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Russie : "Poutine surestime la menace des opposants"

L'opposant politique Alexeï Navalny a été condamné pour détournement de fonds. S'agit-il d'un nouveau procès politique ? L'analyse de Philippe Migault, spécialiste des questions stratégiques russes.

Article rédigé par Pauline Hofmann
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un opposant est détenu par la police après l'annonce de la sentence visant l'opposant et blogueur russe Alexeï Navalny, à Moscou (Russie), le 18 juillet 2013. (KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP)

L’opposant russe Alexeï Navalny a été condamné, jeudi 18 juillet, à cinq ans de camp pour le détournement de 16 millions de roubles (377 000 euros). Il devait se présenter aux élections municipales à Moscou, en septembre prochain. A-t-on assisté à un nouveau procès politique dans la Russie de Vladimir Poutine ?

Francetv info a interrogé Philippe Migault, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste des questions stratégiques russes.

Francetv info : Alexeï Navalny a été condamné pour "détournement de fonds". Il est avocat, blogueur et candidat à la mairie de Moscou. Son procès est-il un procès politique ?

Philippe Migault : Alexeï Navalny est connu pour son combat contre la corruption en Russie, un sujet sensible. En ce qui concerne sa condamnation, un certain nombre d’experts estiment qu'elle n'est pas totalement injustifiée mais il est difficile de se faire une idée claire. Ce qui est certain, c'est qu'à partir du moment où une personnalité a le statut d’opposant politique et est condamnée, l’opposition pousse des cris d’orfraie. Pourtant, il ne s'agit pas forcément d'un procès politique. 

Alexeï Navalny va passer cinq ans en camp, le militant d’extrême gauche Sergueï Oudaltsov est assigné à résidence, l’oligarque Mikhaïl Khodorkovski est emprisonné depuis 2004... Quel opposant reste-t-il à emprisonner en Russie ?

Il reste des milliers d’opposants. Ce sont les leaders d’opinion qui se raréfient. Les communistes et les ultra-nationalistes continuent à élever la voix contre le régime de Vladimir Poutine. Mais il faut savoir que ces militants radicaux ne sont pas des chantres de la liberté d’expression et de la démocratie.

Parmi les membres de l’opposition plus occidentalisée, minoritaire mais plus connue en France, le libéral Boris Nemtsov est toujours là. Mais ils ne représentent pas la majorité de l’opinion russe. J’ai assisté il y a quelques temps à une manifestation devant l’ancien siège du KGB. Les opposants libéraux haranguaient la foule pour les pousser à les suivre. Mais les Moscovites passaient leur chemin dans la plus grande indifférence.

Pourquoi le pouvoir russe s’acharne-t-il à réprimer des opposants, dont vous jugez qu’ils sont minoritaires dans la critique du Kremlin ?

L'opposition pro-occidentale qui prône la démocratie est ultra minoritaire en Russie. Et le pouvoir le sait parfaitement. Mais la Russie s’est sentie menacée par la "révolution orange" en Ukraine ou la "révolution des roses" en Géorgie. Il redoute une agitation continue maintenue depuis l’étranger. D’une certaine manière, le pouvoir surestime cette menace, ce qui le pousse à réagir brutalement.

Il y a également l'idée de faire un exemple. Prendre un leader d'opinion et le mettre en prison pour quelques années calme certaines ardeurs. Toutefois, la situation s’est incontestablement améliorée depuis la fin de l’Union soviétique, même si elle n’est pas parfaite. Il reste difficile de juger la Russie avec notre regard d’Occidentaux.

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