JO 2021 : entre stress et lassitude, Tokyo fait toujours grise mine
À un peu plus de deux mois du début des Jeux olympiques, la capitale japonaise semble gagnée par une opposition croissante quant à la tenue de l’événement.
Plus l’échéance des Jeux olympiques de Tokyo (du 23 juillet au 8 août) approche, plus les voix hostiles se font entendre sur l’archipel. Sondages, pétitions, témoignages… Depuis la France, le tableau semble peu reluisant. D’autant plus que celui-ci est alimenté par une actualité qui apparaît comme toujours plus anxiogène.
Dernière “mise à jour” en date : la décision du gouvernement nippon d’élargir l’état d’urgence sanitaire à neuf départements du pays, afin de contrer une quatrième vague d’infections au Covid-19 qui met le système de santé du pays sous pression.
“On a l’impression d’un deux poids, deux mesures”
La capitale japonaise est le point névralgique de ces tensions croissantes. Alors qu’elle s’apprête à devenir le théâtre à ciel ouvert du plus grand événement sportif mondial cet été, rarement l’horizon n’a semblé aussi gris, et l’atmosphère aussi pesante à Tokyo. “Je ne sais pas si c’est un sentiment de lassitude mais je pense que les gens ont simplement hâte que cela soit derrière nous”, résume Hana, une Japonaise de 24 ans.
Selon elle, le flou entretenu pendant des mois l’an dernier sur la tenue des JO a fortement impacté les esprits, en même temps que les mesures sanitaires et l’état d’urgence ont fait naître des sentiments contradictoires parmi la population. “On a l’impression d’un deux poids, deux mesures, avec d’un côté des restrictions pour nous et de l’autre une ambition politique d’avoir les Jeux à tout prix”, explique la jeune femme habitant dans le quartier traditionnellement animé de Shinjuku.
Une incompréhension qui rejaillit sous la forme de protestations assez inhabituelles chez certains Japonais. Début mai, alors que le “test event” d’athlétisme se tenait dans un stade olympique flambant neuf mais qui sonnait bien creux, une quarantaine de personnes s’étaient réunies devant l’enceinte pour manifester leur opposition aux JO, en témoigne ce reportage réalisé par Stade 2.
Pour le personnel médical japonais, la pilule a du mal à passer
La prophétie du manga “Akira” de Katsuhiro Otomo, publié durant les années 1980, s’est réalisée : des banderoles prônant l’annulation des Jeux de Tokyo ont vu le jour. Celles-ci sont par exemple ostensiblement affichées aux fenêtres de l’hôpital mutuel de Tachikawa, comme le rapportait la semaine dernière dans les colonnes de Libération la correspondante Karyn Nishimura.
Un ras-le-bol médical qui prend racine sur tout un tas de décisions politiques jugées controversées sur l’archipel depuis plus d’un an : manque de tests, retard criant dans la vaccination, peu d’aides financières en direction des hôpitaux… Sans parler d’un contrat entre les autorités japonaises et le Comité international olympique (CIO) prévoyant la ré-affectation de personnel médical au chevet des athlètes durant les JO, cela alors que beaucoup d’insulaires ont vu leurs soins reportés.
Autant d’éléments qui ont conduit un syndicat de médecins à adresser un message au gouvernement, expliquant que, selon eux, “il est impossible de tenir des Jeux sûrs pendant la pandémie”. Un message relayé dans une pétition en faveur de l’annulation des Jeux par un avocat japonais, et qui ne cesse de gagner de nouveaux signataires.
On this hospital windows in Tachikawa city, hear the despair of medical workers.
— AmélieMarieinTokyo (@AmelieinTokyo) May 5, 2021
"We reached our limit, stop the Olympic" https://t.co/pzTspEQxZ2
“Aujourd’hui, les JO paraissent lointains alors que, pourtant, ils doivent débuter dans deux mois”
Amine Habes, de la chaîne YouTube Japania.
“Pour les Japonais avec lesquels je suis en contact au quotidien, c’est comme si les JO n’existaient pas, ce n’est pas un sujet de conversation.” Amine, 27 ans, vit à Tokyo depuis plus de six ans. Sur sa chaîne YouTube “Japania”, le vidéaste français a l’habitude de réaliser des micro-trottoirs en interrogeant des Japonais sur plusieurs thématiques de société. Une pratique rendue plus difficile “mais pas impossible” avec le port du masque et le respect des gestes barrières.
En novembre 2019, il avait questionné certains d’entre eux sur les Jeux olympiques. Plus d’un an et demi plus tard, c’est peu dire que ces témoignages ont bien changé, le désintérêt ayant gagné un terrain considérable. “Peut-être que lorsqu’on se rapprochera de l'échéance, on sentira davantage d'émulation. Mais aujourd'hui, c'est comme si les JO étaient une grosse parenthèse et paraissent très lointains, alors que, pourtant, ils doivent débuter dans deux mois.”
#Japan - A police officer patrols at night on a bicycle as the Olympic rings are seen lit up in the Odaiba waterfront in Tokyo.
— AFP Photo (@AFPphoto) May 10, 2021
@CTriballeau pic.twitter.com/h8AoMIEhpm
“C’est une occasion en or de montrer l’émulation aux abords des stades, avant et pendant les compétitions”, précise-t-il. “J’ai envie de montrer un maximum de choses et d’en faire profiter les gens mais pour le moment c’est compliqué. Ils ferment petit à petit des lieux dédiés aux JO, pas mal de boutiques… Pour le relais de la flamme, il n'y avait pas de public. En tant qu'amoureux du sport, c'est triste de ne pas vivre cet engouement.” Le brouillard sur les Jeux de Tokyo semble encore, pour le moment, loin d’être levé.
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