pas été traitée par la presse quotidienne française.
Il s'appelait Aylan Kurdi. Ce petit Syrien de trois ans, originaire de Kobané, a été retrouvé mort sur une plage de Bodrum (Turquie), mercredi 2 septembre, alors qu'il tentait de rejoindre l'Europe avec son frère aîné de cinq ans, décédé lui aussi. Les deux garçons faisaient partie d'un groupe de douze Syriens retrouvés noyés.
A la une en Grande-Bretagne, en Espagne, en Italie...
Vêtu d'un tee-shirt rouge et d'un short bleu, le petit Aylan Kurdi gît inanimé sur le sable, face contre terre. La photo, extrêmement choquante, fait la une des grands titres de presse européens, jeudi 3 septembre.
Outre-Manche, le Guardian titre "La choquante, cruelle réalité de la crise des migrants en Europe", comme le Daily Mail, qui qualifie le garçon de "petite victime d'une catastrophe humaine". "L'Europe n'a pas pu le sauver", peut-on lire en grosses lettres sur la première page de Metro, en Grande-Bretagne. "Si ces images extraordinairement puissantes d'un enfant syrien mort échoué sur une plage ne changent pas l'attitude de l'Europe face aux réfugiés, qu'est-ce qui le fera?" titrait le site de The Independent.
Une image à la Une, une seule. Jusqu'à la nausée. #JaieteMigrant pic.twitter.com/tbLM08ymFM
— Alex de La Fontaine (@aldelafontaine) 2 Septembre 2015
Même scénario en Espagne. "Une image qui secoue la conscience de "l'Europe", titre El País, tandis que, sur Twitter, le journal italien La Repubblica y voit "une photo pour faire taire le monde". Le journal allemand Bild en a fait sa dernière page.
Bild fait sa dernière page avec la photo de l'enfant syrien. Avec un appel en une " Nous pleurons". Via @tanit pic.twitter.com/MY7OzQEqb4
— Cyril Petit (@CyrilPetit) 2 Septembre 2015
Les journaux français omettent le sujet
La photo n'a pas été publiée par les quotidiens nationaux jeudi matin. Les faits n'ont pas non plus été évoqués par les éditions imprimées, à l'exception du Parisien, qui y accorde un court article dans ses pages "faits divers". Le Monde a décidé d'y consacrer sa une de l'édition de vendredi.
Ce contraste entre les médias français et européens a suscité de vives réactions sur Twitter.
Un jour dans le monde / un jour en France pic.twitter.com/jOhF2ba3kj
— Guillaume Auda (@GuillaumeAuda) 3 Septembre 2015
Sur le réseau social, le directeur des éditions de Libération, Johan Hufnagel, répond avec véhémence aux accusations. Il rappelle que le journal a consacré de nombreuses unes à la question des migrants.
. @WilliamReymond et ce jour la, tu étais en vacances sans doute? pic.twitter.com/mUDZDBzBCw
— Johan Hufnagel (@johanhufnagel) 2 Septembre 2015
Dans un édito, le rédacteur en chef du Huffington Post, Paul Ackermann, explique pourquoi la rédaction a fait le choix de ne pas diffuser la photo. Il invoque la "pudeur et le respect de la dignité humaine".
Paul Ackermann cite l'exemple de célèbres photos d'enfants à l'agonie, comme celle montrant une fillette nue brûlée par le napalm américain pendant la guerre du Vietnam. "Ces images font l'histoire et peuvent la changer, comme le laissait entendre le titre de 'The Independent', écrit-il. Clairement, la presse française (nous compris) n'aura pas été à l'origine de cet ébranlement émotionnel international."
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