L'Eglise latino-américaine sera-t-elle un exemple pour le nouveau pape ?
Son origine sud-américaine influencera-t-elle le pape François lorsqu’il devra soupeser s’il reste sur la voie traditionnaliste et conservatrice de ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI ? Ou s’il change de voie en tentant de s’adapter aux demandes de son époque ? Avant de répondre à de telles interrogations, il s’agit de connaître l’état du catholicisme dans cette région du monde.
Quelques jours avant l’élection, le cardinal brésilien Raymundo Damasceno Assis, président de la conférence épiscopale du Brésil, estimait que l’Eglise catholique a conservé en Amérique latine son caractère «vivant et dynamique», contrairement à son homologue européenne. Si c’est le cas, elle pourrait donc beaucoup apporter au nouveau pape. Elle «vit un moment très spécial, d’enthousiasme missionnaire très important, qui va à la rencontre des gens, dans les banlieues pauvres des grandes villes, dans nos communautés», selon le prélat. A ses yeux, elle insuffle un «supplément de vie» à son homologue du Vieux monde. Laquelle, pour sa part, «traverse un processus de sécularisation très fort et souffre d’une crise des vocations».
Avec 132 millions de fidèles, le Brésil est le plus grand pays catholique d’Amérique latine. Il est suivi du Mexique, qui en compte 93 millions.
Un observateur comme le professeur Jeffrey Klaiber, historien des religions à l’Université catholique de Lima, est, quant à lui, moins optimiste. «L’immense majorité des fidèles ne pratiquent pas leur foi. Beaucoup d’entre eux l’ont laissé de côté et il y a des millions de personnes qui ne vont jamais à l’église», indique-t-il. De plus, «il n’y a pas d’espace pour les jeunes qui ont l’esprit critique et veulent voir plus de justice et de paix dans le monde».
Selon l’universitaire, la stagnation du catholicisme est mondiale et est due avant tout à «un environnement spirituel peu attrayant pour les jeunes cherchant des réponses à leurs problèmes, et à une formation très traditionnaliste dans les séminaires». «Les jeunes ne se sentent pas impliqués dans l’Eglise des deux derniers papes» à la tête du Vatican entre 1978 et 2013, estime-t-il.
L’explosion des mouvements protestants
Pour le spécialiste américain du Vatican John L. Allen, le nouveau souverain pontife devrait en priorité s’intéresser au «défi que représente l’explosion des mouvements pentecôtistes et évangéliques pour le catholicisme en Amérique latine, ainsi qu’à l’indifférence religieuse». De fait, ces mouvements, souvent originaires des Etats-Unis, se montrent très conquérants. Ils sont même parfois franchement accusés de «prosélytisme». Résultat : au Brésil et au Chili, les communautés catholiques, qui leur reprochent de manipuler la crédulité populaire, auraient fondu d’un quart en 25 ans. Ceux qui seraient partis auraient notamment rejoint les groupes protestants qui toucheraient aujourd’hui 20 % de la population.
L’ancien archevêque de Buenos Aires va-t-il davantage se préoccuper de la «théologie de la libération» ? Rien n’est moins sûr, car celle-ci, puissante dans les années 70, a été marginalisée par les deux précédents papes. Souvent proches de la gauche, ses adeptes n’hésitaient pas à aborder les questions sociales et politiques. Certains se sont engagés dans la lutte armée. L’héritage de l’un de ses plus éminents représentants, l’ancien archevêque de Recife Dom Helder Camara (mort en 1999), fut systématiquement détruit par le Vatican qui voyait dans ce courant de pensée «un succédané pervers du marxisme».
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