La Chine met en scène ses condamnés à mort à la télévision
Leur sentence est irrévocable. Pire qu'une mauvaise émission de télé réalité, les téléspectateurs chinois ont eu droit à une heure et demie d'antenne consacrée à l'exécution de quatre trafiquants de drogue vendredi.
Les malfaiteurs venaient du "Triangle d'or". La région, à cheval entre la Thaïlande, la Chine, la Birmanie et le Laos, a longtemps été connue comme le premier fournisseur mondial d'opium et d'héroïne.
Les quatre trafiquants avaient été condamnés à mort pour le meurtre de treize chinois lors d'une attaque de deux bateaux sur le fleuve Mékong en 2011. Une sentence dont la chaîne nationale CCTV n'a pas hésité à mettre en scène les préparatifs, même sur son antenne anglaise :
Menottés, ligotés et enferrés
En pleine après-midi, CCTV a diffusé toutes les étapes précédant l'injection létale. Devant les caméras, le chef de gang birman Naw Kham est fièrement exhibé par la police chinoise. L'homme de 43 ans arrive menotté, avant d'être ligoté par les officiers. Ils lui passent également des fers aux pieds avant de le placer dans la camionnette qui l'emmène vers la mort.
Même cérémonial pour les trois autres condamnés, le Thaïlandais Hsang Kham, 61 ans, le Laotien Zha Xika, 28 ans, et Yi Lai, un apatride de 55 ans. Tous sont ligotés et contraints à baisser la tête devant les journalistes.
La chaîne a ensuite diffusé les remords du chef de gang, interrogé quelques jours plus tôt. "Dans le Triangle d'or, les gens biens deviennent mauvais, vous ne pouvez pas résister à la tentation" , a avoué Naw Kham face à son intervieweur. "J'espère que mes enfants ne suivront pas mon exemple. Je leur souhaite un bel avenir et j'espère qu'ils étudieront dur."
4.000 exécutions chaque année en Chine ?
Les invités de l'émission y sont aussi allés de leur commentaire. "Il a bien mangé, bien dormi, il avait l'air en meilleure forme que lorsqu'il a été arrêté" , s'est félicité un commentateur, garantissant que Naw Kham avait été bien traité.
Les journalistes se sont en
revanche gardés d'entrer dans les détails de l'affaire. Nulle mention de
l'enquête, toujours en cours, sur une possible implication de l'armée
thaïlandaise dans le massacre sur le Mékong.
Ce type de spectacle est loin d'être choquant à la télévision chinoise. Les exécutions ne sont plus publiques comme autrefois, mais les dernières minutes des condamnés sont parfois diffusées en direct lors des affaires les plus médiatisées.
La Chine reste le pays du monde qui a le plus recours à la peine capitale. Le nombre d'exécutions ordonnées par la justice chinoise dépasse les condamnations à mort de tous les autres Etats de la planète réunis.
Pékin continue de maintenir le secret sur ses condamnés à mort, et ne communique aucun chiffre. La Chine compterait pourtant plus de 4.000 mis à mort par an, selon l'organisation de défense des droits de l'homme Duihua (Dialogue).
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