Cet article date de plus de dix ans.
Ukraine : Odessa, sur la mer Noire, royaume de la contrebande et des mafias
Odessa. Ukraine. Une plaque tournante du commerce qui génère son lot de corruption et de trafics. Alors que les relations entre pouvoirs russe et ukrainien sont des plus tendues, la Perle de la mer Noire traîne une réputation sulfureuse…
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Temps de lecture : 5min
«La ville est un lieu de retraite privilégié des "anciens" membres de l’armée et de la marine de l’époque soviétique, et aussi du GRU (Direction générale des renseignements de l’Etat-major des forces armées russes et soviétiques)», annonce CaféBabel. Il s’y déroule «une nouvelle guerre froide entre l’Ukraine, penchant vers l’Occident, et la Russie», précise le site. Si Odessa est largement russophone, il y reste de nombreux partisans du nouveau pouvoir ukrainien.
Petit rappel historique : Odessa a été fondée par la grande Catherine II de Russie en 1794. La ville, qui a connu une croissance rapide et à très vite généré une immigration massive, fut longtemps une grande ville juive (beaucoup d’entre eux sont morts en déportation lors de la Seconde guerre mondiale ou ont émigré en Israël ou aux USA dans les années 70). Devenue port franc en 1819, elle le restera jusqu’en 1859. Base navale durant toute l’époque soviétique, où elle devient «le plus grand port de l’URSS des "mers chaudes"», Odessa est redevenue en 2000 pour 25 ans un port franc et une zone franche.
Ville de trafics
Avec son million d’habitants, la 5e ville d’Ukraine est l’une des plus riches et des plus «turbulentes», comme le signalait déjà en 2001 Le Point. «A l'instar de Marseille, à laquelle on la compare volontiers, Odessa s'est fait une réputation de débrouillardise. Dans le jargon de la ville, c'est kroutitsia, un mot russe qui signifie tout à la fois "s'en sortir" et "faire des affaires".»
Et faire des affaires, c’est ramener d’Istanbul les denrées les plus diverses qui alimenteront le marché noir. En 2001, selon le site de l’hebdomadaire, «80% des marchandises» alors vendues au «marché du 7e kilomètre», lieu où tout se vend et tout s’achète, étaient «le fruit de la contrebande».
Débrouillardise mais aussi magouilles à grande échelle, attribuées au crime organisé, qui navigue en eaux troubles entre l’Ukraine et la Moldavie voisine. «Il n'y a pas un commerce, petit ou grand, qui ne soit contrôlé, au moins en partie, par une mafia», selon un Odessite avisé.
La fin de l'URSS a accéléré le processus
Depuis la fin de l’URSS, beaucoup de marins employés auparavant comme main d’œuvre dans les deux principaux ports ukrainiens, Odessa et Sébastopol (qui fait partie de la Crimée russe aujourd’hui), se sont retrouvés au chômage. Une partie d’entre eux se sont «recyclés» dans la contrebande et le trafic de stupéfiants dès les années 90.
Après la chute du mur, le crime organisé ukrainien en lien avec la mafia russe (composés en partie, selon le Telegraph, d’anciens des services de sécurité des deux pays avec des appuis haut placés) vont faire leur beurre. Offrant des couvertures aux trafiquants par le biais de douaniers peu regardants. Et finançant les réseaux politiques pro-Russes ou pro-Occidentaux qui s’affrontent depuis la révolution Orange de 2004, selon le journal britannique.
Plaque tournante de la prostitution
Au-delà du trafic de marchandises, ou de drogue, le port d’Odessa est l’une des principales plaques tournantes de la traite d’êtres humains, comme le montre le Guardian. Notamment celle des femmes. Une filière de prostitution, florissante grâce à l’aide de policiers véreux, qui transite par Odessa avant de rejoindre une cinquantaine de pays.
Dans les années 90, le trafic des armes a permis d’alimenter les conflits africains ou sud-américains. Il s’organisait via la Transnistrie (dernier confetti mafieux de l’Empire soviétique, selon RFI en 2005) vers la Moldavie, comme l’analyse la revue Regard sur l’Est.
Accusé de ne pas prendre le problème en mains, le pouvoir central de Kiev avait ordonné en 2006 «un audit général du port, dont la direction a été accusée de couvrir des "opérations douteuses", écrivait Le Monde en 2007. «Le directeur a été mis en cause, avant d’être confirmé dans ses fonctions», avait conclu le quotidien.
