: Reportage "L’équivalent de dix cigarettes par jour, rien qu’en respirant" : en Inde, la saison de "l'airpocalypse" débute à New Delhi
À New Delhi en ce moment, il est difficile de voir à plus de 200 mètres à la ronde le matin car un épais brouillard recouvre la capitale indienne. Le nombre de particules fines atteint 60 fois le taux recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 30 fois plus que la pollution de l’air en ce moment à Paris. Et ce n’est encore rien, prévient Ayush Kapoor, professeur de français et habitant de Delhi : dans quelques semaines, comme tous les ans, le brouillard de pollution sera encore plus dense. "Il n'y a plus aucune visibilité, explique Ayush Kapoor. On n'arrive pas à conduire les voitures. Il y a beaucoup d'accident. Les yeux piquent. On porte des masques et c'est très bizarre pour respirer."
On célèbre en cette fin de semaine dans le pays la fête de Diwali, la fête des Lumières, l’une des plus importantes du calendrier indien. La municipalité de New Dehli a d'ailleurs de nouveau interdit les feux d’artifice dans la capitale, redoutant d’aggraver la pollution de l’air.
Cet "airpocalypse", comme disent les Indiens, a de graves conséquences sur la santé des habitants de New Delhi. "Si l’on fait le calcul, en ce moment à New Delhi, tous les habitants, du nouveau-né jusqu’à la personne âgée, fument l’équivalent de dix cigarettes par jour, rien qu’en respirant, explique le docteur Harsh Vardhan Puri, chirurgien thoracique à l’hôpital Medanta. Là, il est 10 heures du matin, c’est comme si vous aviez déjà fumé trois ou quatre cigarettes, sans même en toucher une. Quand j’opère un patient, je regarde ses poumons, et ce qui est le plus effrayant ces dernières années, c’est que même les jeunes de 25-30 ans, leurs poumons sont noirs."
"Ce qui nous alarme aussi, c’est qu’avant on voyait arriver chaque mois à l’hôpital un peu moins de dix patients pour des cancers du poumon, aujourd’hui leur nombre a doublé. Ils sont de plus en plus jeunes, et ils n’ont jamais touché une cigarette."
Harsh Vardhan Puri, chirurgien thoracique à l’hôpital Medantaà franceinfo
Plusieurs facteurs sont à l'origine de ce pic de pollution qui va durer deux à trois mois : les agriculteurs des États environnants pratiquent en cette saison l’agriculture sur brûlis, et leurs fumées parviennent jusqu’au 30 millions d’habitants de New Delhi ; la circulation routière infernale aussi et le froid de l’hiver qui va fixer la couche de pollution.
Nous avons rendez-vous avec Verhaen Khanna. Il arrive à vélo, tel un ovni dans cette circulation où des millions de pots d’échappement crachent leurs fumées. Cet ancien pilote de ligne s’est reconverti dans le militantisme écologique. "Quand il y a pic de pollution, la municipalité met en place le confinement, ferme les écoles, favorise le télétravail et instaure la circulation alternée. C’est bien, mais ce sont des solutions de court terme, déplore Verhaen Khanna. Il faut lutter contre l’origine de la pollution… et surtout, arrêter de couper les arbres de la ville, ils absorbent cette pollution. À New Delhi, on coupe cinq arbres chaque heure, parfois légalement, mais souvent illégalement, pour des projets immobiliers. Et encore, cinq arbres, ce sont les chiffres officiels, c’est sûrement davantage."
Conscient que la tâche est immense, Verhaen Khanna encourage les habitants à alerter les pouvoirs publics dès qu’un arbre est sur le point d’être abattu illégalement. Et conclut : "Si nous les citoyens, ne sauvons pas la planète nous-mêmes, qui d’autre le fera ?"
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