Benjamin Netanyahu, «don de Dieu» pour Israël ?, par Charles Enderlin
Pourtant, la politique n’a pas été son premier choix de vie. Il a fait ses premiers pas dans la diplomatie, assez tard, à l’âge de 33 ans, en devenant conseiller de l’ambassadeur d’Israël à Washington, renonçant ainsi à une fructueuse carrière dans le business aux Etats-Unis. Une décision prise, sous la pression de ses parents qui voulaient le voir assumer un destin national à la place de Jonathan, son frère aîné, mort six ans plus tôt.
Car la famille Netanyahu, c’est une idéologie, une vision d’Israël. Un engagement qui remonte à la fin du XIXe siècle. Son grand-père, le rabbin Nathan Mileikowski, un des premiers sionistes religieux, s’est installé en Palestine en 1929. Son fils, Benzion, changera son nom en Netanyahu, ce qui signifie «don de Dieu». Etudiant, il milite dans les milieux de la droite nationaliste avant de partir à New York, en 1938, rejoindre Zeev Jabotinsky, le fondateur du parti révisionniste, le grand opposant de droite à David Ben Gourion. Après la mort du vieux leader, tout en préparant sa thèse de doctorat à Philadelphie, il prend la direction de la New Zionist Organization of America, adversaire déclaré de la Zionist Organization of America proche des sionistes travaillistes de Ben Gourion. Dans les années 50, cet universitaire de droite ne trouvant pas sa place dans l’Israël dominé par les travaillistes revient aux Etats-Unis, où ses trois fils complèteront leur éducation. Ils retourneront en Israël effectuer leur service militaire dans le prestigieux commando d’état major. Jonathan l’aîné en assumera le commandement avant de trouver la mort en 1976 lors du raid sur Entebbe en Ouganda, pour la libération des otages du vol d’Air France.
Ben Nitay
Benjamin, son cadet, effectue des études d’architecture puis de gestion au Massachusetts Institute of Technology. Il envisage de rester aux Etats-Unis et pour cela, change son nom en Ben Nitay. Il trouve un emploi au Boston Consulting Group, où il rencontre un certain Mitt Romney – qui deviendra gouverneur du Massachusetts.
A l’occasion, il intervient dans les débats politiques. Il reprendra le nom de Netanyahu lorsqu’il se lancera en politique. Sa vision est identique à celle de son père historien. Depuis la haute antiquité, le peuple juif fait face à des menaces de génocide. Des tribus, des rois, des dictateurs, des peuples veulent sa destruction. Dans la période actuelle, selon lui, ce sont les Arabes. Benjamin Netanyahu écrit dans Une place parmi les nations, un livre publié en 1993 : «L’hostilité arabe dirigée actuellement contre Israël plonge ses racines dans des antagonismes fondamentaux qui auraient existé même si Israël n’avait jamais vu le jour.» Face à cette menace, le pays ne doit donc pas renoncer à la Cisjordanie, la «Judée Samarie» biblique, qui lui revient selon un «droit historique».
Député depuis quatre ans, il prend la tête du Likoud en 1992 et mène le combat contre les accords d’Oslo conclus par Yitzhak Rabin avec Yasser Arafat. Pour lui, ce n’est rien d’autre qu’un élément de la stratégie palestinienne visant à détruire l’Etat juif.
Devenu Premier ministre en 1996, après l’échec électoral de Shimon Pérès, qui avait succédé à Rabin assassiné l’année précédente, il n’a pas le choix, et, sous la pression de l’administration Clinton, poursuit les négociations avec Yasser Arafat. Il finit par conclure l’accord de Wye River avec le chef de l’OLP, ce que la droite israélienne ne lui pardonnera pas, bien qu’il ait relancé la construction dans les colonies de Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Il perd les élections de 1999 et, après une traversée du désert, retourne aux affaires en devenant ministre des Finances du gouvernement Ariel Sharon, qui lui donne le feu vert pour sortir de la crise l’économie israélienne en pleine récession en raison de la seconde Intifada.
