Le difficile choix du prénom du pape
Il est le 266e
pape de l'Histoire. Depuis son élection mercredi, chacun des mots, chacun des gestes de Jorge Mario Bergoglio est scruté à la loupe.
Son premier choix
de pape a d'ailleurs été... son nouveau prénom, François.
François tout
court d'ailleurs, il sera François Ier quand un successeur aura choisi le même
prénom, et deviendra François II, a tenu à faire savoir le Vatican dès mercredi soir.
Et puisque
" Nomen est omen " , puisqu'un nom est un signe, selon la
maxime latine - comme les empereurs romains pendant l'Antiquité
- les
papes se choisissent un nouveau prénom depuis... l'année 996, quand Grégoire V a abandonné son nom de baptême, Bruno. Avant lui, seuls six papes avaient changé
de nom, dont Jean II, en 533, qui s'appelait en fait Mercure, et ne voulait plus
porter le nom d'un dieu païen. Ce qui peut se comprendre...
Pourquoi François
?
Le mystère reste
entier. Le nouveau pape n'a pas (encore ?) dévoilé les raisons de son
choix. Dès son élection, on a dit que c'était un hommage à Saint-François d'Assise.
Parce que le cardinal était réputé, en Argentine, pour sa proximité d'avec les
plus pauvres. Ce que confirme son plus proche collaborateur à l'archevêché de
Buenos Aires, Guillermo Marco : " il a dû choisir ce nom pour la pauvreté, il
a toujours été un grand admirateur de François d'Assise " , dit-il.*" Il
prend le métro, il a rarement utilisé une voiture avec chauffeur. En tant que
cardinal, il a continué de vivre la vie normale d'un prêtre. C'est un homme
irréprochable ."*
A moins qu'il ne s'agisse, plus
prosaïquement, d'un hommage à... Saint-François-Xavier, co-fondateur (avec Ignace de
Loyola) de l'ordre des jésuites. Jorge Mario Bergoglio est le premier pape jésuite de
l'Histoire.
Avant lui, Benoît XVI avait expliqué avoir choisi son
prénom en référence à Benoît XV, le pape de la paix pendant la Première Guerre
mondiale. Quant à Jean-Paul II, il avait pris la suite de Jean-Paul Ier, dont le
pontificat n'avait duré que 33 jours : " il m'appartient non seulement de le
continuer, mais, d'une certaine manière, de le reprendre au même point de
départ " , avait-il écrit dans sa première encyclique "Redemptor hominis".
" Jean XXIII et Paul VI constituent une étape à laquelle
je désire me référer directement
comme à un seuil à partir duquel je veux, en compagnie de Jean-Paul Ier pour
ainsi dire, continuer à marcher vers l'avenir, me laissant guider, avec une
confiance sans borne, par l'obéissance à l'Esprit que le Christ a promis et
envoyé à son Eglise " .
** Les prénoms les
plus choisis
A ce petit jeu
statistique, Jean arrive très largement en tête : il a été choisi 21 fois - même
si le dernier en date fut... Jean XXIII !
Arrivent ensuite
Grégoire (16 fois), Clément et Benoît (15 fois), Léon et Innocent (13 fois) et
Pie (12 fois). Plus exotique, on
compte neuf Boniface, un Hilaire et un Zéphyrin.
Des prénoms
connotés
Le choix du prénom
en dit donc long sur les intentions du nouveau pape. Surtout quand il prend un
prénom déjà porté par le passé. Ainsi, Pie est-il plutôt synonyme de conservatisme. Au
cours du dernier siècle et demi, quatre papes se sont prénommés ainsi, et tous
se sont illustrés par leur conservatisme : Pie IX (1846-1878) rejeta la
démocratie, Pie X (1903-1914) dénonça le libéralisme politique, Pie XI
(1922-1939) fut un autocrate, et Pie XII (1939-1958) reste dans l'Histoire pour
le rôle controversé joué par le Vatican pendant la dernière guerre mondiale -
les organisations juives ont demandé à ce qu'il ne soit pas canonisé tant que la
lumière n'aura pas été faite sur ses actes.
A l'opposé, le
prénom Jean rappelle aujourd'hui Jean XXIII, le pape à l'origine du concile
Vatican II, qui a dépoussiéré la liturgie, et l'Eglise.
Le tabou de
Pierre
Jamais aucun pape
n'a osé s'appeler Pierre. Premier pape de l'Eglise, c'est lui que Jésus aurait
désigné comme son successeur : " Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai
mon Eglise " *.
- Personne n'a jamais pris ce prénom, par respect pour "le
premier pape". Ainsi de Jean XIV, en 983, qui s'appelait pourtant Pierre, comme
Serge IV, en l'an 1009...
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.