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Iran : le régime accusé du massacre de plus de 30.000 opposants en 1988

Le régime iranien fait face à une des plus graves accusations de son histoire: le massacre de milliers d’opposants sur fatwa de l’Imam Khomeiny en 1988. Un document rendu public par le fils de Montazeri, feu successeur du guide suprême à l’époque, a fait resurgir l’affaire. L’opposition appelle à juger «pour crimes contre l’humanité» une soixantaine de personnes impliquées et toujours au pouvoir.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Le président de la Commission des Affaires étrangères du CNRI, Mohammad Mahadessine (debout), révélant les identités d'une soixantaine de personnes responsables des massacres en 1988, et toujours au pouvoir, en présence de William Bourdon (assis) avaocat des droits de l'homme, lors d'une conférence de presse à Paris le 6 septembre 2016. (CNRI)

Mis en place par l’ayatollah Khomeiny en 1979 à son retour d’exil à Téhéran, le régime iranien est confronté depuis cet été à une des plus importantes accusations proférées contre lui dans son histoire.
 
Au début de l’été 1988, plus de 33.000 opposants sont massacrés dans tout le pays suite à une fatwa prononcée par le fondateur de la République islamique à l’encontre des Moudjahidines du peuple iranien.
 
Les Moudjahidines, des «hypocrites» qui doivent être passés par les armes
Au même titre que d’autres mouvements d’opposition, communistes, étudiants pro-occidentaux, ou minorités ethniques, les Moudjahidines, qualifiés d’ «hypocrites» et tous ceux qui s’en approchaient devaient être passés par les armes.
 
Dans un pays exténué par huit années de guerre contre l’Irak, une gigantesque opération de liquidation de «l’ennemi intérieur» était ainsi lancée par le régime. Elle allait durer plusieurs semaines au cours desquelles des centaines de milliers de personnes seront exécutées par pendaison ou peloton d’exécution. D’autres trouveront la mort dans la redoutable prison d’Evin à Téhéran ou ailleurs et finiront dans des fosses communes.
 
La revanche posthume de l’ayatollah Montazeri
Selon un rapport d’Amnesty international datant de 1990, «des milliers de personnes ont été exécutées en Iran entre 1987 et 1990».
 
Revanche posthume de l’ayatollah Montazeri, ancien successeur désigné de Khomeiny avant de tomber en disgrâce et de céder la place à l’actuel guide Ali Khamenei ? C’est son fils Ahmad Montazeri qui a ramené cet épisode sanglant de la révolution iranienne à la surface.


 
Il a rendu public le 9 août 2016 sur le site officiel de son père un document audio accréditant la thèse d’un massacre à grande échelle supervisé et organisé par une «commission de la mort».
 
Dans ce document traduit et diffusé par le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), on entend l’ayatollah Montazeri faire des reproches à des membres de cette commision. «A mon avis, le crime le plus terrible perpétré en République Islamique depuis la révolution et pour lequel l’Histoire va nous condamner a été perpétré par vous, leur a-t-il dit. Et vous serez considérés au nombre des criminels de l’Histoire».
 
Une prise de position qui lui vaudra sa mise à l’écart et son placement en résidence surveillée jusqu’à sa mort en 2009.
 
Des membres de la «commission de la mort» toujours à des postes clés de l’Etat
Le CNRI qui réclame depuis des années aux instances internationales une enquête sur ces liquidations s’est engouffré dans la brèche.
 
Lors d’une conférence de presse tenue à Paris le 6 septembre 2016, le président de la Commission des affaires étrangères de l’opposition, Mohammad Mohadessine, a révélé l’identité de 59 personnes ayant appartenu à «la commission de la mort» à Téhéran et dix autres provinces.
 
Des personnes responsables de «crimes contre l’humanité», selon Mohadessine et qui «détiennent actuellement des postes sensibles au sein du régime». Suit une litanie de noms appartenant aux institutions clés du régime: présidence de la république, conseil des experts, pouvoir judiciaire, forces armées et institutions financières. 

Depuis la direction même du régime, avec le guide suprême Ali Khamenei, «à l’époque président de la république des mollahs et l’un des principaux décideurs» à «Ali Falahian, vice-ministre des renseignements à l’époque et futur ministre du renseignement» en passant par «Mostafa Pourmohammadi ministre le justice dans l’actuel gouvernement de Rohani et à l’époque représentant du ministère du Renseignement au sein de la commission de mort à Téhéran».

On y trouve également et surtout Ebrahim Raïssi, présenté comme «un des religieux les plus élevés, à la tête du puissant cartel religieux, politique et économique Astane-Qods-Razavi et candidat potentiel à la succession du guide suprême».
 
Mettre fin à l’impunité de «crimes contre l’humanité»
«Il faut mettre fin à cette impunité, a encore déclaré le responsable de l’opposition, l’inaction face à ce crime contre l’humanité a eu pour résultat la poursuite des exécutions en Iran mais également encouragé le régime à étendre ces crimes à d’autres pays de la région comme la Syrie, l’Irak ou d’autres .»
 
Alors que Ahmad Montazeri, l’homme par qui le scandale est remonté à la surface, est poursuivi par la cour spéciale du clergé de Qom pour action contre la sécurité nationale, le CNRI bat le fer tant qu’il est chaud.
 
Il appelle les Nations Unies à constituer «une mission d’enquête pour faire la lumière sur ce massacre et le nécessaire pour traduire les responsables de ces crimes monstrueux devant la justice».

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