Pressions sur la bière en République tchèque
A côté d'une vague de nouvelles brasseries artisanales, de vieilles maisons qui s'étaient assoupies reprennent vie. Elles offrent ainsi une alternative aux bières blondes tchèques les plus connues, comme Pilsner (du nom allemand, Pilsen, de la ville de Plzen, en Bohème), devenues propriétés de multinationales.
La plus ancienne brasserie du pays remonte à 993. Les Tchèques sont fiers de leur boisson nationale qui, dans la plupart des pubs, est moins chère que l'eau en bouteille. Ils en sont les plus grands consommateurs dans le monde, avec 145 litres par habitant en 2011, selon les statistiques locales.
Née en 1710, la brasserie Unetice, dans la banlieue nord de Prague, est restée endormie pendant six décennies après sa fermeture en 1951, trois ans après l'instauration du régime communiste. C'est un couple, riche de l'expérience acquise dans une grande brasserie, qui a réveillé Unetice de son long sommeil. «C'est en nous promenant dans les environs que nous avons remarqué un bâtiment avec enseigne ‘‘brasserie’’», se souvient Lucie Tkadlecova qui dirige l'établissement avec son mari.
Après en avoir rénové tout le matériel en recourant à des technologies de pointe, le couple l'a remise en activité et table sur des bénéfices dès 2014. Unetice a produit près de 6000 hectolitres de bière en 2012. Selon Lucie Tkadlecova, la brasserie, qui emploie actuellement six personnes, pourrait à terme produire annuellement 10.000 hectolitres de bière spéciale non filtrée.
Epoque stalinienne et Révolution de velours
Après la Seconde guerre mondiale, 150 brasseries industrielles subsistaient dans l'ancienne Tchécoslovaquie, divisée entre République tchèque et Slovaquie en 1993. Leur nombre a chuté à 90 entre 1948 et 1989, durant l'économie planifiée de l'époque stalinienne, qui n’aimait pas forcément les débits de boisson et autres lieux de plaisir. Puis à 50 avec le retour à l'économie de marché et l'arrivée massive de géants étrangers.
Vingt ans après la Révolution de velours, certains établissements rouvrent leurs portes, en dépit de l'écrasante domination des grands groupes, Pilsner Urquell, détenu par SABMiller (coté à la Bourse de Londres), et Staropramen Pivovary, propriété de l’américano-canadien Molson Coors.
«La République tchèque compte 47 brasseries industrielles et 150 micro-brasseries sur son territoire», indique Jan Vesely, responsable de l'Association nationale des brasseurs. «Aucune n'a été fermée récemment, au contraire, certaines rouvrent, ce qui est un bon signe», ajoute-t-il
Sauvée de la faillite in extremis en 2011, la brasserie Pivovar Vyskov, fondée en 1680 et installé à Vyškov à 230 km au sud-est de Prague, voit son avenir dans une large gamme de bières, allant des stouts («bière brune épaisse et forte», dixit le Petit Robert) aux blondes, exportées en Allemagne, en Russie, dans les pays baltes, en Hongrie et en Slovaquie. «Quand nous l'avons reprise, elle était dans un trou noir en termes de chiffre d'affaires et de marketing», déclare Roman Holoubek, directeur de marketing de l'établissement.
En 2012, la brasserie a accusé une légère perte, mais elle a vu sa production augmenter de 47% par rapport à 2011, à 22.000 hectolitres. Elle a remporté des prix régionaux et des médailles, notamment au Japon, si bien qu'elle espère terminer l’année 2013 avec un bénéfice, selon Roman Holoubek.
Budweiser contre Budweiser
Mais, malgré l'engouement actuel pour des bières originales, les petites brasseries tchèques ne représentent toujours qu'un pour cent de la production et de la consommation. Elles ne sont donc pas une concurrence sérieuse, sur un marché dominé par des multinationales, estiment les experts. «Elles rendent le secteur intéressant, y apportent du piment, mais globalement elles n'ont pas d'impact sur le marché», constate le représentant de l’Association nationale des brasseurs.
La marque Budweiser est un cas à part. Deux firmes se disputent le nom depuis… plus d’un siècle : d’un côté, le brasseur tchèque Budejovickly, installé depuis 1895 à Ceské Budejovice (dont le nom allemand est Böhmisch Budweis) ; de l’autre, la multinationale américaine Anheuser Busch (du nom d’émigrés allemands), qui en 1876 a appelé sa bière… Budweiser, dont elle avait pris la précaution de déposer le patronyme. Les deux parties se sont livrées une guerre centenaire avant de conclure un accord en 2007. Soit 132 ans après le début des hostilités…
La bière tchèque dans la crise
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