Heurts à Port-Gentil: 15 morts, selon l'opposition
L'opposition gabonaise conteste les résultats de la présidentielle et le bilan officiel des incidents des derniers joursL'opposition gabonaise conteste les résultats de la présidentielle et le bilan officiel des incidents des derniers jours
Pierre-André Kombila, député et figure de l'opposition, a indiqué mercredi qu'au moins 15 personnes avaient été tuées lors des violences qui ont agité Port-Gentil entre le 3 et le 6 septembre à la suite de l'annonce de la victoire d'Ali Bongo à l'élection présidentielle du 30 août.
Il contredit ainsi le chiffre officiel de 3 morts.
Pierre-André Kombila, médecin de formation, candidat à la présidentielle de 1998 et ancien ministre, a soutenu l'opposant Pierre Mamboundou, dont Port-Gentil est un fief. Il a fait état d'informations provenant de la morgue de l'hôpital de Ntchengue "où il y avait 15 corps". "Celle-ci est pleine. Il nous reste à voir celle de l'hôpital Paul Igamba", a-t-il dit. "Il y a eu plusieurs dizaines de morts à Port-Gentil, selon les différents témoignages que j'ai reçus", a-t-il précisé.
Par ailleurs, selon le député, il y a actuellement "311 détenus, dont une vingtaine de femmes", arrêtés à l'occasion des émeutes, alors que le ministre de l'Intérieur avait parlé dimanche d'une soixantaine d'interpellations.
Un porte-parole du ministère de l'Intérieur a indiqué en début de semaine à l'AFP: "Ils n'apportent aucune preuve à ce qu'ils disent. Le ministre a fait un voyage d'évaluation à Port-Gentil dimanche. Nous nous en tenons au bilan de trois morts." Selon le ministre de l'Intérieur, Jean-François Ndongou, les trois personnes décédées lors des émeutes sont un jeune pillard de 16 ans tué par la chute d'une vitrine en "cassant une boutique", un pillard tué par le propriétaire d'un magasin avec du calibre 12 et un homme dont le corps a été retrouvé dans un quartier populaire de Port-Gentil.
L'AFP annonce, elle, un décompte de six morts.
L'opposition réclame une enquête internationale
Avant les déclarations de Pierre-André Kombila mercredi, un collectif de candidats dont MM. Mba Obame et Mamboundou, qui revendiquent la victoire, ont déclaré lundi que le nombre de morts était "bien plus important" que le bilan officiel. "Le nombre de morts occasionné par la répression de l'armée est bien plus élevé que ne veut bien le dire le pouvoir", a affirmé le porte-parole de ce collectif, l'ancien Premier ministre Jean Eyéghé Ndong. Le collectif a demandé "la mise en place d'une commission d'enquête internationale pour déterminer la gravité des faits, les violations des droits de l'homme ainsi que les responsabilités de ce véritable bain de sang". "Nous condamnons (...) la répression sauvage, inhumaine et aveugle des troupes armées, composées essentiellement de mercenaires étrangers, envoyées à Port-Gentil", ont déclaré les candidats lundi 7 septembre. Ce groupe rassemble 16 des 23 candidats initiaux à la présidentielle.Paris minimise l'ampleur des violences
La France a estimé lundi que les violences des derniers jours ont été exagérées. "Les événements ont été un peu grossis", a indiqué l'Elysée. "A Libreville, la situation est normale et à Port-Gentil, à quoi a-t-on à faire ? A des pillages.""Un peu de confusion" n'est pas surprenant "dans un pays qui depuis quarante ans n'a pas connu une élection aussi libre que celle-ci", a-t-on ajouté de même source. "Le plus inquiétant, ce n'est pas les quelques incidents qu'il y a eu mais plutôt l'expression d'un vote ethnique, c'est beaucoup plus préoccupant", a-t-on encore observé à l'Elysée.
Toutefois, la France appelle toujours les ressortissants français à la prudence. Sur le site internet du ministère français des Affaires étrangères, il est conseillé aux ressortissants français de rester confinés chez eux à Port-Gentil, tandis qu'à Libreville, la vigilance leur est recommandée. Paris avait rappelé le samedi 5 septembre que la France conserverait une position de neutralité entre opposants politiques au Gabon. Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a indiqué qu'aucun plan de rapatriement des ressortissants français n'était à l'ordre du jour.
Total reloge son personnel à Libreville
Total a pour sa part relogé, ce week-end à Libreville, les membres de son personnel de Port-Gentil ainsi que leur famille. "Nous avons des familles à Port-Gentil. Nous avons décidé aujourd'hui que ces familles-là viennent à Libreville suite à ce qui s'est passé a Port-Gentil", a déclaré Jean-Philippe Magnan, Directeur général de Total Gabon sur France Info. "Qu'elles viennent à Libreville passer le week-end et, après, on avisera compte tenu de l'évolution de la situation à Port-Gentil", a-t-il poursuivi, ajoutant que personne ne quitterait le Gabon dans l'immédiat.Des résultats contestés
Ali Bongo, crédité de 41,73% des voix, a été déclaré vainqueur du scrutin du 30 août. Vendredi 4 septembre, la Cour Constitutionnelle gabonaise a confirmé l'élection à la présidence de la République du fils de l'ancien chef de l'Etat Omar Bongo, qui a dirigé le pays pendant 41 ans.Outre Ali Bongo, deux candidats revendiquaient la victoire: Pierre Mamboundou et l'ex-ministre de l'Intérieur André Mba Obame. Le parti du premier, l'Union du peuple gabonais, candidat arrivé troisième à la présidentielle de dimanche, a appelé vendredi 4 septembre à la "résistance" et a fait part de sa "préoccupation" pour la vie du candidat.
André Mba Obame, arrivé deuxième selon les chiffres annoncés jeudi, a annoncé ne pas reconnaître les résultats, ajoutant qu'il "a gagné". "C'est un coup d'Etat électoral. Je ne reconnais pas les résultats de l'élection. C'est moi qui (l')ai gagnée", a lancé le candidat malheureux, qui se trouve dans un lieu tenu secret.
Selon les résultats officiels du scrutin à un tour, annoncés jeudi, Ali Bongo, 50 ans, obtient 41,73% des voix, loin devant André Mba Obame (25,88%) et Pierre Mamboundou (25,22%). La participation est estimée à 44,29% seulement.
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