Cet article date de plus de sept ans.
Israël: cerné par les affaires, Netanyahu attend l'arrivée de Trump
Mauvaise passe pour Benjamin Netanyahu: le Premier ministre israélien a été interrogé deux fois début janvier 2017 par la police à sa résidence officielle de Jérusalem. Le leader du Likoud est soupçonné d’avoir accepté des cadeaux de richissimes hommes d’affaires américains. L’unité des fraudes de la police a agi sur ordre du procureur général. Bibi sera-t-il obligé de démissionner?
Publié
Temps de lecture : 6min
Après avoir subi un camouflet diplomatique fin décembre aux Nations Unies, suite au vote d'une résolution du Conseil de sécurité condamnant la colonisation israélienne, le Premier ministre est à présent dans le collimateur de la justice de son pays.
Benjamin Netanyahu est accusé d'avoir accepté de très jolis cadeaux d’au moins deux milliardaires américains. Ils proviendraient d’abord de son vieil ami, Ronald Lauder, héritier du géant des cosmétiques Estée Lauder. Cet ancien ambassadeur américain en Autriche est également président du Congrès juif mondial.
Sur la scène internationale des nantis, qui arrosent beaucoup de monde, Lauder est dans le haut du panier. Cigare, bon vin, voyages... tout ce qu’il aurait offert à Netanyahu n’est rien pour Ronald Lauder, peut-être quelques bonnes dizaines de milliers d’euros.
«Ce genre de transactions fait partie de la vie de Netanyahu depuis longtemps», note David Ricci, ancien professeur de science politique à l’Université hébraïque de Jerusalem. «Beaucoup d’acteurs du service public se comportent ainsi, mais Bibi a toujours fait plus fort que les autres. C’est comme un défaut de caractère chez lui.»
«Pour un ministre, accepter des cadeaux est illégal»
A Los Angeles, le producteur de cinéma Arnon Milchan aussi se serait plutôt bien occupé du Premier ministre. On lui doit des blockbusters comme Pretty Woman, Fight Club ou encore L.A. Confidential. A Hollywood, Arnon Milchan, 68 ans, est un producteur riche et respecté. Dans une autre vie, il a été espion et marchand d'armes pour le compte d'Israël, son pays d’origine. Combien de cigares et de bouteilles de whisky, combien de voyages, pourrait-il offrir à Netanyahu?
Occupant des postes ministériels depuis 20 ans, deux fois Premier ministre, Netanyahu n’a tout simplement pas le droit d’accepter le moindre cadeau personnel… rien, comme les leaders de tous les pays occidentaux.
«Venant de la part de ces multimillionnaires, des cadeaux qui valent quelques centaines de milliers d’euros, c’est de la "menue monnaie", de la "ferraille", continue David Ricci, mais pour un ministre, accepter des cadeaux est illégal.»
Arnaque à la taxe carbone
Sur ordre du procureur général en Israël, Avichai Medelblit, la police enquête sur Netanyahu depuis des mois. Il y a un autre dossier plus obscur qui intéresse les enquêteurs, révélé par le journal de gauche Haaretz en 2016. Il s’agit des relations que Netanyahu aurait eues depuis les années 90 avec un certain escroc français, Arnaud Mimran.
En juillet 2016, le parquet financier de Paris a condamné le golden boy Arnaud Mimran, 44 ans, à huit ans de prison, après sa mise en examen pour escroquerie, blanchiment et recel d’escroquerie en bande organisée dans un dossier de fraude internationale à la taxe carbone. Mimran apparaît également en marge de trois dossiers d’assassinat.
L’escroc déclare avoir donné plus de 200.000 dollars (175.000 euros) à Netanyahu pour sa campagne électorale en 2009. Bibi a répondu que Mimran ne lui en a donné que 40.000 en... 2001.
Mimram et les membres de son équipe ont pu voler plusieurs centaines de millions d’euros en jouant sur les différentiels de TVA en Europe sur la taxe carbone. Une affaire que les médias français ont décrit comme «l’arnaque du siècle».
Dans une photo qui daterait d’août 2003, publiée dans Haaretz, on voit Netanyahu assis au restaurant à Monaco avec Mimran et son jeune fils. L’escroc français aurait payé des vacances à Netanyahu et à sa famille plus d’une fois.
Bibi sera-t-il obligé de démissionner?
Le Premier ministre risque-t-il d’être inculpé par la justice israélienne? Cela serait dommage alors que son nouvel allié Donald Trump arrive à la Maison Blanche le 20 janvier.
Ses nombreux clashes avec Barack Obama et John Kerry sont bientôt terminés, «mais ces affaires personnelles doivent l’embêter beaucoup plus que les dossiers politiques», commente le professeur Ricci à Jérusalem. «Netanyahu a toujours trouvé le moyen d’éviter les conséquences de ses actes sur la scène internationale. Mais là, il s’agit de corruption.» L'ancien Premier ministre Ehud Olmert avait dû démissionner en 2009 après avoir été inculpé de corruption.
Et ce n’est pas fini. Selon la deuxième chaîne de télévision israélienne, Netanyahu a été enregistré en train de négocier des bénéfices mutuels avec l’éditeur du puissant journal Yediot Ahronot, Arnon Mozes. Le journal proposait de traiter les affaires du Premier ministre de façon plus positive en échange de quoi ce dernier aurait limité la diffusion du journal concurrent, Israel Hayom. Affaire à suivre.
Des conséquences politiques
Benjamin Netanyahu a passé sa vie politique à manœuvrer entre les pressions de la communauté internationale et celle de l’extrême droite israélienne. Mais aujourd’hui, c’est sa vie personnelle d’élu et de fonctionnaire de très haut niveau qui est mise en question.
Une éventuelle inculpation et démission de Netanyahu pourrait déclencher une petite tempête politique. C'est le ministre de l'Education, Naftali Bennett, chef du parti Le foyer juif, ou Yair Lapid, député et chef du parti Il y a un futur, qui pourraient devenir Premier ministre. Les deux font partie de la coalition gouvernementale: Bennett à l'extrême droite et Lapid au centre. Benjamin Netanyahu peut compter sur le soutien de Donald Trump et de son futur ambassadeur David Friedman, un homme de l'extrême droite américaine qui a pour principal projet de déplacer l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.