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Inde: la prospère caste des Patels réclame la discrimination positive

La haute caste des Patidars manifeste depuis des semaines dans l'Etat du Gujarat, en Inde. Elle, aussi, veut bénéficier des places réservées aux castes les plus défavorisées à l'université et dans la fonction publique.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Manifestation des Patidars à Ahmedabad, principale ville de l'Etat du Gujarat (Ouest de l'Inde) le 25 août 2015 (CITIZENSIDE/PRASHANT)

Les Patidars ou Patels veuleut bénéficier des mêmes avantages que ceux réservés aux castes intermédiaires (situées entre les «intouchables» et les castes supérieures) désignées par le terme «Other Backwards Castes (OBC)». La communauté est pourtant considérée comme l'une des plus aisées de l'Etat indien du Gujarat, dans l'ouest du pays. 

Pour contrebalancer le système inéquitable des castes, les pouvoirs publics ont recours à une politique de discrimination positive qui prévoit des quotas («reservations») dans les universités et dans la fonction publique pour les membres des castes les plus défavorisées.

Un sésame pour s'éduquer
«Les OBC bénéficient depuis 1990 de places réservées dans l'administration», peut-on lire dans les colonnes d’Alternatives économiques qui revenait en 2006 sur les débats houleux qu'a générée l'extension du dispositif au système éducatif. Les reservations «s’applique(nt) à des institutions éducatives centrales, c’est-à-dire des universités, des écoles d’ingénieurs (IIT), de gestion (IIM) et de médecine (AIIM) gérées directement par le gouvernement central (sur l'ensemble du territoire)»explique le chercheur Rémy Delage. 

«Les 27% d’OBC supplémentaires viennent s’ajouter aux quotas des «Castes répertoriées» (SC) (qui concerne exclusivement les «intouchables» hindous) et des «Tribus répertoriéees»(ST), pour atteindre un total flirtant avec la limite légale des 50% de réservations.» 

Pour le sociologue Achyut Yagnik, cité par le média indien NDTV, le désir des Patidars de jouir des avantages des OBC, serait motivé par leur souhait de voir la nouvelle génération accéder à l'enseignement supérieur. Ce qui leur permettrait de s’expatrier ou de trouver plus facilement du travail. La précédente ayant très vite quitté les bancs de l’école pour se lancer dans les affaires. 

Militaires dans les rues Ahmedabad (Etat du Gujarat) en Inde le 27 août 2015 (AFP PHOTO / Sam PANTHAKY)

Fin de non-recevoir
Depuis sa mise en place, le dispositif OBC a toujours généré des tensions au sein de la société. Les Patels portent haut et fort leurs revendications dans la rue, depuis deux mois, dans l’Etat du Gujarat. La région, l’une des plus riches de l’Inde, connaît depuis plusieurs jours «les pires violences enregistrées depuis une décennie», indique l’AFP. L'armée a été appelée à la rescousse. 

Dans la nuit du mardi 25 au mercredi 26 août 2015, les heurts entre policiers et manifestants, qui protestaient contre l’arrestation de leur leader Hardik Patel, ont fait au moins 10 morts à Ahmedabad, principale ville de l'état. Ces affrontements se sont produits à la suite d’un rassemblement qui a réuni entre 300 000 (police) et un million de personnes (organisateurs), rapporte la BBC.

Modi rattrapé par ses échecs
«J'appelle tous mes frères et sœurs du Gujarat à ne pas recourir à la violence», a déclaré Narendra Modi, le chef du gouvernement indien, mercredi 26 août 2015. Ce dernier a dirigé l’Etat sous les couleurs du Parti Bharatiya Janata (BJP, nationalistes) qui  a remporté les législatives de 2014.

Le responsable indien avait notamment fait campagne sur le succès de sa politique économique dans la région. Baptisée «Vibrant Gujarat (Vibrant Gujarat), elle est notamment axée sur les investissements privés. «Le Gujarat tant vanté par Modi se révèle être l’Etat où les écarts de richesses ont le plus augmenté ces dernières années», pointait L'Humanité au lendemain de sa victoire de 2014. 


Le Premier ministre indien Narendra Modi lors de l'édition 2015 du «Vibrant Gujarat Summit», le 11 janvier 2015 à Gandhinagar (Etat du Gujarat), en Inde.   (PIB / AFP)

Un jeune chef de file
Ainsi pour NDTV, le «Vibrant Gujarat»«d’une certaine manière déçu les plus ardents partisans du BJP dans la communauté patidar, notamment les plus jeunes».  

C'est justement un jeune homme d’affaires de 22 ans, Hardik Patel, qui incarne la contestation et ne cesse d’attirer les foules et, par conséquent, les foudres des autorités locales. Le chef du Patidar Anamat Andolan Samiti (PAAS) a réussi à rallier, lors de son premier appel à manifester le 6 juillet 2015, 12 000 personnes, note la BBC. Le deuxième rassemblement en a réuni 50 000. Le 17 août 2015, ce sont 450 000 personnes qui sont venues l’écouter à Surate, une ville de l'Etat connue pour ses diamantaires.

Hardik Patel, brièvement détenu, a demandé la suspension des policiers impliqués dans les récentes violences tout en appelant ses partisans au calme, rapporte Times of India. Cependant, a prévenu le jeune entrepreneur, le mouvement continuera tant qu’il n’aura pas obtenu gain de cause. Pour l'heure, les autorités du Gujarat opposent une fin de non-recevoir mais restent ouvertes au dialogue. 

Hardik Patel, lors du rassemblement 'Maha Kranti', le 25 août 2015 à Ahmedabad, en Inde  ( Shailesh Raval/India Today Group)

Une puissante communauté
Selon NDTV, qui se réfère aux dernières statistiques publiées en 1931, les Patels constituent environ 15% de la population de l’Etat du Gujarat. Cette caste, d’agriculteurs à l’origine, rassemble désormais des industriels présents dans les secteurs du textile, des diamants et de l’industrie pharmaceutique. «Il y aurait plus de 250 000 Patels en Grande-Bretagne et 200 000 aux Etats-Unis», ajoute la BBC. Dans ce dernier pays, ils possèderaient un quart des motels, affirme Quartz. 

Les Patidars sont considérés comme une communauté prospère, explique le journal indien. Une assertion battue en brèche par Hardik Patel. «Seulement 10% des Patels sont riches, confie-t-il à la BBC. Il y a beaucoup de gens qui vivent dans la pauvreté. La majorité des agriculteurs qui se sont suicidés ces dix dernières années sont des Patels.»

Néanmoins, les Patels ont pu asseoir, au fil des ans, leur pouvoir politique dans l’Etat du Gujarat. A l’Assemblée, 40 des 120 députés issus des rangs du BJP (majoritaire) sont des Patels, souligne Quartz. L'Etat est aujourd'hui dirigé par une Patel, Anandiben Patel. D’où la menace, à peine voilée, que brandit Hardik Patel à l’attention de l’exécutif de l’état : «Nous pouvons faire et défaire les gouvernements du Gujarat».

La revendication des Patidars divise l'opinion publique indienne. L'interrogation de l’éditorialiste indien Jug Suraiya dans Times of India illustre bien la situation. «Que doit-je faire pour devenir un Patel?», s'interroge-t-il. 



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