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Norvège condamnée: «Breivik a fait triompher les valeurs de la démocratie»
Anders Behring Breivik, l'auteur d’une tuerie de masse en Norvège en 2011, a réussi à faire condamner son pays par la justice norvégienne, pour traitement inhumain. Il reprochait notamment à l’Etat norvégien d’être mis à l’isolement. Pour le juriste Serge Slama, le nazi Breivik s'est appuyé sur les valeurs de la démocratie qu'il combat pour obtenir justice sur ses conditions de détention.
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Anders Behring Breivik avait été condamné en août 2012 à une peine de 21 ans d'emprisonnement, le maximum prévu par la loi, avec une possibilité de reconduction, pour avoir commis le 22 juillet 2011 un attentat à la voiture piégée, qui a coûté la vie à huit personnes à Oslo, avant de tuer 69 participants à un camp de jeunesse du Parti travailliste sur l'île d'Utoya. Il poursuivait donc l'Etat norvégien pour mauvais traitement, mettant en cause notamment les mesures d'isolement qui lui sont imposées.
Le tueur reproche à la justice norvégienne les conditions de détention auquelles il est astreint. «Il doit d'abord et avant tout être autorisé à être en contact avec d'autres personnes», a notamment demandé son avocat qui poursuivait l’Etat norvégien pour les conditions de détention de Breivik qui serait à l’isolement 23 heures sur 24.
«L’interdiction des traitements inhumains et dégradants représente une valeur fondamentale dans une société démocratique. Cela vaut aussi pour le traitement de terroristes et d’assassins», a affirmé le tribunal norvégien, donnant en partie raison au plaignant.
«Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants»
«La Cour (…) est arrivée à la conclusion que le régime carcéral implique un traitement inhumain de Breivik.» Paradoxe donc: Breivik, tout en faisant le salut nazi et en combattant les valeurs du droit et de la démocratie, s'est appuyé sur la Convention européenne des droits de l'Homme pour obtenir justice.
Au-delà du débat sur les conditions d’incarcération du tueur d'extrême-droite, conditions qui ne semblent pas abominables, ce sont les questions liées à l’isolement qui sont mises en avant. «Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants», affirme en effet la Convention dans son article 3 auquel s'est référé son avocat pour appuyer sa demande. Sur cette base, la justice norvégienne a donc partiellement suivi l’avocat sous l’œil vigilant de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), qui a déjà rendu de nombreuses décisions dans ce domaine.
La Cour rappelle que l’article 3 consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Même dans les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, et quels que soient les agissements de la personne concernée, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.
La condamnation de la Norvège a pu surprendre, pourtant la décision de la justice norvégienne est «d'une grande banalité et n'a rien d'exceptionnel», analyse Serge Slama, maître de conférences en droit public, à l’Université Paris Ouest-Nanterre (et auteur d'un blog). En France même, les condamnations sur la base de l'article 3 de la CEDH sont très nombreuses, notamment en raison des mauvaises conditions de détention dans de nombreuses prisons en mauvais état. Certaines affaires ont fait plus de bruit.
La France a ainsi été poursuivi par Carlos pour ses conditions de détention. De son vrai nom, Ilich Ramírez Sánchez, condamné à la perpétuité pour la mort de trois policiers, avait poursuivi la France devant la Cour européenne pour avoir été «maintenu à l’isolement pendant huit ans et deux mois». Finalement la France ne fut pas condamnée sur la base de cet article, la cour jugeant «qu'en raison de la personnalité et dangerosité de M.Ramirez Sanchez, ses conditions de détention n’avaient pas atteint le seuil minimum de gravité nécessaire pour constituer un traitement inhumain ou dégradant».
On le voit, l'affaire Breivik est assez banale en droit. Même si les images le montrant faire le salut nazi, elles, ne le sont pas.
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