Parité euro-franc suisse : le jackpot pour les transfrontaliers ?
Dans le quartier de la gare Cornavin à Genève, à tous les coins de rues il y a des bureaux de change, où ça se bouscule depuis l’annonce de la Banque nationale : le franc suisse remonte en flèche. Les files d’attente s’allongent, les travailleurs frontaliers ont exhumé leur bas de laine ou convertissent tout simplement leur salaire ; bref, c’est la course à l’euro. Delphine, 22 ans, est Française et serveuse dans un restaurant à Genève. Elle aura de quoi améliorer l’ordinaire : "Au moins du 500 euros gagnant, et puis on peut aussi bloquer le taux pendant un an ".
Nous sommes maintenant chez Assem Moulki, responsable d’un petit bureau de change rue de Chantepoulet. Un bureau vidé de ses euros ces derniers jours : "C'était énorme, le samedi j'ai dû fermer même ! C'est la folie ! "
Un optimisme empreint d'inquiétude
A la gare de Genève, pendant ce temps, ils sont nombreux à emprunter le bus direction Annemasse, en Haute-Savoie, un département qui compte plus de 70.000 travailleurs frontaliers. C’est la fin de la journée, c’est bondé dans ce bus des migrations quotidiennes. Il y a notamment cet habitant d’Annemasse, qui affiche un air presque coupable. Il est assureur, bien payé - 8.000 francs suisses - et préfère garder l’anonymat quand il explique avoir empoché récemment une belle somme avec la récente appréciation de la devise helvétique : "Plus de 10.000 euros, oui c'est pas mal... "
Un système qui profite aussi à Muriel, 50 ans, qui gagne environ 2.000 francs suisses par mois. Elle travaille à temps partiel dans une bijouterie genevoise depuis 20 ans et en ce moment elle met son téléphone en mode calculatrice : "J'étais en train de calculer ce qu'on gagnait actuellement avec le nouveau taux de change, environ 300 euros. C'est une bonne nouvelle pour les Français, mais malheureusement le racisme qu'il y a ici à Genève envers les frontaliers et les Français ne va faire que s'exacerber, parce qu'ils viennent soit disant prendre du travail. Dès l'instant où il y a une crise, le bouc émissaire est vite vu, c'est l'étranger ".
Le voisin de bus de Muriel est Français lui aussi. Laurent, 44 ans, informaticien à Genève depuis dix ans, avec un salaire en hausse comme pour les autres. Et pourtant il a du mal à se réjouir : "C'est pas très bon pour nos emplois, si les exportations baissent ils vont supprimer des postes, et en premier lieu les frontaliers. C'est une très mauvaise nouvelle à long terme ". L’inquiétude de Laurent est partagée par les entrepreneurs suisses ; le patron des montres Swatch a parlé d’un véritable "tsunami ", craignant des répercussions lourdes pour l’industrie d’exportation, le tourisme… Alors à court terme, autant en profiter pour se faire plaisir ; avec un pouvoir d’achat en augmentation de 20 % les travailleurs frontaliers font plein de projets.
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