Grèce : "Syriza ? C'est la seule solution. Plus rien à perdre !"
Yorgos et Catarina, la trentaine, gagnaient 3.000 euros par mois. En 2009, avec la crise, ils n’en gagnaient plus que 900 euros. Un vieil oncle leur a prêté un appartement, dans la banlieue d’Athènes. "Sans cela, confient-ils, nous serions dans une sacrée galère ".
Des cigarettes roulées, et le strict nécessaire
Catarina, elle, est infirmière, a été licenciée. Yorgos, lui, doit se contenter d’un emploi en dessous de ses qualifications dans l’informatique. Malgré leur chute de revenus, ils n’ont pas voulu renoncer à leur rêve de devenir parents : il y a deux ans, Ania est née. Au milieu de ses jouets dans le salon où les infos tournent en boucle à la télévision, Yorgos et Catarina s’offrent une pause : un café grec, une cigarette. Roulée, bien sûr.
Les autres, les vraies sont devenues un luxe : "Moi qui était insouciante et ne regardais pas trop à la dépense avant quand je faisais les courses, j’ai appris à compter à l’euro prêt. Quand je vais au supermarché, je regarde la moindre étiquette, je fais des additions. J’ai renoncé aux séances-shopping pour les vêtements. On n’achète plus que le nécessaire. Notre vie a changé ! Et quand ta vie change, tu sais, ton vote change !"
> ECOUTEZ le reportage de Mathilde Lemaire, envoyée spéciale à Athènes :
Voter Syriza, pour relever la tête
Jusqu’à 2012, Catarina avait toujours voté pour le PASOK, le PS grec, en pleine déroute aujourd’hui. Yorgos, lui, a souvent alterné entre la gauche et la droite. Des partis traditionnels que tous deux rejettent violemment aujourd’hui. Yorgos réfléchit un instant, et s’étonne presque lui-même d’avoir opéré un tel virage politique : "Tu m’aurais dit, il y a 5 ou 10 ans qu’un jour je voterais extrême gauche, je ne t’aurais jamais cru ! Ca non ! Mais que voulez-vous, aujourd’hui c’est la seule solution ! Les autres nous ont montré ce qu’ils savaient faire : en l’occurrence : rien ! Ils ont eu une gestion pathétique de la crise. Ils ont mis le pays à terre… Un quart des Grecs sont au chômage. On a 25 % de suicides de plus qu’avant la crise ! On a atteint un point de non-retour. Alors, le peuple a décidé de relever la tête maintenant. Question de dignité ! Et ça passe par ce vote ! On n’a plus rien à perdre ! "
Tsipras, un homme politique qui leur ressemble
Yorgos a suivi à la télé jeudi soir le dernier meeting d’Alexis Tsipras place de la concorde à Athènes. Il a surtout aimé les élans patriotiques. Et quand le leader de Syriza a dit qu’il n’était pas question de vendre le pays, plus question de laisser dicter des politiques d’austérité. De l’étranger. Il a souri quand Tsipras a dit qu’il fallait faire sortir Angela Merkel du cockpit. Satarina, elle, avoue être charmée aussi par le discours et le personnage d’Alexis Tsipras : jamais de cravate, le col ouvert, ce qui est très nouveau très moderne pour un homme politique en Grèce.
Elle explique : "Il n’a que deux ou 3 ans de plus que nous. Il a des enfants en bas âge, comme nous. Il est à la fois très éloquent et humble, il s’exprime simplement. Il reste proche de la base, proche des Grecs qui souffrent, à qui il propose des aides, des hausses de salaires, des baisses d’impôt, un salaire minimum, il veut stopper l’austérité. Pour cela, il devra tenir tête à la Troïka, à Bruxelles et je pense qu’il a l’énergie pour le faire. "
Sortir de l’euro ? Pourquoi pas.
Tsipras promet de renégocier la dette du pays de 300 milliards. Mais il jure qu’il n’est pas question pour lui de faire sortir la Grèce de la zone euro. Yorgos est tellement amer qu’il n’a pas peur, lui, d’aller encore plus loin : "Si on doit sortir de l’euro pour arrêter de se faire humilier, qu’on le fasse, s’exclame-t-il. Si rester dans l’Euro, ca veut dire regarder notre pays s’enfoncer encore un peu plus dans la souffrance, alors sortons en ! L’Allemagne nous a asservis avec cette monnaie unique. Si retrouver la liberté, ca doit passer par un retour à la drachme, moi je n’aurai pas peur d’y revenir, après tout ! "
Il y a un point sur lequel Yorgos et Catarina sont en désaccord avec Tsipras ce sont ses propositions qu’ils trouvent trop laxistes en matière d’immigration et de naturalisation. Mais en ce moment ce qui prime ce sont les questions économiques alors on passe là-dessus explique Yorgos… Demain soir, si la victoire est confirmée, il a bien envie d’aller fêter ça dans les rues d’Athènes. Catarina plus méfiante préfère attendre de voir les résultats concrets pour se réjouir.
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