Vers la fin du secret bancaire en Europe ?
L'aboutissement
d'un long processus
Avec la
crise et la nécessité de faire rentrer de l'argent dans les caisses des Etats,
les gouvernements exercent désormais une pression politique sur
les paradis fiscaux pour faire tomber les digues
du secret bancaire. Une affaire a joué le rôle de déclencheur : celle
d'UBS. En 2007, un employé de la banque suisse révèle comment UBS organise l'évasion fiscale de milliers de clients américains. Les Etats-Unis ouvrent alors une procédure judiciaire et, en 2009, la banque helvète est
condamnée à verser 600 millions d'euros d'amende pour avoir inciter
des milliers de contribuables à frauder le fisc. Les Etats-Unis
obtiennent finalement que les banques suisses communiquent le nom de leurs
clients américains. Une brèche est ouverte dans le secret bancaire.
Toutes
les places financières européennes sont dans le viseur
Les deux Etats
doivent, en fait, adopter, lors du sommet européen qui s'ouvre à Bruxelles,
la directive sur la fiscalité de l'épargne. Elle met en place ce qu'on
appelle l'échange automatique de données entre les administrations fiscales
de tous les pays de l'Union européenne. "Cela veut dire qu'à partir du 1er
janvier 2015, quand vous ouvrirez un compte au Luxembourg, un compte non
déclaré, le fisc français sera automatiquement informé. Cela concernera toutes
les transactions financières, achat d'actions, d'obligations...le fisc de
votre pays sera informé, c 'est une remise en cause du secret
bancaire " se félicite Christian Chavagneux, économiste et rédacteur
en chef d'Alternatives Economiques.
Le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel estime
de son côté que cet accord "mettra fin aux dommages que l'image de marque du
Luxembourg a subis au cours des dernières années ". Mais le Luxembourg exige
aussi que les autres paradis fiscaux européens (même hors UE)
passent eux aussi à l'échange automatique de données. La Commission européenne a donc ouvert des négociations avec les cinq pays
tiers (Suisse, Liechtenstein, Andorre, Saint-Marin et Monaco) qui pourraient
aboutir avant la fin de l'année.
L'évasion
fiscale internationale a encore de beaux jours devant elle
Le
Luxembourg tire en effet 40 % de sa richesse nationale de ses services
financiers, un univers où règne une grande opacité. Gabriel
Zucman, jeune économiste français, est un des meilleurs spécialistes
mondiaux de l'évasion fiscale. Et pour lui, la fraude continuera à passer
par le Luxembourg. "C'est le paradis fiscal des paradis fiscaux.
C'est un pays qui fait commerce de sa souveraineté en offrant aux
multinationales la possibilité de décider elle-même de leur imposition, c'est
pour cela que vous avez un nombre incalculable de holding qui ont leur siège
au Luxembourg, ce qui entraine des pertes de recettes fiscales importantes
pour les autres pays européens."
Parmi les
multinationales qui ont installé leur siège européen au Luxembourg, il y a des géants
du net comme Ebay, Amazon, ou encore Itunes, la plateforme d'Apple, qui
profitent de la législation du grand-duché en y rapatriant l'essentiel du CA réalisé
en fait dans les autres pays.
C'est
comme cela qu'en 2011 Amazon a fait près de 900 millions de CA en France mais n'en
déclare, en fait, sur notre sol que 110 millions. Le fisc français réclame
d'ailleurs aujourd'hui près de 200 millions d'euros à l'entreprise.
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