Migrants : le Royaume-Uni est-il vraiment la terre d'exil idéale ?
Quelque 3 000 étrangers séjournent actuellement à Calais dans l'espoir de rejoindre les côtes britanniques. Le Royaume-Uni demeure la destination rêvée des migrants, mais son image reste idéalisée.
"La Grande-Bretagne, c'est synonyme de liberté", confie Bilal, un Syrien de 29 ans, interrogé à Calais par l'Agence France-Presse, jeudi 29 juillet. Comme lui, quelque 3 000 migrants venus d'Erythrée, du Soudan, de Syrie ou encore d'Afghanistan tentent chaque nuit de rejoindre l'Angleterre, depuis le port de Calais ou via le tunnel sous la Manche.
Le Royaume-Uni, une terre d'exil idéale pour les migrants ? Porté par une économie florissante, le pays a accueilli en 2013 pas moins de 526 046 migrants de longue durée, selon les données de l'institut Eurostat. Mais, une fois sur place, les clandestins sont-ils vraiment mieux pris en charge ? Francetv info fait le point sur les "mythes" de l'immigration britannique.
Obtenir le statut de demandeur d'asile est plus facile
Oui et non. En 2014, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, la France a accordé l'asile à 22,5% des migrants qui l'ont demandée. La même année, 39% des migrants (PDF en anglais) qui ont fait une demande d'asile au Royaume-Uni ont reçu une réponse favorable. Un chiffre nettement plus élevé, mais qui doit être nuancé.
"Les procédures d'asile sont difficilement comparables entre les deux pays, assure Matthieu Tardis, chercheur au centre migrations et citoyennetés de l'Ifri. Le délai d'attente est plus court au Royaume-Uni, car le pays reçoit deux fois moins de demandes. La seule différence est dans l'attribution d'un hébergement, quasi immédiate au Royaume-Uni." Cela peut être de manière temporaire dans un appartement, une maison, une chambre d'hôtel ou dans un Bed and Breakfast, rapporte la BBC.
En France, le demandeur d'asile doit faire sa demande à la préfecture, pour avoir un titre de séjour. Il ne peut être placé en centre de rétention que s'il a épuisé tous les autres recours possibles. En principe, il doit bénéficier d'un hébergement durant tout le temps de la procédure, "mais les délais d'attente atteignent parfois quatre mois, parce que les migrants arrivent par vague, et qu'on essaye de les regrouper par nationalité", souligne Pierre Henry, le président de l'association France Terre d'asile.
Les migrants choisissent le Royaume-Uni
parce qu'ils parlent anglais
Oui et non. Selon le Home Office, l'organisme en charge de la lutte contre l'immigration illégale, la majorité des demandeurs d'asile arrivée au Royaume-Uni entre 2014 et 2015, est originaire d'Erythrée, du Pakistan et de Syrie. Des pays où l'anglais est largement répandu, quand il n'est pas l'une des langues officielles. "L'anglais est le plus souvent la langue étrangère qu'ils maîtrisent le mieux", confirme Hugo Tristram, responsable des réfugiés à la Croix-Rouge britannique.
En 2014, le Secours catholique a publié un rapport sur les raisons d'émigration de 54 clandestins, représentatifs de la population à Calais. A travers ces entretiens, le rapport montre que 42 (78%) parlaient anglais. Mais l'étude note aussi que la maîtrise de l'anglais n'est pas un choix déterminant dans la destination des migrants, et que 38 n'avaient par ailleurs aucune attache en Grande-Bretagne.
De plus, "la décision de partir en Grande-Bretagne se fait le plus souvent après l'arrivée en Europe. Après avoir traversé le désert, la Méditerranée, et avoir subi de mauvaises conditions d'accueil, la Manche n'est plus un grand obstacle à leurs yeux", explique le chercheur Matthieu Tardis. Selon le rapport du Secours catholique, seuls 11 des 54 migrants avaient ainsi prévu dès le départ de se rendre en Grande-Bretagne.
Trouver un travail est plus facile
Oui, mais… Avec un taux de chômage de 5,6% contre 10,3% en France, le marché du travail britannique est à première vue beaucoup plus attractif que le marché français. "D'autant que le marché britannique est complètement dérégularisé, et presque sans aucun contrôle, rappelle Pierre Henry, de l'association France Terre d'asile. Il n'existe pas de carte d'identité. Travailler au noir est très facile, et il est difficile de repérer un travailleur en situation irrégulière."
Outre-Manche, "le travail au noir agit comme une aide sociale", acquiesce Christian Salomé, qui préside à Calais l'association L'Auberge des migrants, interrogé par le Huffington Post. "Ces petits boulots, qu'il faut parfois chercher tous les jours, leur permettent de survivre. Ils en trouvent plus facilement qu'ici, dans les stations-service, les restaurants, ou les stations de lavage de voitures."
"Il est encore trop facile de travailler illégalement dans ce pays", avait lui-même reconnu le Premier ministre britannique, David Cameron, après sa réélection en mai dernier. Or, sans régularisation, pas de sécurité sociale, pas de droit au chômage, et pas de retraite possible pour les migrants. "Croire que le Royaume-Uni a une politique migratoire plus favorable est donc un leurre, assure le chercheur Matthieu Tardis. Il faut toujours remettre les chiffres en perspective avec le niveau de vie."
Les prestations sociales sont plus généreuses
Faux. Le Royaume-Uni n'est absolument pas plus généreux que la France avec ses demandeurs d'asile, au contraire. Côté français, en matière d'aide sociale, lorsqu'un demandeur d'asile ne peut pas être admis dans un centre d'accueil, il peut bénéficier de "l'allocation temporaire d'attente", qui s'élève à 80,15 euros par semaine durant un mois. Une fois accueilli dans un centre, un migrant voit cette première allocation remplacée par une "allocation mensuelle de subsistance", dont le montant peut grimper jusqu'à 718 euros par mois. Au Royaume-Uni, un demandeur d'asile majeur sans enfants touche, lui, 36,95 livres par semaine (environ 52 euros), quelle que soit sa situation.
En matière de santé, les migrants ont un accès gratuit à la sécurité sociale britannique. En France, ils bénéficient automatiquement de la couverture maladie universelle (CMU), qui offre un accès gratuit aux soins. Les clandestins peuvent également bénéficier de l'aide médicale d'Etat (AME), y compris s'ils n'ont pas encore fait de demande d'asile.
Enfin, en matière d'éducation, l'accès à l'école est gratuit au Royaume-Uni pour les enfants étrangers, et est obligatoire en France pour tous les enfants âgés de six à seize ans, qu'importent la nationalité et le statut. "La politique migratoire britannique n'est pas plus ouverte que la politique française, souligne toutefois Matthieu Tardis. Le climat de méfiance à l'égard des migrants est encore plus fort au Royaume-Uni qu'en France."
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