Le cinéma grec ne connaît pas la crise
Déjà en 2009, Lanthimos séduit le festival de Cannes et remporte le prix «Un certain regard» avec son film Canine. L'histoire : un portrait surréaliste d'une famille grecque dans laquelle trois adolescents restent cloîtrés chez eux sans avoir accès au monde extérieur. Résultat : les jeunes croient que les chats sont des assassins et prennent les fleurs jaunes pour des zombies. Cette œuvre, pami tant d'autres, est issue d'une nouvelle génération de réalisateurs qui doivent faire face aux aléas de la crise plombant le pays depuis 2008.
Dans un entretien accordé au Guardian, Yorgos Lanthimos explique : «Les réalisateurs partagent un point commun, le manque de moyens. Nous devons nous débrouiller avec peu de budget et faire de petits films.»
Ce manque de moyens les a contraints à développer un cinéma d'un nouveau genre. Ils ont rompu avec le cinéma des années 90 et l'héritage du grand Théo Angelopoulos. La récession a coûté à des milliers de personnes leur emploi ou leur logement. Une récession et un marasme économique qui a balayé comme une lame de fond la société. Un bouleversement qui a suscité la curiosité et la créativité des cinéastes. Pour Orestis Andreadaxis, directeur du festival du film d'Athènes, «la nouvelle génération de cinéastes est plus ouverte d'esprit. La crise financière, malheureusement, rend les artistes plus sensibles face aux problèmes de la société, ce qui leur permet de mieux rendre la réalité qui les entoure.»
Placé sous le feu des projecteurs, avec la diffusion des images des manifestations anti-austérité, souvent violentes, la Grèce a attiré les regards et l'intérêt du monde entier. «Les gens ont essayé de comprendre ce qui s'y passait» explique à l'AFP, Grégory Karantinakis, le patron du Centre du cinéma grec.
En 2013, Miss Violence, l'histoire du suicide d'une petite fille de 11 ans, a permis à Alexandros Avranas de remporter le Lion d'Argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise et de pointer le doigt sur les souffrances de tout un peuple. Pour l'acteur français d'origine grecque, Georges Corraface, «la crise a été d'une aide inattendue, en faisant se rencontrer des gens très créatifs et en les contraignant à travailler ensemble».
Une théorie corroborée par Michalis Konstantatos, sur Euronews, en marge du festival du film d'Athènes : «Les films grecs traitent de sujets universels, pas seulement de sujets qui touchent à la réalité du quotidien des Grecs. Les cinéastes de ce pays n'ont pas un rond, c'est dingue! Ca a toujours été très dur de monter un film en Grèce. Aujourd'hui, c'est encore pire. Si on parvient encore à tourner, c'est parce qu'on trouve facilement de très bonnes équipes techniques, des gens prêts à bosser pour pas grand chose.»
Le cinéma grec fait régulièrement le «buzz» dans les festivals. Les troubles sociaux ont toujours inspiré les artistes et, en Grèce, il y avait comme une urgence à «dire les choses». Dans le pays, le chômage atteint 27% de la population et touche 60% des jeunes.
La barrière de la langue avait longtemps limité la distribution des films grecs. Désormais, les réalisateurs ont compris qu'il fallait émouvoir le public pour atteindre le plus grand nombre de spectateurs. «Il y a très peu de place pour les films grecs, il faut donc qu'ils choquent un peu, qu'ils réveillent les gens et je crois que les Grecs l'ont compris», résume Georges Corraface. La donne a changé. «Quand il y avait de l'argent, sur une quinzaine de films tournés chaque année, il ne pouvait y en avoir que deux effectivement projetés en salle et certains réalisateurs s'en fichaient», explique un spécialiste cinéma.
«Je pense que les films grecs obtiennent de nombreux prix à l'étranger parce qu'ils capturent une vérité sociale qui concerne la Grèce, mais aussi le monde entier», conclut la dénicheuse de talents, Faliro House.
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