Moscovici à la Commission européenne : une victoire pour la France ?
L'ancien ministre des Finances aura donc sa carrière européenne. Mais il l'a décrochée de longue lutte et il n'est pas sûr que cela suffise à renforcer l'influence de Paris dans l'UE. Décryptage.
Il a réussi à convaincre Jean-Claude Juncker, le nouveau président de la Commission européenne. Pierre Moscovici a été nommé commissaire européen aux Affaires économiques, mercredi 10 septembre.
Cette nomination est une victoire personnelle pour l'ancien locataire de Bercy, qui convoitait ce poste. Mais est-ce vraiment un bon point pour la France ? Cela va-t-il accroître son influence à Bruxelles ? Eléments de réponse.
Oui, c'est un poste prestigieux
Pierre Moscovici peut se féliciter d'avoir décroché l'un des postes essentiels de la Commission européenne. Le commissaire aux Affaires économiques est en effet chargé de faire respecter la rigueur budgétaire décidée par Bruxelles. "C'est un des postes les plus importants, si ce n'est LE plus important, de la Commission", souligne François Beaudonnet, correspondant de France 2 à Bruxelles.
Le commissaire aux Affaires économiques est en effet "de tous les sommets internationaux", souligne Le Monde. Il représente la voix de l'Union européenne (UE) lors des réunions des ministres des Finances européens, au Fonds monétaire international (FMI) ou encore au G7 des Finances.
Oui, la France aura une oreille attentive
La nomination de Pierre Moscovici constitue en tout cas un joli pied de nez à la ligne prônée par Bruxelles, la France étant loin d'être le meilleur élève de l'UE en matière de réduction des déficits. Avec Pierre Moscovici, la France peut tenter d'infléchir (un peu) la ligne économique européenne. L'ancien ministre des Finances sera "à même de porter un message moins revêche sur le rythme et l'ampleur de la réduction des déficits budgétaires des pays membres", précise Le Monde.
"Dans le fond, mettre Moscovici à ce poste-là, c'est essayer d'avoir une Commission européenne un peu plus bienveillante vis-à-vis de la politique économique française", précise François Beaudonnet. Pour François Hollande, le but était d'avoir "une oreille plus attentive. Mais cela peut être un jeu dangereux car ce n'est pas sûr que cela fonctionne."
Oui et non, ce fut une longue bataille contre Berlin
"C'est une vraie victoire pour Paris, qui ne réclamait que ce poste-là", insiste François Beaudonnet. Sauf que la partie a tourné au bras de fer avec l'Allemagne, très réticente à voir un ancien ministre français en prendre les commandes.
Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, a émis des réserves, s'interrogeant sur le symbole envoyé. "Quelle serait la réaction de l'opinion publique, pas seulement en France mais dans toute l'Europe, si un tel poste était occupé par un candidat français ?" a-t-il déclaré en juillet, évoquant en filigrane les mauvais résultats économiques de la France. "Pour les Allemands, il n'y avait aucune raison que le mauvais élève en matière de déficits devienne le professeur", décrypte François Beaudonnet.
Mais Berlin a fini par se résigner. D'abord, Angela Merkel a obtenu presque tout ce qu'elle souhaitait, dont la nomination du Polonais Donald Tusk à la présidence du Conseil européen. Et Jean-Claude Juncker n'a pas cédé aux pressions de l'Allemagne, afin d'envoyer un message d'indépendance vis-à-vis de Berlin, note La Croix. Reste que si l'Allemagne a accepté l'idée de la nomination de Pierre Moscovici, c'est qu'elle a réussi à fixer ses conditions, en imposant une "mise sous tutelle" du Français.
Non, Pierre Moscovici risque d'être limité
Comme annoncé par l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, le nouveau commissaire aux Affaires économiques sera ainsi chapeauté par un "super-commissaire". Il s'agit du Finlandais Jyrki Katainen, 41 ans, membre du Parti populaire européen (PPE), qui regroupe les partis de la droite européenne.
Cet "expert en politique budgétaire", qui se situe sur "la ligne dure", a été nommé vice-président de la Commission, chargé notamment de l'Emploi, la croissance, l'investissement et la concurrence. Ce chantre de l'orthodoxie budgétaire a en fait servi de monnaie d'échange pour que Berlin accepte la nomination de Pierre Moscovici, expliquent Les Echos.
"C'est un poste un peu en trompe-l'œil pour Moscovici", commente François Beaudonnet. Tout dépendra de la façon dont le vice-président assumera son rôle, et de la marge de manœuvre qu'il laissera à Pierre Moscovici. Elle s'annonce restreinte. Selon un journaliste de l'agence italienne Ansa, le commissaire sera soumis à un droit de veto des vice-présidents.
Ue: Marge de manoeuvre restreint pour Pierre Moscovici, qui pour la première fois sera soumis au droit de veto des vice-présidents.
— Paolo Levi (@paolo_levi) 10 Septembre 2014
Non, il ne change rien à la situation de la France
La victoire est donc symbolique pour Paris, dont l'influence reste limitée à Bruxelles après le résultat des élections européennes, un scrutin qui a vu un parti opposé à l'UE – le Front national – obtenir près de 25% des suffrages dans l'Hexagone. De là à dire que l'arrivée de Pierre Moscovici regonflera l'ego européen de la France... "Ce n'est pas suffisant", tranche François Beaudonnet.
"Cela ne change rien car la France reste toujours affaiblie au Parlement européen, avec un bataillon d'eurodéputés FN opposés à l'Europe" et une influence de François Hollande assez limitée. "Ce n'est pas lui qui va redonner de l'influence à la France, poursuit le correspondant. En revanche, si Pierre Moscovici n'avait pas eu ce poste, ça aurait été la débandade totale."
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