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Quels sont les enjeux de l'accord diplomatique passé entre Israël et les Emirats arabes unis, qui vise à normaliser les rapports entre les deux pays ?

Le président américain Donald Trump s'est félicité après la conclusion, sous l'égide des Etats-Unis, d'un "accord historique entre deux grands amis".

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Juxtaposition d'une photo du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou prise le 28 mai 2017 à Jérusalem et d'une photo du prince héritier d'Abou Dhabi Mohammed ben Zayed, prise le 12 juin 2019 à Berlin. (GALI TIBBON / AFP)

C'est la surprise diplomatique de l'été. Les Emirats arabes unis et Israël doivent signer d'ici à trois semaines un accord destiné à normaliser leurs relations diplomatiques. Annoncée jeudi 13 août par Washington, cette normalisation a été qualifiée d'"historique" par le président américain Donald Trump. Après l'Egypte en 1978 et la Jordanie en 1994, les Emirats arabes unis seraient le troisième pays arabe à suivre cette voie. Quels sont les enjeux de ce rapprochement, le premier de la part d'un pays du Golfe ? Franceinfo fait le point.

Ils vont former un front commun contre l'Iran 

Le premier objectif de ce rapprochement est de sceller une alliance entre les Emirats arabes unis, Israël et les Etats-Unis contre leur adversaire commun, l'Iran chiite. Sur Twitter, le président des Etats-Unis a d'ailleurs rapidement manifesté son enthousiasme, jeudi 13 août, après l'annonce de cette normalisation, en insistant sur un "accord historique de paix" entre "deux grands amis" de Washington.

Le sous-texte est facile à comprendre : les trois pays proclament au grand jour qu'ils ont un ennemi commun dans la région. Téhéran ne s'y est pas trompé et a dénoncé la "stupidité stratégique d'Abou Dhabi et de Tel-Aviv qui renforcera sans aucun doute l'axe de résistance [contre l'Etat hébreu] dans la région".

Car si les Emirats arabes unis ont décidé de reconnaître diplomatiquement Israël, "c'est d'abord pour former le front le plus solide possible face à l'Iran, analyse Le Monde. La puissance croissante de la République islamique au Proche-Orient, parce qu'elle vient contester l'ordre stratégique pro-américain qui prévalait jusque-là dans la région, inquiète au plus haut point les Emirats arabes unis et Israël, deux partenaires-clés des Etats-Unis".

Prince héritier d'Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed est tout aussi hostile à l'Iran que Donald Trump ou Benyamin Nétanyahou. De l'avis général, c'est lui qui a décidé en 2015 d'envoyer des troupes émiraties au Yémen dans le cadre d'une coalition menée par l'Arabie saoudite contre les rebelles houthis, soutenus par l'Iran. Selon Amnesty International, lors de ce conflit meurtrier, Abou Dhabi a fourni "sans aucun contrôle" des armes occidentales (et notamment françaises) à des milices soupçonnées de crimes de guerre au Yémen.

D'autres pays du Golfe pourraient s'en inspirer

Pourquoi la reconnaissance diplomatique émiratie est-elle si précieuse aux yeux de l'exécutif israélien ? Parce qu'elle pourrait entraîner celle d'autres pays du Golfe, estiment les observateurs, "à commencer par Bahreïn", selon Le Monde. Mais le but est surtout d'entraîner à terme celle de l'Arabie saoudite, estime le journaliste Anthony Bellanger, dans sa chronique du vendredi 14 août sur France Inter.

Cet accord ouvre une brèche pour, à l'avenir, obtenir le Graal, à savoir des relations diplomatiques avec Riyad... Voilà le vrai enjeu !

Anthony Bellanger

sur France Inter

"Pourquoi le Graal ?" poursuit le spécialiste de la géopolitique. "Parce que l'Arabie saoudite est la terre sacrée des musulmans. Le lieu où se trouvent les deux mosquées saintes de l'islam : Médine et La Mecque. Le symbole serait immense et on sait que Mohammed Ben Salmane en meurt d'envie, lui qui ne cesse de proférer son admiration pour la réussite économique d'Israël."

Mais l'Arabie saoudite devrait surtout temporiser, selon plusieurs analystes cités par l'AFP. Yoel Guzansky, spécialiste du Golfe à l'université de Tel-Aviv, ne voit pas l'Arabie saoudite "sauter le pas immédiatement", mais plutôt "attendre de voir les réactions dans le Golfe, le monde arabe, en Iran et en Turquie". "Ils décideront alors comment, quand et dans quelle mesure le faire, mais je ne pense pas qu'ils vont se lancer à fond comme les Emirats", souligne cet ancien conseiller de plusieurs Premiers ministres israéliens.

Les projets d'annexion israéliens sont reportés

Autre bénéfice mis en avant par le prince héritier des Emirats arabes unis, probablement pour faire passer la pilule auprès des Palestiniens, le renoncement à l'annexion d'une partie de la Cisjordanie par Israël. "Lors d'un appel entre le président Trump et le Premier ministre Nétanyahou, un accord a été trouvé pour mettre fin à toute annexion supplémentaire de territoires palestiniens", a affirmé Mohammed ben Zayed sur son compte Twitter.

Donald Trump a d'abord paru aller dans le même sens, en affirmant que le projet israélien d'annexion de pans de la Cisjordanie était "écarté". C'était parler un peu vite. Si ce plan d'annexion est "reporté", "nous n'y avons pas renoncé", a précisé le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. L'ambassadeur des Etats-Unis en Israël, David Friedman, qui assistait à la conférence de presse, est également intervenu pour rappeler que le projet n'était "pas écarté définitivement".

La formulation a été choisie avec soin par les différentes parties. 'Pause temporaire', ce n'est pas 'écarté définitivement'.

David Friedman

cité par l'AFP

Il s'agit de toute façon d'une concession israélienne minime puisque l'annexion d'une partie de la Cisjordanie, prévue dans le "plan de paix" pour le Proche-Orient présenté fin janvier par l'administration de Donald Trump et rejeté en bloc par les Palestiniens, n'a pas encore été mise en œuvre.

L'éventuel report de cette annexion, si elle se produit, n'a pas réussi à masquer le fait que la cause palestinienne est la grande perdante de cet accord. L'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas comme les islamistes du Hamas, qui dirigent la bande de Gaza, ont d'ailleurs dénoncé d'une même voix une "trahison" des Emirats arabes unis.

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