Tony Iwobi, premier sénateur noir en Italie... et membre de La Ligue, parti anti-immigration
Le footballeur Mario Balotelli a qualifié de "honte" la présence de ce sexagénaire né au Nigeria dans les rangs de la formation d'extrême droite.
"Peut-être que c'est moi qui suis aveugle ou alors, ils ne lui ont pas dit qu'il était noir. Mais quelle honte !" Le joueur de foot italien Mario Balotelli aurait pu se féliciter de l'élection de Tony Iwobi, qui est devenu le premier sénateur noir en Italie. Mais, mardi 6 mars sur Instagram, l'attaquant de l'OGC Nice a reproché à l'élu d'origine nigériane de porter les couleurs de la Ligue de Matteo Salvini, un parti d'extrême droite, ouvertement anti-immigration.
Après avoir été la cible de ses critiques, Tony Iwobi a qualifié Mario Balotelli d'"enfant gâté". Et le nouveau sénateur d'ajouter : "Cela ne m'intéresse pas de lui répondre, il y a des problèmes plus importants dans ce pays." Face à l'attaquant, il a bénéficié d'un défenseur acharné, en la personne de Matteo Salvini lui-même. Après cette mise en cause, le dirigeant de La Ligue a écrit (en italien) qu'il n'aimait pas le joueur "sur le terrain" et qu'il l'aimait "encore moins en dehors du terrain". Un peu plus tôt, il avait également affirmé sur Facebook qu'"en Italie, le racisme se rencontre seulement à gauche".
Son credo ? Non à l'immigration clandestine
Tony Iwobi est lui-même immigré. Né au Nigeria dans une famille catholique de onze enfants, il est arrivé en Italie en 1976 à Pérouse, avec un visa étudiant. Entrepreneur dans le secteur de l'informatique, il se lance en politique dans les rangs de la Ligue du Nord avant d'en gravir les échelons et de devenir responsable fédéral en charge de l'immigration. Marié et père de deux enfants, il est passé par plusieurs métiers mais n'a jamais varié d'opinion politique : voilà 25 ans qu'il est membre du parti d'extrême droite, renommé La Ligue.
La trajectoire du nouveau sénateur est atypique. Comment interpréter, sinon, la présence d'un ancien immigré devant des affiches "Stop invasione" ("Stop à l'invasion") ? "En ce qui me concerne, Matteo Salvini et La Ligue représentent une barrière importante contre le racisme, avait-il justifié lors du lancement de sa candidature au Sénat. La discrimination naît justement quand prolifère l'immigration clandestine, qui est l'antichambre de l'injustice sociale et de l'insécurité."
Il reprend d'ailleurs volontiers le vocabulaire musclé de La Ligue et concentre l'essentiel de ses critiques sur l'immigration illégale, comme lors de ce discours (en italien) prononcé en juin 2015 à Pontida, en Lombardie.
La Ligue n'est pas raciste, elle est réaliste. Si 'racisme' veut dire : 'penser d'abord aux Italiens', alors je le suis avec fierté...Nous le sommes !
Tony Iwoblors d'un meeting de La Ligue
"Je n'oublie pas que je suis noir"
Le sexagénaire est parfois surnommé le "leghista-negher", mais il n'en prend pas ombrage. "Cela dépend du contexte. De toute façon, je n'oublie pas que je suis noir. Un Africain. Un Nigérian", explique-t-il à Libero (en anglais), en 2014. Il assurait alors ne "jamais" avoir subi de discriminations au sein de son parti et que le racisme est souvent caché et arrive même "de gens jusqu'ici insoupçonnables". Et récemment, quand le quotidien de gauche Il Fatto Quotidiano (en italien) l'interroge sur son discours musclé envers les migrants, il fait valoir ses conditions d'entrée sur le territoire.
Quand je suis arrivé en Italie à 22 ans, j'avais un visa étudiant. A l'époque, personne ne pouvait entrer dans le pays sans une autorisation en règle. Aujourd'hui, ce n'est plus comme ça.
Tony Iwobià "Il Fatto Quotidiano"
Cette situation est d'autant plus paradoxale que la première députée noire, Cécile Kyenge, avait été visée en 2013 par des insultes racistes de la part de Roberto Calderoli – ce dirigeant de la Ligue du Nord l'avait alors comparée à un orang-outan. "Ce n'est pas du racisme, cela relève une logique d'affrontement politique", avait éludé Tony Iwodi. Sa présence au sein de La Ligue plonge donc l'ancienne élue dans une certaine perplexité. "Ce n'est pas parce qu'ils ont désigné un sénateur d'origine africaine qu'ils ont cessé d'être un parti xénophobe", estime Cécile Kyenge, dans un entretien à Today (en italien). Tout en estimant, malgré tout, que son élection est une "bonne nouvelle pour l'Italie de l'inclusion et de la diversité".
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