Une situation qui pourrait durer
Et aujourd’hui, alors que les troubles secouent l’Ukraine (la ville n'a pas été épargnée par le conflit en mai 2014), que va-t-il se passer à Odessa ? En tissant des liens avec l’UE, il est fort à parier que l’Ukraine devra montrer sa volonté de réprimer les trafics.
Mais en cas de pression européenne et de mesures répressives, les trafics pourraient se déplacer vers la Crimée et le port de… Sébastopol. Désormais passé dans le giron russe.
Petit rappel historique : Odessa a été fondée par la grande Catherine II de Russie en 1794. La ville, qui a connu une croissance rapide et à très vite généré une immigration massive, fut longtemps une grande ville juive (beaucoup d’entre eux sont morts en déportation lors de la Seconde guerre mondiale ou ont émigré en Israël ou aux USA dans les années 70). Devenue port franc en 1819, elle le restera jusqu’en 1859. Base navale durant toute l’époque soviétique, où elle devient «le plus grand port de l’URSS des "mers chaudes"», Odessa est redevenue en 2000 pour 25 ans un port franc et une zone franche.
Ville de trafics
Avec son million d’habitants, la 5e ville d’Ukraine est l’une des plus riches et des plus «turbulentes», comme le signalait déjà en 2001 Le Point. «A l'instar de Marseille, à laquelle on la compare volontiers, Odessa s'est fait une réputation de débrouillardise. Dans le jargon de la ville, c'est kroutitsia, un mot russe qui signifie tout à la fois "s'en sortir" et "faire des affaires".»
Et faire des affaires, c’est ramener d’Istanbul les denrées les plus diverses qui alimenteront le marché noir. En 2001, selon le site de l’hebdomadaire, «80% des marchandises» alors vendues au «marché du 7e kilomètre», lieu où tout se vend et tout s’achète, étaient «le fruit de la contrebande».
Débrouillardise mais aussi magouilles à grande échelle, attribuées au crime organisé, qui navigue en eaux troubles entre l’Ukraine et la Moldavie voisine. «Il n'y a pas un commerce, petit ou grand, qui ne soit contrôlé, au moins en partie, par une mafia», selon un Odessite avisé.
La fin de l'URSS a accéléré le processus
Depuis la fin de l’URSS, beaucoup de marins employés auparavant comme main d’œuvre dans les deux principaux ports ukrainiens, Odessa et Sébastopol (qui fait partie de la Crimée russe aujourd’hui), se sont retrouvés au chômage. Une partie d’entre eux se sont «recyclés» dans la contrebande et le trafic de stupéfiants dès les années 90.
Après la chute du mur, le crime organisé ukrainien en lien avec la mafia russe (composés en partie, selon le Telegraph, d’anciens des services de sécurité des deux pays avec des appuis haut placés) vont faire leur beurre. Offrant des couvertures aux trafiquants par le biais de douaniers peu regardants. Et finançant les réseaux politiques pro-Russes ou pro-Occidentaux qui s’affrontent depuis la révolution Orange de 2004, selon le journal britannique.
Plaque tournante de la prostitution
Au-delà du trafic de marchandises, ou de drogue, le port d’Odessa est l’une des principales plaques tournantes de la traite d’êtres humains, comme le montre le Guardian. Notamment celle des femmes. Une filière de prostitution, florissante grâce à l’aide de policiers véreux, qui transite par Odessa avant de rejoindre une cinquantaine de pays.
Dans les années 90, le trafic des armes a permis d’alimenter les conflits africains ou sud-américains. Il s’organisait via la Transnistrie (dernier confetti mafieux de l’Empire soviétique, selon RFI en 2005) vers la Moldavie, comme l’analyse la revue Regard sur l’Est.
Accusé de ne pas prendre le problème en mains, le pouvoir central de Kiev avait ordonné en 2006 «un audit général du port, dont la direction a été accusée de couvrir des "opérations douteuses", écrivait Le Monde en 2007. «Le directeur a été mis en cause, avant d’être confirmé dans ses fonctions», avait conclu le quotidien.
Une situation qui pourrait durer
Et aujourd’hui, alors que les troubles secouent l’Ukraine (la ville n'a pas été épargnée par le conflit en mai 2014), que va-t-il se passer à Odessa ? En tissant des liens avec l’UE, il est fort à parier que l’Ukraine devra montrer sa volonté de réprimer les trafics.
Mais en cas de pression européenne et de mesures répressives, les trafics pourraient se déplacer vers la Crimée et le port de… Sébastopol. Désormais passé dans le giron russe.
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