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Le retour d’Israël sur la scène diplomatique africaine

Il aura fallu 42 ans pour voir le drapeau zambien flotter à Tel Aviv. Le 7 septembre 2015, la Zambie est devenue le quatorzième pays africain à ouvrir une ambassade en Israël. L’Afrique avait rompu toutes ses relations avec l’Etat hébreu au lendemain de la guerre du Kippour d’octobre 1973. Israël est désormais de retour sur la scène diplomatique sub-saharienne.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
L'ancien Vice-Premier ministre et ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, arrive à Kampala en Ouganda, le 9 septembre 2009, dans le cadre d'une tournée africaine. (Photo Reuters/James Akena)

La rupture fut spectaculaire.
Le 6 octobre 1973, l’ancien président égyptien Anouar el-Sadate lance ses armées contre Israël en pleine fête juive du Yom Kippour. C’est le début de ce qui s’appellera «la guerre israëlo-arabe». Une attaque surprise et simultanée de l’Egypte et de la Syrie dans la péninsule du Sinaï et sur le plateau du Golan. Ces deux territoires, respectivement égyptien et syrien, étaient occupés par Israël depuis la guerre des Six jours en 1967.
 
En moins de 48 heures, les forces arabes franchissent le canal de Suez. L’armée égyptienne plante son drapeau dans le Sinaï, tandis que les Syriens libèrent le plateau du Golan.
 
Mais au bout d’une semaine, Israël mène une contre-offensive musclée, pénètre en Syrie, traverse à son tour le canal de Suez en direction de l’Egypte.
Ce n’est que cinq ans plus tard que l’Egypte et Israël normaliseront leurs relations avec la signature des accords de Camp David en 1978. Mais la guerre a déjà fait d’immenses dégâts.

Des bédouins égyptiens dans le désert du Sinaï, le 26 avril 2006. L'Egypte a récupéré le Sinaï après la signature des accords de camp David en 1978. (Photo Reuters/Goran Tomasevic)

L’appel du président Anouar el-Sadate
Début septembre 1973, le président égyptien, Anouar el-Sadate demande la solidarité et le soutien des Etats africains lors de la session de l’OUA à Alger. Les Arabes font pression en promettant à l’Afrique des devises et du pétrole. Et ça marche. La plupart des pays africains annoncent la rupture de leurs relations avec l’Etat hébreu à l’exception du Malawi, du Lesotho et du Swaziland.
 
Le 4 octobre 1973, le président du Zaïre, Mobutu Sese Seko, très lié à Israël, sera parmi les premiers à annoncer qu’«Israël a été un loyal ami de mon pays», mais qu’il se voyait obligé de rompre les liens diplomatiques : «L’homme peut choisir ses amis et non ses frères», déclare le chef de l’Etat zaïrois. Mobutu sera aussi le premier à renouer avec Tel Aviv dans les années 80.
 
La diplomatie des affaires
Officiellement, Israël a perdu tout contact politique avec la plupart des pays africains depuis 1973. Mais les affaires ne se sont pas arrêtées pour autant. Comme l’explique Léon César Codo du Centre d’étude d’Afrique noire de Bordeaux, dès le lendemain des ruptures, «des chargés d’intérêts israéliens s’installent dans certaines capitales africaines sous couvert d’ambassades occidentales. C’est le cas à Abidjan où un chargé d’intérêts s’installe sous couvert de l’ambassade de Belgique, avec juridiction sur le Gabon ; à Naïrobi, sous le couvert de l’Ambassade du Danemark, et à Accra sous le couvert de l’ambassade suisse avec juridiction sur le Togo.»
 
Entre 1973 et 1979, les exportations israéliennes en Afrique sont passées de 30 à 75 millions de dollars. «Près de 30 pays africains commercent avec Israël, avec cinq ancrages décisifs pour le réseau commercial israélien au Nigeria, au Kenya, en Ethiopie, en Tanzanie et en Côte d’Ivoire», précise Léon César Codo.
 
Les entreprises israéliennes de construction, d’ingénierie et d’expertise hydro-agricole bénéficient de contrats juteux estimés à plusieurs milliards de dollars au début des années 80. Les transactions se développent aussi en toute discrétion sur «des produits sensibles comme les armes, le matériel électronique sophistiqué à application militaire, le diamant, l’uranium et le pétrole», révèle Léon César Codo.
 
L'ancien ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Liederman, visite le terminal de l'aéroport d'Entebe en Ouganda, le 10 Septembre 2009. En juillet 1976, un commando israélien y a réalisé un coup d'éclat en libérant 100 otages retenus par le Front populaire de libération de la Palestine. (Photo Reuters/James Akena)

Des services de sécurité israéliens très appréciés
L’expertise israélienne en matière de sécurité est aussi appréciée sur le continent. Aussi, malgré l’absence de relations officielles, des agents du Mossad, des émissaires militaires et des spécialistes de la protection rapprochée sillonnent le continent. Ils assurent notamment des formations auprès des services de sécurité présidentiels. Bref, les affaires fleurissent au fil des années. Mais personne n’agit encore au grand jour.
 
C’est le Zaïre de Mobutu qui sera le premier pays africain à franchir le pas, en rétablissant ses relations officielles avec Israël en 1982. Le Libéria lui emboîte le pas en 1983, suivi de la Côte d’Ivoire et du Cameroun en 1986, puis du Togo en 1987.
 
D’autres pays africains comme le Kenya, la Guinée Conakry ou la Centrafrique renouent avec Tel Aviv après l’annulation par l’ONU de la résolution assimilant le sionisme et le racisme en 1991. Israël venait de condamner explicitement le régime de l’apartheid en Afrique du Sud.
 
Aujourd’hui, plus de quarante pays africains entretiennent des liens diplomatiques avec l’Etat hébreu. 14 d’entre eux ont ouvert des ambassades à Tel Aviv dont la Zambie qui vient de s'y installer, succédant au Rwanda et au Soudan du Sud.
 

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