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Irak: Nouri al-Maliki, fin de règne d'un Premier ministre autoritaire

Premier ministre depuis 2006, Nouri al-Maliki a souvent été taxé d’autoritarisme et de sectarisme. Alors que l'Irak se trouve en plein chaos, il a été remplacé, lundi 11 août 2014, par Haïdar al-Abadi.
Article rédigé par Géopolis FTV
France Télévisions
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L'ancien chef du gouvernement irakien est accusé d'avoir privilégié la population chiite au détriment des sunnites. (Stringer - Anadolu Agency)
«Nous sommes arrivés à la conclusion que Maliki n'est plus en mesure de préserver l'unité de l'Irak, mais l'ayatollah Ali Sistani (chef du clergé chiite irakien ndlr) garde toujours espoir», a déclaré mardi 5 août 2014 un responsable iranien à Reuters. Installé par les Etats-Unis et soutenu par l’Iran, Nouri al-Maliki a perdu dans la crise actuelle ses soutiens et tout espoir de réconciliation de la population irakienne.
 
Quand les Américains envahissent l’Irak en 2003, Saddam Hussein dirige le pays d’une main de fer. Tous les postes clés de l’administration et de l’armée sont tenus par des sunnites, pourtant minoritaires dans le pays. A sa chute, les Américains décident que le pouvoir doit être rendu aux chiites, groupe religieux majoritaire.
 
A ce moment là, Nouri Al-Maliki n’est qu’un simple membre du Parlement. Dans un article du Washington Post, Ali Khedery, ancien assistant des ambassadeurs des Etats-Unis en Irak, se rappelle que, déjà en 2010, il voyait en Maliki le risque qu’il fasse exploser le nouvel Etat irakien.
 
«En 2010, (…) je pressais les Etats-Unis et le personnel supérieur de la Maison blanche de couper leur soutien à Maliki. J’en étais venu à réaliser que, s’il restait en poste, il créerait un gouvernement despotique, sectaire, à l’origine de nombreuses divisions qui déchirerait le pays et anéantirait les intérêts américains», précise-t-il.
 
"He’s the right guy for Iraq"
Lorsqu’il prend la tête du gouvernement en 2006, Maliki doit incarner l’équilibre politique dans un pays qui voit s’étoffer une guérilla djihadiste liée à Al-Qaïda en réaction à l’invasion américaine.
 
George W. Bush semble voir en lui «the right guy for Iraq» (la bonne personne pour l’Irak). Pourtant, le 8 novembre 2006, soit six mois à peine après son arrivée au pouvoir, Stephen J. Hadley, conseiller en sécurité nationale, rédige une note sur la situation en Irak destinée aux hauts fonctionnaires américains. L’auteur de ce document se dit «impressionné» par la volonté de Maliki de camper un dirigeant avec une forte autorité.
 
Mais il pointe aussi déjà des inégalités de traitement entre population chiite et sunnite. Selon lui, des zones majoritairement peuplées de sunnites n’ont pas accès à certains services de l’Etat. Le bureau du Premier ministre intervient contre des actions militaires sunnites mais ferme les yeux sur celles menées par les chiites. Le remaniement des principaux dirigeants irakiens se fait sur la base du sectarisme et tout est fait pour assurer aux chiites la majorité des ministères.
 
Rapidement, il apparaît que le nouveau chef du gouvernement ne tiendra pas sa promesse de rassemblement national. Clairement, la population chiite est favorisée, les sunnites sont mis à l’écart. Il en résulte une opposition politique au chef du gouvernement. Ce rejet explique aussi que les populations sunnites du nord et à l’ouest du pays aient salué l’arrivée des djihadistes de l’EI (Etat islamique) en juin dernier. «Le groupe militant de l’EI est largement perçu comme le moteur du soulèvement, mais il n’agit pas seul», précise, par exemple, la BBC dans un article.

L'EIIL a pénétré dans Mossoul début juin, obligeant des milliers de chrétiens à fuir. (REUTERS/Stringer)

Nouri al-Maliki, dont la nomination, et la réélection en 2010, ont été largement appuyées par les Etats-Unis, a même été comparé à l’ancien dictateur Saddam Hussein. En septembre 2007, le Telegraph rapportait les propos du prédécesseur d’Al-Maliki, Iyad Allaoui, qui dénonçait ses méthodes d’intimidation, «encore pires» que sous Saddam Hussein.
 
Lâché par Washington et Téhéran
Le Washington Post confirmait, dans un article publié lundi 11 août 2014, qu'al-Maliki avait désormais perdu l’appui des Etats-Unis. «Nous pensons que le processus de formation du gouvernement est critique en termes d’accès à la stabilité et au calme en Irak et nous espérons que M. Maliki ne va pas mettre de l’huile sur le feu», avait déclaré plus tôt John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, comme le rapporte l’article.
 
Pour illustrer le délitement des relations entre les Etats-Unis et l’Irak, le Guardian racontait le 19 juin dernier une rencontre entre Nouri Al-Maliki et l’équipe de Barack Obama. L’homme fort de l'Irak déclarait ne plus vouloir discuter avec l’administration américaine. «Il n’y avait plus rien à négocier. L’Irak de Maliki ferait désormais cavalier seul. Les Etats-Unis pouvaient éteindre la lumière en partant», conclut le Guardian
 
Autre allié du chef du gouvernement chiite, l’Iran s’est retenu d’exprimer franchement son désaccord avec la stratégie d’Al-Maliki mais le général iranien Qassem Suleimani, «longtemps faiseur de rois à Bagdad«, ne semble pas en avoir une très haute estime. Le Guardian rapporte qu’il l’aurait qualifié d’«imbécile».
 
Dès le début du mois d’août, Téhéran aurait commencé à chercher un successeur à Maliki. "Il n’y a pas beaucoup de candidats capables de préserver l’unité de l’Irak", avait néanmoins reconnu un responsable iranien.  

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