"ENVOYE SPECIAL". "Souvent, je leur demandais de me tuer", témoigne une migrante qui s'est enfuie de Libye
A bord de "L'Aquarius", un bateau affrété par une ONG pour secourir les migrants en Méditerranée, la jeune sage-femme de l'équipage veut aider les femmes à se libérer d'expériences particulièrement difficiles. Beaucoup gardent le silence, mais l'une d'elles finit par se confier. Extrait d'"Envoyé spécial".
Cet été, au lieu de partir en vacances, Juliette, 30 ans, a préféré embarquer à bord de L’Aquarius. Un bateau affrété par l’ONG SOS Méditerranée pour secourir les migrants perdus au large des côtes libyennes. "Envoyé spécial" a suivi la jeune femme, l'équipage et les rescapés le temps d'une mission.
Dans cet extrait, la jeune sage-femme va se trouver aux prises avec des blessures souvent taboues. Les femmes migrantes ont pu être victimes de violences sexuelles. Comment les encourager à parler ? Cette salle du bateau a été réservée aux femmes et à leurs enfants. Dans ce foyer, après le choc, elles peuvent enfin se sentir en sécurité. "C'est une pause au milieu du voyage, explique Juliette. Un endroit où on ne leur demande rien et où on leur donne des choses." Bon nombre d’entre elles garderont le silence, mais beaucoup demanderont à faire un test de grossesse, pour savoir si elles sont enceintes après un viol.
Des viols quotidiens, même sur des enfants
Une jeune femme originaire de Côte d'Ivoire va pourtant lui livrer son témoignage. Elle s'appelle Nana Hezena. Arrivée en Libye pour tenter la traversée vers l'Italie, elle a été kidnappée en pleine rue par des hommes armés. Non sans difficulté, elle raconte : "Ils sont venus, ils ont choisi les filles. On était cinq, ils nous ont mises de côté. Il y avait une petite fille de 11 ans. Ils l'ont violée, là-bas, et ils l'ont laissée. Onze ans !"
Les ravisseurs violaient aussi les hommes et les petits garçons, poursuit Nana, en pleurs. Elle-même a été séquestrée par des Libyens dans une maison où les viols étaient quotidiens. "C'était des personnes différentes à chaque fois. Ils crachent sur toi. Ils te frappent. Je me sentais tellement mal… Souvent, je leur demandais de me tuer." Son calvaire a duré deux mois. Mais un jour, l'un des violeurs s'est assoupi en laissant la clé à sa portée. Nana a ouvert la porte et s'est enfuie.
Extrait du magazine "Envoyé spécial" du 21 décembre 2017.
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