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Retour des tensions ethniques en Macédoine?

Les affrontements de Kumanovo dans le nord de la Macédoine sont sans doute liés aux tensions ethniques et religieuses qui agitent régulièrement le pays né le 8 septembre 1991 dans le contexte de la désintégration de l’ancienne Fédération yougoslave. Ils interviennent quatorze ans après l’insurrection de 2001 qui avaient opposé populations de langue macédonienne et albanophone.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Obsèques d'un policier tué lors des événements de Kumanovo en Macédoine. Le cercueil est recouvert du drapeau macédonien.10 mai 2015. (ROBERT ATANASOVSKI / AFP)

Ces affrontements ont fait officiellement 22 morts dans un quartier albanophone de Kumanovo, troisième ville du pays, située près de la frontière serbe. Les combats des 9 et 10 mai 2015 ont, semble-t-il, opposé un «groupe terroriste» et l’armée. Selon les autorités macédoniennes, cinq des leaders des insurgés étaient des  ressortissants albanais du Kosovo. «Des terroristes avaient planifié un massacre en Macédoine , mais la police  a réussi à prévenir un plan monstrueux », écrit le quotidien progouvernemental Dnevnik, reprenant le discours des responsables macédoniens qui ont accusé ce groupe d'avoir eu pour but de s'attaquer aux institutions de l'Etat.

Stratégie de la tension ?

Ces affrontements surviennent quelques semaines après qu'un groupe armé d'Albanais venus du Kosovo a brièvement pris possession, le 21 avril, d'un petit commissariat de police à la frontière nord de la Macédoine, réclamant la création d'un État albanais sur le territoire de cette ex-république yougoslave. Une affaire non revendiquée qui a suscité des doutes sur la réalité même de cette attaque. De là à parler de manipulation et de mise en scène. Certains ont franchi le pas. 
 
Ils interviennent aussi dans un contexte intérieur tendu. «Depuis janvier, Zoran Zaev, le chef de l’opposition sociale-démocrate, rend publics d’étonnants enregistrements qui révèlent comment le Premier ministre Gruevski et ses proches contrôlent la justice et les médias, dirigent la corruption et gèrent le pays en marge des institutions légales. Nul ne sait comment l’opposition a réussi à se procurer ces enregistrements accablants, et le gouvernement dénonce un «complot de l’étranger » aux contours imprécis. De plus en plus désavouées par leurs partenaires occidentaux, les autorités de Skopje se sont d’ailleurs beaucoup rapprochées de Moscou ces derniers mois», note RFI.

Le dirigeant de l’opposition a carrément parlé de «diversion» et a demandé au premier ministre conservateur, Nikola Grouevski, «d’expliquer sans attendre qui cherche à déstabiliser» le pays avant d’ajouter «ce sombre scénario va échouer car les citoyens savent à qui il profite». 

Ce «vaudeville au milieu des Balkans inquiète les pays européens. En Macédoine, zone instable, les institutions reposent sur un fragile équilibre entre populations d'origine macédonienne, slave et albanaise», notait d'ailleurs Le Monde en mars dernier.

La guerre de 2001
Pour la Macédoine, si cette affaire est bien liée au Kosovo, la tuerie de Kumanovo rappelle les sombres événements de 2001. Dans les suites de la décomposition de l’ex Yougoslavie, la république fédérale de Macédoine a connu une naissance difficile. Dans la foulée de la naissance du Kosovo (guerre de 1999), les tensions au sein de la Macédoine prennent un tour violent. Les minorités, albanophones notamment, mettent en cause la toute puissance de la composante macédonienne (au niveau de la langue notamment).
 
En 2001, une véritable guerre éclate entre nationalistes albanophones, menés par des membres de l’UCK, ceux qui avaient mené la guerre contre la Serbie, et le gouvernement de Skopje, la capitale macédonienne. L’Europe essaie d’intervenir. Après six mois de combats, des modifications institutionnelles sont obtenues en faveur des minorités. Un accord finit par faire taire les armes. 
 
Les accords d'Ohrid ont été signés le 13 août 2001 par deux partis macédoniens et deux partis de la minorité albanaise, avec un encadrement de l'ONU et de l'OTAN. Ils octroient aux Albanais de Macédoine des droits destinés à améliorer leur condition de minorité.
 
La langue albanaise devient officielle aux côtés du macédonien dans toutes les municipalités qui sont peuplées d'au moins 20 % d'Albanais. L'usage de l'albanais est autorisé au Parlement. Les effectifs de la police doivent comporter au moins 23 % d'Albanais. La Constitution est amendée pour permettre aux députés albanais de s'opposer à toutes les décisions parlementaires concernant leur minorité (sans passer par la majorité des suffrages)...
 
«La France a ainsi étroitement contribué au processus de négociation de l’Accord-cadre d’Ohrid, qui a mis fin aux affrontements, avec deux représentants spéciaux de l’Union européenne, M. François Léotard puis M. Alain Le Roy. La réforme de la Constitution était conduite par M. Robert Badinter », souligne le site du Quai d’Orsay.  

Entrée dans l'Union européenne 
Ces événements ne facilitent pas la candidature de la Macédoine à l'Union européenne. Celle-ci est officielle depuis 2005. Mais l'adhésion du troisième pays de l'ex Yougoslavie à l'UE  (après la Slovénie et la Croatie) n'est pas faite. Et les actuelles tensions ne devraient pas plaider en sa faveur.

La situation économique du pays reste difficile. Il est considéré comme l'un des plus pauvres de la région. Le pays a connu cependant une croissance nettement positive ces dernières années tandis que sa monnaie est arimée à l'euro.

Reste que l'Europe dénonce toujours la corruption dans le pays. Sans compter l'ancienne hostilité des Grecs qui ont toujours contesté l'utilisation du mot «Macédoine» qu'ils considèrent comme faisant partie de l'histoire de la Grèce. C'est pour cela que le pays porte le curieux nom d'«Ancienne République yougoslave de Macédoine».
 


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