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Récit franceinfo "Nous avons été laissés seuls avec nos réfugiés" : le difficile accueil des exilés syriens en Jordanie

Franceinfo s’est rendu à Sahab, en Jordanie, où l’exil des réfugiés syriens semble passer de l’urgence à la persistance dans un pays qui a du mal à faire face malgré l’importance de l’aide humanitaire.

Article rédigé par franceinfo, Etienne Monin - Edité par Cécile Mimaut
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Temps de lecture : 6min
Des réfugiés syriens attendent le 14 janvier 2016 au poste frontière d'Hadalat, à l'Est d'Amman, de pouvoir entrer en Jordanie.  (KHALIL MAZRAAWI / AFP)

La Jordanie balance entre devoir de solidarité vis-à-vis des Syriens et le sentiment que la charge est maintenant suffisante. D’après les enregistrements du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le pays accueille actuellement 650 000 réfugiés syriens. Le gouvernement évoque, lui, 1,4 million de personnes qui vivent aujourd’hui dans des conditions précaires, comme franceinfo a pu le constater.

Deux sociétés interdépendantes

Dans la ville industrielle de Sahab, au sud d’Amman, les Syriens sont légaux, mais embauchés au noir pour la plupart. Nous nous rendons dans un atelier de vêtements déclaré. Mais quand on jette un rapide coup d’œil circulaire, l’endroit a tout d’un atelier clandestin, monté dans un sous-sol sombre, avec seize machines à coudre au pied desquelles on voit un tapis de vêtements et quelques travailleurs syriens, non déclarés. "C’est un atelier de vêtements. On fait des vêtements pour les femmes qui se vendent en ville et dans tout le pays et nous n’avons pas de permis de travail", raconte l’un de ces travailleurs.

Cet endroit illustre l’interdépendance grandissante des deux sociétés et la précarité des réfugiés syriens. Mahmoud Amr, le patron jordanien de l’atelier, nous explique que "parfois, on doit fermer les yeux si on veut prendre en compte leur situation, les aider et profiter de leurs compétences. On fait un peu comme on peut. On prend des Syriens qui ont des permis de travail et ceux qui n’ont pas de permis", reconnaît-il.

Une intégration difficile et synonyme de précarité

En Jordanie, les réfugiés syriens sont dans la précarité. Les conditions se sont assouplies mais ils sont très peu à avoir un permis de travail. Ils vivent presque tous sous le seuil de pauvreté. "Il y a beaucoup de familles monoparentales où la mère est seule avec beaucoup d’enfants. Elle aura des difficultés à travailler. La vulnérabilité de ces personnes augmente et elles ont donc besoin d’assistance de manière continue, soutenue, pour pouvoir tout simplement survivre", nous alerte Hélène Daubelcourt, porte-parole du Haut commissariat aux réfugiés.

Cette nouvelle vague de réfugiés agit comme un révélateur et un accélérateur des difficultés. Les écoles et les hôpitaux sont bondés. Les prix des loyers ont également flambé au point de perturber le processus des mariages, raconte Hanneen Hassouneh. Urbaniste pour la mairie, elle connaît d’autant mieux le sujet qu’elle est elle-même en train de préparer son mariage. "On a rencontré un gros problème avec mon fiancé pour trouver un bon appartement qui ne soit pas trop cher. On a trouvé à 400 euros par mois. Mais avant c’était 75 ou 100 euros. Trois cents euros c’est déjà la moitié d’un salaire", nous dit-elle.  

Les conditions d'entrée se durcissent

À Sahab, personne ne rejette les Syriens. Mais le pays semble avoir atteint sa limite. Moussa Shteiwi est directeur du centre pour les recherches stratégiques à l’université de Jordanie. Selon lui, "le pays ne peut plus prendre aucun réfugié de nulle part. Les gens et le gouvernement pensent qu’on a assez de réfugiés syriens. Tout le monde pense que, petit à petit, nous avons été laissés seuls avec nos réfugiés et c’est devenu graduellement un problème jordanien au lieu d’être problème international", analyse-t-il.

En février 2016, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés comptabilisait plus de 4,6 millions de réfugiés syriens dans les pays limitrophes de la Syrie, dont un peu plus de 635 000 en Jordanie. (AFP)

En 2014, les procédures d’entrée et d’installation ont commencé à se compliquer. Depuis un attentat à la frontière l’été dernier, les Syriens n’entrent quasiment plus et Mohamad Faycal se retrouve coupé d’une partie de sa famille avec sa sœur, toujours à Homs. "On se parle au téléphone, on aimerait vraiment pouvoir être ensemble mais on doit accepter cette situation, on n’a pas le choix. C’est vraiment dur parce que vous êtes loin de vos enfants, vous êtes séparés et vous ne pouvez ni les avoir ici, ni aller là-bas. C’est très dur", témoigne-t-il.  

L'impossible retour ?

Les Syriens sont dans une logique de retour mais la question est de savoir à quelle échéance. Avec la web-radio Souriali, Raneem produit chaque mercredi un programme pour l’éducation des femmes. Elle ne croit pas à un changement radical de la situation, même après l’arrêt des combats. "On a encore un cap à franchir qui est la phase de transition. Il va falloir incorporer les combattants à la vie normale pour qu’ils apprennent à ne plus porter d’armes, pour qu’ils oublient qu’il y a une armée derrière eux. Et cela qu’ils soient du côté du régime ou des groupes armés ou qu’ils appartiennent aux milices", estime-t-elle. D’après un diplomate européen, les départs massifs vers l’Europe sont aujourd’hui terminés. L’exil des Syriens semble passer de l’urgence à la persistance dans un pays qui a du mal à faire face, malgré l’importance de l’aide humanitaire.

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