Russie : ce que cherche Poutine en libérant l'opposant Khodorkovski
L'ex-oligarque a été libéré de son camp après la grâce accordée par le président. Francetv info décrypte la stratégie de Vladimir Poutine dans cette affaire.
Plus de dix ans que Mikhaïl Khodorkovski, 50 ans, croupissait entre prison et camps sibériens. L'ancien oligarque et ennemi numéro 1 de Vladimir Poutine a été libéré vendredi 20 décembre. Le président russe a signé le décret accordant la grâce présidentielle à l'ex-magnat du pétrole russe devenu critique virulent du Kremlin.
Le décret précise que la décision du président russe s'appuie sur "les principes d'humanisme". Mais d'autres raisons, officieuses, expliquent cette soudaine libération, menée de main de maître. A en croire le quotidien Kommersant, Mikhaïl Khodorkovski, libérable en août 2014, a cédé à la pression en sollicitant la grâce présidentielle - ce qui revient, d'une certaine manière, à reconnaître sa culpabilité. Les services secrets lui auraient en effet raconté que l'état de santé de sa mère se dégradait et auraient brandi la menace d'un troisième procès.
Une démonstration de force
Comme l'analyse RFI, en cédant à la requête de son opposant numéro un, Vladimir Poutine "prouve une fois de plus que c'est vraiment lui qui décide. Il châtie et gracie à sa guise, quand il veut". Sans pour autant prendre trop de risques. Selon Tatiana Kastouéva-Jean, spécialiste de la Russie interrogée par Europe 1, Mikhaïl Khodorkovski "a prévenu qu'il ne voulait plus faire de politique, ni participer à la vie économique". Il ne représente donc plus vraiment une menace pour Vladimir Poutine.
Cette grâce retentissante et inattendue est à rapprocher de l'amnistie adoptée par le Parlement mercredi, qui devrait lever les poursuites contre l'équipage de Greenpeace, parmi lesquels figurent 26 étrangers. Elle prévoit aussi de libérer les deux jeunes femmes emprisonnées du groupe contestataire Pussy Riot.
Restaurer l'image de la Russie
Vladimir Poutine viserait ainsi à restaurer l'image de son pays sur la scène internationale, à l’approche des Jeux olympiques de Sotchi, un projet de première importance pour le président russe. L'adoption récente d'une loi portant atteinte aux droits des homosexuels a provoqué une levée de boucliers dans les pays occidentaux. Et plusieurs chefs d'Etat, comme François Hollande et Barack Obama, entendent boycotter la cérémonie d'ouverture.
Malgré son rôle diplomatique prépondérant dans le dossier syrien, la Russie a détérioré son image sur d'autres fronts, comme dans le dossier ukrainien. Le Kremlin est accusé de faire pression sur ce pays pour l’empêcher de se rapprocher de l’Union européenne. Et l'argent débloqué - 15 milliards d'euros - pour mettre fin à la crise et aux manifestations monstres ne suffira peut-être pas à calmer la colère des opposants ukrainiens.
Un message à l'attention des Russes
Selon plusieurs observateurs, Vladimir Poutine cherche enfin à améliorer le climat des affaires dans son pays, dont l'économie stagne. La nouvelle de la grâce de Mikhaïl Khodorkovski a fait grimper les cours de la Bourse. Cette libération est "un signal très important", commente l'économiste russe Sergueï Gouriev, réfugié en France après avoir été interrogé à plusieurs reprises en Russie dans le cadre de l'affaire Khodorkovski. "En soi, cela ne change rien, mais cela donne de l'espoir à tous les investisseurs."
Cette libération ne va pas "réparer les blessures infligées à l'économie et à la société [russe] il y a dix ans", nuance le quotidien économique Vedomosti. C'est pourtant ce que chercherait à faire Vladimir Poutine, selon le spécialiste Laurent Vinatier. Sur RFI, il souligne que le président russe adresse avant tout un message à son pays, régulièrement secoué par des manifestations anti-Poutine depuis le début de son troisième mandat, en 2012. "Poutine s'est rendu compte qu'il avait atteint comme une espèce de sommet d'une bulle anti-libérale. Pour l'empêcher d'éclater et provoquer quelque chose de très négatif, il a pris l'option d'ouvrir un peu plus l'environnement politique."
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