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Les Kurdes entre printemps arabe et nationalismes

Les assassinats, le 10 janvier à Paris de Sakine Cansiz, 55 ans, membre fondatrice du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), Fidan Dogan, présidente du Centre d’information du Kurdistan à Paris et Leyla Soylemez, mettent en lumière le conflit du Kurdistan qui dure depuis –au moins- les années 20, en Turquie notamment. Retour sur l'histoire de ce peuple.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Portrait du leader turc Ocalan brandi lors d'une manifestation en 2007 en Turquie. (MUSTAFA OZER / AFP)

Le pays qui symbolise le plus la revendication nationale kurde, est aujourd'hui la Turquie. C'est là que les Kurdes sont les plus nombreux (une douzaine de millions), que le conflit est le plus visible et la revendication la plus forte. Pourtant, l'histoire aurait pu être différente.

La Turquie kémaliste
En 1920, le traité de Sèvres prévoyait en effet la création d’un État kurde sur les restes de l’Empire ottoman dépecé après la fin de la guerre de 14. Le Royaume-Uni et la France se voient confier des mandats sur les nouveaux États : sur l’Irak (et la Palestine) pour le premier, la Syrie et le Liban pour la seconde.

La poussée du kémalisme sur les ruines de l’empire turc, et les intérêts des grandes puissances européennes aboutissent au traité de Lausanne en 1923. Cela a pour effet de figer les frontières de la région dans la situation qui existe aujourd’hui, faisant disparaître l’idée d’un Kurdistan indépendant.

Le régime d’Attaturk développe une société jacobine et centralisée qui s’attaque aussi bien à la religion qu’aux particularismes culturels ou linguistiques.

Un conflit très violent oppose depuis des dizaines d’années l’Etat central et les militants kurdes, notamment ceux du PKK (fondé en 1978), parti se disant marxiste, né dans les années 70. Un conflit qui aurait fait des dizaines de milliers de victimes.

Revendication nationaliste kurde en 2012 à Erbil, en Irak, lors d'un match de foot. (SAFIN HAMED)

Des Kurdes dans quatre pays
Sans remonter à l’époque de Saladin (1138-1193), souverain d’origine kurde, il n’y a jamais vraiment eu de grand pays kurde indépendant.  De plus «Saladin n'était pas plus patriote kurde que Saint Louis ne fut un nationaliste français», note Kendal Nezan, président de l'Institut kurde de Paris, précisant ainsi qu'à l'époque les notions d'Etat n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui.
 
Au 21e siècle, les Kurdes, évalués à une trentaine de millions de personnes, se répartissent schématiquement sur 520.000 km2, répartis entre quatre pays: la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie.
 
Dans tous ces pays, leur situation politique a varié selon les périodes. L’expression autonomiste a cependant toujours été réprimée.
 
En Turquie, on a vu que jusqu’à très récemment, toute revendication culturelle ou autonomiste (et encore plus indépendantiste) était interdite, donnant lieu à une repression qui a pu être extrêmement violente.

«En Iran, les Kurdes (en majorité sunnites, NDLR) subissent une discrimination religieuse car ils n’appartiennent pas à la majorité chiite, le chiisme étant religion d’Etat. Mais d’un autre côté, le statut de l’Iran, héritier des empires orientaux multi ethnique et multi religieux, donne une certaine facilité aux Kurdes pour affirmer leur différence culturelle », affirme Saywan Barzani, représentant du gouvernement régional du Kurdistan à Paris.
 
En Irak, à l'issue des différentes interventions occidentales, les Kurdes bénéficient désormais d’une autonomie quasi-totale avec leur propre capitale, Erbil. Ce fut loin d'être toujours le cas.

Dans la Syrie en guerre, le pouvoir d’El Assad joue sur cette minorité pour contrer la Turquie.
Manifestation favorable au PKK à Strasbourg en 2012 (FREDERICK FLORIN / AFP)

Négociations entre Ankara et le PKK
Les autorités turques et le chef emprisonné des rebelles kurdes, Abdullah Öcalan, se sont mis d'accord, au cours de récentes discussions, sur le principe d'un arrêt des hostilités qui durent depuis 1984, affirmait la presse turque le 9 janvier, veille des assassinats de Paris.

Cet accord, à mettre en oeuvre en plusieurs étapes, prévoirait la suspension des attaques du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit) dès le mois de mars, en échange d'une réforme de l'Etat turc destinée à accroître les droits de la minorité kurde.
 
Ce sont les services du renseignement turcs, mandatés par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui mènent depuis la fin 2012 des négociations directes avec Abdullah Öcalan Le leader historique du PKK purge depuis 1999 une peine de prison à vie sur l'île d'Imrali, dans la mer de Marmara.    

Preuve d’une baisse de la tension, un député du BDP (mouvement légal kurde) a pu rencontrer le chef historique du PKK dans sa cellule, une première depuis son incarcération en 1999. Ce vent d’optimisme reste mesuré dans la mesure où déjà en 2009, de précédentes négociations s'étaient ouvertes avant d'échouer.

Ces négociations sont-elles la cause de ce triple meurtre ? C’est pour l’instant l’une des thèses les plus avancées. «A chaque fois qu'il y a eu des discussions dans le passé, il y a toujours eu des mécontents, de part et d'autre, qui ont cherché à saboter le processus par des coups tordus», affirme pour sa part Kendal Nezan.

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