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Japon : qui était Shinzo Abe, ancien Premier ministre emblématique, tué lors d'un rassemblement de campagne ?

L'ancien chef du gouvernement japonais a été visé par des tirs, vendredi, alors qu'il faisait campagne, à Nara, dans l'ouest du pays, pour les élections sénatoriales.

Article rédigé par franceinfo
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Shinzo Abe à l'Elysée, à Paris, le 17 octobre 2018. (ARTHUR NICHOLAS ORCHARD / HANS LUCAS / AFP)

Il avait battu des records de longévité à la tête du Japon. Près de deux ans après avoir quitté ses fonctions de Premier ministre pour des raisons de santé, Shinzo Abe est mort à l'âge de 67 ans, a annoncé l'hôpital de Nara, vendredi 8 juillet. Il y avait été admis quelques heures plus tôt dans un état critique, après avoir été touché par plusieurs balles, en pleine rue, pendant un rassemblement de campagne pour les élections sénatoriales. Un suspect a été interpellé par la police.

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Petit-fils de Premier ministre, le conservateur a profondément marqué la vie politique japonaise. Shinzo Abe avait 52 ans lorsqu'il est devenu chef du gouvernement pour la première fois, en 2006. Il était alors le plus jeune dirigeant de l'exécutif de l'après-guerre dans son pays. Mais c'est lors de son second passage au pouvoir, de 2012 à 2020, qu'il s'est démarqué par une politique de relance économique audacieuse. Surnommée "Abenomics", elle combinait assouplissement monétaire, relances budgétaires massives et réformes structurelles.

Cette politique a permis au leader du Parti libéral-démocrate de s'offrir plusieurs succès, comme une hausse notable du taux d'activité des femmes et des seniors, ainsi qu'un recours plus important à l'immigration face à la pénurie de main-d'œuvre.  Mais, faute de réformes structurelles suffisantes, les "Abenomics" n'ont engendré que des réussites partielles.

Un Premier ministre investi sur la scène internationale

Cet héritier d'une grande famille d'hommes politiques conservateurs a aussi mené une intense activité diplomatique. Shinzo Abe avait ainsi toujours veillé à entretenir ses relations avec les Etats-Unis, alliés historiques du Japon. Il était parvenu à établir des liens proches avec Donald Trump, avec lequel il partageait la passion du golf.

Donald Trump et Shinzo Abe s'apprêtent à jouer au golf au Mobara Country Club, à Chiba (Japon), le 26 mai 2019. (KIMIMASA MAYAMA / AFP)

En parallèle, le conservateur s'était employé à ne pas froisser le président russe Vladimir Poutine. Son espoir de régler le différend des îles Kouriles du Sud, annexées par l'Union soviétique à la fin de la Seconde Guerre mondiale et jamais restituées au Japon, s'est toutefois avéré vain. Il avait également tenté de renforcer la présence du Japon sur la scène internationale, en endossant par exemple un rôle de médiateur entre l'Iran et les Etats-Unis, en promouvant le multilatéralisme et en multipliant des accords de libre-échange.

Ayant bâti une partie de sa réputation sur sa fermeté vis-à-vis de la Corée du Nord, Shinzo Abe avait en revanche refusé de présenter les excuses de son pays pour les exactions commises par l'armée japonaise en Chine et dans la péninsule coréenne, durant la première moitié du XXe siècle. En 2013, sa visite au sanctuaire Yasukuni de Tokyo, haut lieu du nationalisme nippon, avait indigné Pékin, Séoul et Washington, selon le Washington Post (lien en anglais).

Presque huit ans au pouvoir, malgré les polémiques

Shinzo Abe détenait le record de longévité au poste de Premier ministre. Pour durer au pouvoir, il avait largement tiré parti de l'absence d'un rival sérieux au sein de sa formation politique. Il avait en outre bénéficié de la faiblesse de l'opposition, jamais remise de son passage désastreux au pouvoir entre 2009 et 2012.

Certaines lois passées durant son mandat, comme le renforcement de la protection des secrets d'Etat et le durcissement de la lutte antiterroriste, lui avaient toutefois attiré la désapprobation des Japonais. L'élargissement des missions des Forces japonaises d'autodéfense avait également entraîné de vastes manifestations, d'habitude rares dans le pays, en 2015, rappelle RFI. Autre échec : il n'a jamais réussi à faire réviser la Constitution japonaise pacifiste de 1947, écrite par les occupants américains et jamais amendée depuis.

Des manifestants réclament la démission de Shinzo Abe du mandat de Premier ministre, le 14 avril 2018, à Tokyo (Japon). (RICHARD ATRERO DE GUZMAN / NURPHOTO / AFP)

L'image de Shinzo Abe avait été ternie par des accusations de corruption, début 2018. Le Premier ministre et certains de ses proches avaient été mis en cause dans plusieurs affaires, dont un scandale immobilier, rapporte La Croix. Le conservateur avait présenté ses excuses devant le Parlement, mais été resté au pouvoir.

Il continuait d'influencer la vie politique japonaise

A l'été 2020, la cote de popularité de Shinzo Abe avait dégringolé en raison de sa gestion de la pandémie de Covid-19. Il s'était longtemps accroché à l'espoir de maintenir les Jeux olympiques de Tokyo, qui devaient être le point d'orgue de son dernier mandat. Ces derniers ont finalement eu lieu un an plus tard, à huis clos.

Fin août 2020, il avait annoncé sa démission, expliquant souffrir d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin, la rectocolite hémorragique. Cette pathologie était déjà l'une des raisons de la fin abrupte de son premier passage au pouvoir, en 2007.

Shinzo Abe était néanmoins resté très actif dans la vie politique japonaise, souligne le New York Times (lien en anglais). Selon le quotidien américain, il avait largement influencé le choix de ses deux successeurs. Il a été tué alors qu'il prononçait un discours en soutien au Parti libéral-démocrate, à trois jours des élections sénatoriales au Japon.

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