La Légion d'honneur, un instrument de la diplomatie française
L'Elysée a fait peu de publicité à la remise, vendredi 4 mars, de la Légion d'honneur à Mohammed ben Nayef, prince héritier et ministre de l'Intérieur saoudien . Le pays est sous le feu de l'actualité pour de multiples raisons, pour ses relations ambiguës avec l'Etat islamique avec qui il semble plus en compétition qu'en opposition, dans l'imposition d'un islam ultra rigoriste, et dans sa capacité à chatier quiconque (musulman ou pas) ne respecte pas l'islam comme Ryad l'entend. Avec comme châtiment, le fouet, ou la peine de mort, et à faire exécuter les sentences. Dans ce contexte décorer son ministre saoudien de l'Intérieur en interpelle plus d'un. Comme le député Pouria Amirshahi qui juge «irresponsable et inadmissible de décorer de la plus haute distinction française un représentant de l'Arabie saoudite, pays tristement célèbre pour son manque de respect à l'égard des droits humains et ses liens étroits avec certains groupes radicaux du djihadisme armé».
Quand on regarde l'énergie dépensée par le royaume pour faire tomber Bachar el Assad, tout en damant le pion aux chiites iraniens au passage, mais surtout si on s'intéresse à la vente de Rafales et d'armements par la France réglée rubis sur l'ongle , on comprend mieux l'intérêt pour l'Arabie Saoudite. Et si enfin on précise que cette décoration arrive au lendemain du règlement d'un contencieux de trois milliards de dollars, qui vont dans les caisses françaises, pas besoin d'aller tellement plus loin.
Différents motifs
Il existe une longue tradition d'attribution de la Légion d'honneur sur proposition du ministère des Affaires étrangères, afin de renforcer les relations diplomatiques de la France. En leur décernant la Légion, la France honore des présidents étrangers, elle peut être attribuée quand ils «ont rendu des services (culturels, économiques...) à la France ou encouragé des causes qu'elle défend (défense des droits de l'Homme, liberté de la presse, causes humanitaires...)», selon le site de la Légion d'honneur. Mais c'est aussi une façon de remercier la réalisation de menus services, pas forcément officiels. C'est ainsi que fut décoré le Roumain Nicolae Ceaucescu ou le Libyen Mouammar Kadhafi.
«Les visites d'Etat sont également l'occasion d'attributions de la Légion d'honneur aux personnalités officielles, faites au titre de la réciprocité diplomatique et soutenant ainsi la politique étrangère de la France», toujours selon le site.
La «jurisprudence» Noriega
Tel fut aussi le cas de Manuel Noriega, le dictateur panaméen nommé, en 1987, commandeur de la Légion d'honneur.
Alors que les récipiendaires français doivent se montrer dignes de la distinction en permanence, ils encourent différentes sanctions pouvant aller jusqu'au retrait si ce n'est pas le cas. Les autorités ont découvert que cette disposition n'existait pas pour les détenteurs étrangers qui l'avaient reçue dans le cadre de «relations diplomatiques». Quel ne fut l'embarras des Français, quand ils ont vu arriver un Noriega extradé de sa prison américaine vers l'Hexagone pour purger une peine de dix ans, mais toujours titulaire de sa Légion d'honneur. Depuis Noriega il est possible de la retirer aux légionnaires étrangers.
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