Nantes se souvient de son passé esclavagiste
C'est de là que partaient les bateaux chargés de textile, d'armes et d'alcool, cargaisons échangées en Afrique contre des esclaves. Lesquels étaient ensuite déportés dans les colonies d'Amérique, d'où les navires nantais revenaient remplis de sucre, de café et de coton. Ce "commerce triangulaire" a permis l'essor économique de la ville, qui est à l'heure actuelle le seul port négrier français avec Bordeaux à avoir entrepris une telle démarche de mémoire.
En Europe, Liverpool en Angleterre et Amsterdam aux Pays-Bas ont déjà fait de même.
Le mémorial a mis du temps à sortir de terre
Le monument est adossé au quai de la Fosse, bordé des riches hôtels particuliers construits au XVIIIe siècle avec l'argent de la traite qui a déporté au moins 11 millions d'Africains, en quatre siècles.
1.710 plaques rappellent chaque expédition négrière, avec le nom du navire et sa date de départ. 290 autres plaques évoquent les comptoirs où étaient embarqués les esclaves, les ports d'escale et les ports de vente. En France, Nantes a totalisé 43% des expéditions négrières, loin devant Bordeaux et La Rochelle.
La décision d'ériger ce Mémorial, prise en 1998 par le conseil municipal de Nantes à l'occasion du 150e anniversaire de l'abolition définitive de l'esclavage, a toutefois mis treize ans à se concrétiser, en raison d'oppositions politiques et d'aléas techniques.
Reportage France 3 Nantes, dimanche 25 mars 2012
Un des buts de ce musée est de s'interroger sur l'Humanité
Le maire PS de Nantes, Jean-Marc Ayrault, a souligné que ce monument, qui a coûté 6,9 millions d'euros, avait été financé par les collectivités locales et l'Europe, sans aide de l'Etat. "Il s'agit de montrer que Nantes, premier port négrier de France, assume son histoire sans chercher à culpabiliser qui que ce soit, ce n'est pas un acte de repentance", a-t-il souligné.
"Le gouvernement a prétendu que nous étions dans une démarche de repentance pour dire non au financement, ce que je regrette car un tel Mémorial est une occasion pour la France de regarder lucidement son histoire, en rappelant ce que nous sommes et quelle est la mission à accomplir pour mettre fin à l'esclavage moderne", a-t-il ajouté.
"Nous sommes tous les héritiers de cette histoire, car pendant quatre siècles la traite a transformé à jamais le monde dans tous les domaines, humains, économiques, artistiques...", a de son côté souligné la présidente du Comité pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage en France, Françoise Vergès.
"Hier, l'Europe ne pouvait plus se passer de café, de sucre ou d'épices, qui reposaient sur le travail des esclaves et aujourd'hui, interrogeons-nous: que produisent les 27 millions d'esclaves contemporains, dont nous ne pouvons plus nous passer, comme par exemple les téléphones portables?", a-t-elle ajouté.
"Nous devons nous interroger sur l'humanité que nous voulons construire: comment changer les conditions de production ? Peut-être qu'il faudrait payer un peu plus et consommer un peu moins", a-t-elle déclaré.
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