: Reportage "On les pousse dans les bras des trafiquants" : des associations pointent la responsabilité des gangs albanais après la disparition de migrants mineurs en Angleterre
Brighton, sur la côte sud de l'Angleterre, à environ 80 km de Londres. Un adolescent sort d’une imposante bâtisse en briques rouges, haute de trois étages. Il vient fumer une cigarette dehors. Aussitôt, un homme vêtu d’un uniforme noir jaillit d’une voiture garée juste devant et lui intime l’ordre de rentrer. Depuis les révélations dans la presse de l’un de ces surveillants, les contrôles sont renforcés. C’est ici, à proximité de la plage de galets et à deux pas de la permanence du député, que des mineurs ont été kidnappés, devant l’hôtel où ils sont hébergés par le ministère de l’Intérieur.
Jacob Berkson, qui milite au sein d'une association qui aide les réfugiés, est en colère : "C’est vraiment choquant. La vie de ces enfants ne compte pas, uniquement parce qu’ils sont étrangers. C’est du racisme. La population a réagi puisqu’il y avait beaucoup de monde lors d’un rassemblement organisé mercredi dernier à Brighton. En revanche, les responsables politiques que ce soit dans la majorité ou parmi les travaillistes, ne sont pas à la hauteur de cette situation d’urgence. C’est révoltant."
Réseaux mafieux
Lauren Starkey se dit horrifiée mais pas surprise. Cette assistante sociale travaille pour l’association love146, un groupe de lutte contre le trafic et l’exploitation des enfants. Elle a parlé avec de jeunes réfugiés qui avaient été enlevés et finalement retrouvés. Elle décrit des garçons de 16 à 18 ans, envoyés au Royaume-Uni par des mafieux, en leur faisant miroiter une vie meilleure. Une fois arrivés, on les menace et un jour, une voiture vient les chercher : "88 % des enfants disparus viennent d'Albanie. Les gangs albanais sont malheureusement très implantés dans les réseaux criminels au Royaume-Uni. Ils contrôlent l'essentiel du marché de la cocaïne et de la culture du cannabis. Ils font venir des enfants ici pour qu'ils travaillent pour eux."
"Ils sont souvent enfermés dans des fermes de cannabis, ou forcés à participer à la distribution de la drogue. Ils sont battus s'ils essaient de protester. Les abus sexuels sont malheureusement très fréquents. Quand ils en sortent, ils sont profondément traumatisés."
Lauren Starkeyà franceinfo
Le gouvernement répond qu’il n’a pas de preuve de ces enlèvements. La police du Sussex précise qu’aucune plainte n’a été déposée jusqu’ici. Mais elle reconnaît qu’en mai dernier, ses services ont stoppé une voiture sur l’autoroute après avoir appris que deux enfants logés dans cet hôtel étaient montés à son bord. Les deux adultes présents ont été arrêtés et sont soupçonnés de "tentative de trafic humain". Trois mineurs avaient été retrouvés dans le véhicule. L’enquête est toujours en cours.
Pour Sasha Haddad, bénévole au sein de Care4calais, qui aide les migrants à Brighton, les autorités portent une lourde responsabilité : "Si les enfants quittent ces hôtels délibérément, c’est à cause des conditions horribles dans lesquelles le ministère de l’Intérieur les loge. Tous ceux qui aident ces migrants le savent. Ils ne peuvent rien faire, pas même étudier. Sans l’intervention des associations, ils ne pourraient même pas avoir de nouveaux vêtements ou téléphoner à leur famille. On les pousse littéralement dans les bras des trafiquants."
"Ils ne sont en sécurité nulle part"
Dans une lettre ouverte au Premier Ministre publiée en fin de semaine, plus de 100 organisations caritatives demandent la fermeture immédiate de ces hôtels réservés aux mineurs. Elles réclament leur placement dans des structures adaptées, comme des centres spécialisés ou des familles d’accueil.
"Il faut clarifier cette situation au plus vite, s’indigne Louise, l’une des animatrices bénévoles de Radio Calais, une radio de Brighton qui aide les migrants. Les politiciens ont une énorme responsabilité. Ils doivent savoir ce qui s’est passé, mais surtout, ils doivent retrouver ces enfants disparus. En excluant ces mineurs, en les plaçant dans ces hôtels, on les rend extrêmement vulnérables. Ils arrivent ici après un voyage extrêmement dangereux et on les traumatise. Ils ne sont en sécurité nulle part."
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