Admirateur de l’ancienne Premier ministre britannique, Benjamin Netanyahu met en place une véritable purge thatchérienne. Les investisseurs reviennent et l’économie repart mais au prix d’une grave crise sociale. Un tiers des enfants israéliens vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Premier ministre
Il ne retrouvera le pouvoir à part entière qu’en février 2009, après un séjour de quatre années dans l’opposition, marquées par le retrait de Gaza décidé par Ariel Sharon et la seconde guerre au Liban durant laquelle Ehud Olmert était Premier ministre.
Chef du gouvernement, il a compris qu’il doit dire à la communauté internationale ce qu’elle a envie d’entendre tout en gardant le cap vers ses deux principaux objectifs : changer la réalité sur le terrain et neutraliser la gauche capable de renoncer à la Terre d’Israël. Problème : Barack Obama, le nouveau président des Etats-Unis, vient, dans un discours au Caire, de plaider pour la création d’un Etat palestinien et la fin de la colonisation. Netanyahu lui répond dans un discours de son cru, prononcé dans l’université religieuse Bar Ilan, près de Tel Aviv. Netanyahu prononce les mots magiques : Etat palestinien mais en y ajoutant ses conditions. La démilitarisation – dont l’OLP a déjà accepté le principe. La reconnaissance d’Israël comme étant l’Etat nation du peuple juif et, dit-il, Jérusalem restera réunifiée. Ce que refusent les Palestiniens.
Il calme les craintes de l’administration américaine en faisant alliance avec le parti travailliste battu lors de l’élection et dont le président, Ehud Barak, reçoit le portefeuille de la Défense. Ce dernier, ancien commandant direct de Netanyahu durant son service militaire servira d’interface entre le Premier ministre et Barack Obama qui tentera, en vain, de relancer le processus de paix. Ce n’est pas tout, Ehud Barak, par ses fonctions, est responsable de la Cisjordanie et permet donc la poursuite de la colonisation. Il quittera le parti travailliste lorsque les militants trouveront qu’il va trop loin dans son association avec la droite.
Le magicien
Netanyahu accèdera à son troisième mandat après les élections de 2013. Cette fois, il a plus de difficultés à former une coalition gouvernementale et, à la place de Barak, qui quitte la vie politique, prend, pour traiter avec les Américains et l’Autorité palestinienne, Tzipi Livni, ancienne transfuge du Likoud devenue adepte du processus de paix. Mais, responsable de ce dossier et ministre de la Justice, elle prend son rôle trop au sérieux au goût du chef du gouvernement et s’oppose à plusieurs projets de loi. Surtout un texte fondamental redéfinissant Israël en «Etat nation du peuple juif ».
Excédé, Netanyahu décide la dissolution du Parlement et, en mars 2015, à nouveau les Israéliens se rendent aux urnes. Le fils de Benzion réussit à battre les sondages qui le donnaient perdant, mais cela au prix de promesses et déclarations électoralistes, qu’il a toujours évité de prononcer trop publiquement. Pour ressouder son électorat de droite qui commençait à le délaisser, il promet qu’il n’y aura pas d’Etat palestinien s‘il est réélu, s’engage à développer encore plus la colonisation et accuse la gauche de pousser les Arabes israéliens à aller voter en masse pour faire tomber la droite. A Washington, la Maison Blanche a immédiatement réagi en condamnant ce rejet de la solution à deux Etats, pierre angulaire de la politique américaine au Proche-Orient depuis des lustres.
Le masque est tombé et Netanyahu doit à présent réparer des dégâts, retrouver un langage commun avec la communauté internationale, tout en réunissant une nouvelle coalition avec ses alliés, les religieux et les ultra-orthodoxes. Réussira-t-il cette fois? Après sa victoire électorale, les militants du Likoud l’ont accueilli en scandant : «C’est un magicien!»
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