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Monaco et Andorre sont-ils toujours des paradis fiscaux?

Monaco et Andorre ont de nombreux points communs. Ce sont des principautés, établies aux confins du territoire français, à l’économie financière florissante, et qui sont sortis en 2010 d'une liste des paradis fiscaux établis par l’OCDE…
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La principauté de Monaco, vue du ciel (13-8-2012) (AFP - Photononstop - Gérard Labriet)

Evidemment, il n’est jamais très bon pour l’image de figurer sur la «liste des paradis fiscaux non cooopératifs»… Andorre (84.484 habitants pour 468 km²) et Monaco (2,02 km² pour 33.000 habitants, dont 8500 Français et 8000 Monégasques) ont donc officiellement pris l’engagement de mettre en œuvre les principes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière de transparence et d’échange effectif de renseignements.

Les accusations passées de «paradis fiscal», proférées à l’égard de ces deux principautés, n’ont donc pas toujours été usurpées. A tel point qu’en 2009, le président français Nicolas Sarkozy avait menacé de renoncer à son titre de coprince (l’autre coprince étant l’archevêque d’Urgell) d’Andorre. Si ce territoire a toute «légitimité à avoir une compétitivité fiscale, c’en est une autre que le refus de la transparence financière», expliquait-il. Le premier ministre andorran, Albert Pintat, avait rétorqué qu’il se sentait «très peu visé». «Nos structures juridiques ne font pas de nous un aimant à délocalisation fiscale capable de faire peur à nos voisins (…). Nous sommes, je pense, très peu concernés par l’agressivité spéculative des paradis fiscaux», estimait-il.

Secteurs financiers florissants
Une chose est sûre: le secteur financier andorran, constitué principalement par la banque et les assurances, est très dynamique. Il représente 16% du PIB local.

Une manifestation altermondialiste contre les paradis fiscaux près de Monaco


LaTéléLibre, 15-11-2008

A Monaco, les caractéristiques de l’économie locale sont les mêmes. La principauté compte plus de 40 banques et 44 sociétés de gestion, avec un PIB (4 milliards d’euros courants) qui est, par tête, le plus élevé au monde. En 2010, le secteur financier représentait 13,7% du PIB. De son côté, le secteur du BTP «affiche d’excellents résultats», grâce «notamment au renforcement de l’urbanisation», selon la fiche de présentation du Quai d’Orsay. Un phénomène que d’aucuns qualifieraient de «frénésie immobilière»… Il n’y a qu’à regarder Monaco du village de la Turbie (Alpes-Maritimes) et d’observer l’extrême densité du bâti sur le «rocher» pour mieux comprendre ce que signifie ce «renforcement de l’urbanisation».

Cela fait des années que des spécialistes dénoncent la politique fiscale des autorités monégasques. En 2000, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, alors députés PS, publiaient un rapport accablant sur «un territoire complaisant sous protection française». Selon eux, l’autorisation des sociétés-écrans, «l’absence de déontologie bancaire rigoureuse, l’existence d’une législation qui garantit l’anonymat des transactions, un casino sans contrôle, une coopération administrative et judiciaire internationale défaillante, font de Monaco un lieu propice au blanchiment des capitaux».

Façade de la Banca Privada d'Andorra à Andorre-la-Vieille, capitale de la principauté d'Andorre (1-4-2009) (AFP - PASCAL PAVANI )
 

Depuis, la principauté s’est efforcée d’évoluer. Pour être rayée de la «liste noire» de l’OCDE, elle s’est notamment engagée «à conclure avec les Etats qui en feraient la demande des accords de renseignements conformes aux standards internationaux». Le gouvernement princier a ainsi annoncé sur son site internet avoir conclu «24 (…) accords et conventions d’échanges d’information de coopération». Une annonce faite en 2011 dans le cadre d’une campagne de communication pour redorer son blason.

Andorre s’est conformée aux mêmes engagements en signant des accords similaires, notamment avec la France. Le territoire, qui jusque là n’avait pas de système d’imposition directe sur le revenu des personnes physiques, a instauré le principe d’un impôt sur les sociétés (taux de 10% contre 33,3% dans l’Hexagone) et une TVA à 4,5% (19,7% en France). En 2010, lors de la visite de Nicolas Sarkozy à Andorre-la-Vieille, le nouveau premier ministre de la principauté, Jaume Bartumeu Cassany, n’hésitait pas à parler de petite révolution. Le taux de 10% «correspond au minimum exigé par l’UE. C’est à peu près celui qui est appliqué en Bulgarie, par exemple. Et vu la crise épouvantable que l’on connaît en ce moment, c’est déjà beaucoup», expliquait-il alors.

Crise économique en Andorre sur fond de réforme fiscale


afpfr, 2-4-2011

Les promesses seront-t-elles tenues ?
Ces arguments ne convainquent pas certains observateurs et organisations comme CCFD-Terre Solidaire. Selon cette ONG, le taux de 10% annoncé à Andorre-la-Vieille, «reste faible et donc attractif». Et Monaco ? Avant d’avoir pris des engagements précis, la principauté avait toujours réussi à reconstruire petit à petit son statut de paradis fiscal, selon le rapport de Vincent Peillon et Arnaud Montebourg. Ce qui a d’ailleurs parfois envenimé ses rapports avec la France. Le 16 octobre 1962, le général de Gaulle avait ainsi imposé un blocus du micro-territoire…

Globalement aujourd'hui, «la France n'exerce pas beaucoup de pressions, l'Union européenne ne désigne jamais les paradis fiscaux en tant que tels à l'intérieur de l'UE», estime Mathilde Dupré, du CCFD. «Résultat: des territoires comme Andorre et Monaco n'ont pas eu à mener des réflexions en profondeur. Ils ont juste pris des engagements de façade pour se faire oublier», conclut-elle.

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