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Iran: la mort de Rafsandjani déséquilibre le régime, selon l'opposition en exil

A l’image de l’homme qui incarnait les contradictions de la société iranienne, la disparition d’Akbar Hachemi Rafsandjani, un des piliers de la République islamique d’Iran, suscite des réactions divergentes au sein de l’opposition. Un coup dur pour le président Rohani et le camp réformateur qu'il soutenait. Une opportunité pour faire émerger une réelle contestation, selon les opposants du CNRI.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les trois plus haut dirigeants iraniens,le guide suprême, Ali Khameneï, le président Hassan Rohani et le président de l'Assemblée Ali Larijani, penchés sur le cercueil de l'ancien président Akbar Hachemi Rafsandjani, lors des obsèques de ce dernier à Téhéran, le 10 janvier 2017.  (Leader.ir/Handout via REUTERS)

 
Des centaines de milliers de personnes ont assisté, mardi 10 janvier 2017, aux funérailles de l’ancien président iranien Akbar Hachemi Rafsandjani, décédé d’une crise cardiaque à l’âge de 82 ans.
 
Il a été enterré au mausolée de l’Ayatollah Khomeiny dans le sud de Téhéran, auprès du père fondateur de la République islamique, dont il était un proche compagnon.
 
Parmi les personnalités politiques et militaires présentes, protocolairement et consensuellement, aux obsèques, figuraient son protégé, le président conservateur Hassan Rohani, le général Ghassem Souleimani, chef des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution, et le président du Parlement, Ali Larijani.

Un mélange de partisans et d'opposants au régime dans le cortège funéraire 
Mais c’est de la foule qui accompagnait le cercueil , surmonté de son portrait et de son légendaire turban blanc, que parvenaient les échos des différents courants qui traversent aujourd'hui la société iranienne.
 
Au passage du cortège, certains brandissaient des photos du guide suprême Ali Khamenei et de Rafsandjani, assis côte à côte et souriant, comme pour gommer leurs désaccords. Tandis que d’autres lançaient des slogans à la gloire de l’opposant Mir Hossein Moussavi, un des chefs du mouvement de contestation de 2009, en résidence surveillée depuis 2011.

 
D’autres petits groupes scandaient quant à eux des slogans en faveur de l’ancien président réformateur Mohamed Khatami, rallié de la dernière heure à Rafsandjani dans le cadre d’une alliance de réformateurs et modérés qui a fait triompher le conservateur Rohani à la présidentielle de 2013.
 
Un mélange des genres, à l’image de la personnalité de celui qui n’avait que le titre de Hodjatoleslam, donné aux clercs de second rang, mais qui a eu un rôle politique hors du commun durant 38 ans en Iran.

Un personnage à géométrie variable 
Après avoir exercé les fonctions de président du Parlement et de commandant adjoint des forces armées, il a été élu président de la République islamique de 1989 à 1997. Parallèlement, il a présidé les deux plus importantes institutions du régime: l’Assemblée des experts, organe de 88 membres de hautes autorités religieuses chargées de nommer le guide suprême, et le conseil de discernement, un organe de conseil du guide.
 
Il s’est illustré autant dans une répression sanglante à l’intérieur du pays, notamment de milliers de partisans des Moujahidines du peuple d’Iran, que dans l’élimination d’écrivains et d’intellectuels, et la liquidation d’opposants à l’étranger.
 
Il est également connu pour avoir convaincu Khomeiny d’arrêter la guerre avec l’Irak en 1988 et pour avoir œuvré à la nomination de Khamenei comme successeur au guide suprême disparu.
 
Battu par l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad lors de la présidentielle de 2005, Rafsandjani va basculer dans le camp des conservateurs pragmatiques et soutenir le mouvement vert emmené par Mir Hossein Moussavi en 2009 avant de parrainer Rohani en 2013.
 
Pour Afchine Alavi, membre de la commission des affaires étrangères du Conseil national de la résistance iranienne, l’opposition en exil, tout cela ne fait pas de Rafsandjani un opposant.

Rafsandjani, un bouclier du système selon le CNRI 
«Même s’il prônait la fin du système de Wilayat e Faqih (textuellement la tutelle du Guide), au profit d’une direction collégiale, il ne cherchait qu’à renforcer son pouvoir personnel, dit-il. Fondamentalement, il restait une sorte de bouclier du système. Il n’a jamais pensé à frapper le régime et a toujours été soucieux de sa continuité.»
 
A l’annonce de la mort de celui qu’on surnommait «le roi de la pistache», qui avait fait sa fortune, Afchine Alavi rapporte qu’il a d’abord pensé à la réaction du Guide suprême lui-même.
 
«Entre Rafsandjani et Khamenei, il y a eu un partage des rôles, un duo qui n’a pas eu que des moments faciles, parce qu’ils étaient en conflit pour le pouvoir. Mais cela permettait au Guide d’entretenir l’illusion d’un débat interne dans le pays.»
 
Selon le porte-parole du CNRI, «l’existence de ces deux factions servait à maintenir en équilibre instable, sur une corde raide, un régime devenu invivable pour la population. Rafsandjani servait de soupape de sécurité au régime, mais avec sa disparition, ce sont les illusions de réformes et de changement en douceur qui disparaissent aussi.»
 
Et, ajoute-t-il, «sans soupape de sécurité, le régime va se retrouver devant un bloc de rejet plus homogène. La contestation du régime va pouvoir devenir plus réelle et plus radicale.»

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