Cet article date de plus de treize ans.

Le Premier ministre a dit mardi à l'Assemblée nationale "toute sa confiance" à sa ministre des Affaires étrangères

Paris "n'avait pas vu venir les événements" qui ont abouti à la chute de Ben Ali, a plaidé devant la commission des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie, critiquée pour avoir proposé le 11 janvier une coopération policière à la Tunisie.Elle s'est dite également "scandalisée par le fait que certains aient voulu déformer (ses) propos".
Article rédigé par France2.fr avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Michèle Alliot -Marie à l'Assemblée nationale, le 14 décembre 2010. (AFP / Fred Dufour)

Paris "n'avait pas vu venir les événements" qui ont abouti à la chute de Ben Ali, a plaidé devant la commission des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie, critiquée pour avoir proposé le 11 janvier une coopération policière à la Tunisie.

Elle s'est dite également "scandalisée par le fait que certains aient voulu déformer (ses) propos".

"Soyons honnêtes: nous avons tous, hommes politiques, diplomates, chercheurs, journalistes, été surpris par la révolution de jasmin", a-t-elle plaidé, en soulignant que personne n'avait compris "l'accélération" des événements.

De son côté, le ministre de la Défense Alain Juppé a estimé qu'il n'y avait "pas eu de défaillance du gouvernement" face aux événements en Tunisie. Alain Juppé a déclaré que la France n'a "pas plus que d'autres" à faire d'autocritique pour la façon dont elle a réagi, mardi sur RTL.

Le silence du gouvernement lors de la révolte tunisienne, et surtout les propos de la chef de la diplomatie à l'Assemblée le mardi 11 janvier, lui valent de nombreuses critiques notamment de la part de l'opposition. Alors que le peuple tunisien manifestait pour sa liberté, Michèle Alliot-Marie avait proposé d'envoyer des renforts pour aider les forces de l'ordre. Lundi soir sur France 2, elle s'est expliquée une première fois, soulignant que ses propos avaient pu être déformés.

L'opposition critique vertement Michèle Alliot-Marie
La gauche critique sévèrement la ligne de non-ingérence et d'attentisme de Paris face à la révolte des Tunisiens.

Mardi matin dans les 4 Vérités sur France 2, Martine Aubry (PS) a dénoncé "le silence assourdissant" de la France pendant les émeutes en Tunisie, estimant que Michèle Alliot-Marie avait commis "une faute grave" en proposant une coopération sécuritaire au régime Ben Ali et qu'elle devrait en "tirer les conséquences".

La numéro un du PS a renchéri: "Il y a quand même eu 78 morts, des blessés, on a tiré dans la foule à balles directes", a-t-elle souligné, dénonçant "cette hallucinante déclaration" de la ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie "disant 'on va vous aider à ramener le calme'". Martine Aubry a déploré le fait que la France n'ait pas, au lieu de cela, "condamné la répression que tout le monde a condamnée".

Europe Ecologie-Les Verts a demandé mardi la démission de Michèle Alliot-Marie, estimant que les explications de la ministre des Affaires étrangères concernant ses propos sur la Tunisie "ne font que confirmer son terrible lapsus". Dans un communiqué, Jean-Louis Roumégas, porte-parole d'EELV, estime que "pour avoir proposé 'le savoir faire de nos forces de sécurité' aux autorités tunisiennes, la ministre des Affaires étrangères n'est pas excusable".

L'ancienne candidate socialiste à l'élection présidentielle Ségolène Royal a qualifié lundi les propos de Michèle Alliot-Marie de "scandaleux", "venant en soutien d'une dictature".

Un député communiste, Jean-Jacques Candelier, a réclamé lundi la démission de la ministre, jugeant que ses déclarations étaient "une honte".

Alain Juppé défend le gouvernement
De son côté, le ministre de la Défense a justifié mardi matin l'attitude du gouvernement français au plus fort de la crise tunisienne: "Un gouvernement ne réagit pas en allant manifester dans la rue, il réfléchit, il réagit avec sang-froid et très rapidement, le gouvernement français a pris une position, il appartient au peuple tunisien de décider de son destin dans le cadre d'élections libres et démocratiques."

"Nous avons pris également la décision de ne pas accueillir sur le sol national Ben Ali et de bloquer ses avoirs financiers. Je crois qu'il y a là une réaction parfaitement claire", a souligné le numéro 2 du gouvernement. "On attend beaucoup de la France (...) J'aimerais qu'on me cite un seul grand gouvernement européen ou américain qui, avant les événements de Tunisie, avait souhaité le départ de Ben Ali", a-t-il affirmé. "Nous avons, c'est vrai, tous sous-estimé - je l'ai dit - le degré d'exaspération et de révolte du peuple tunisien face à un régime qui était un régime policier."

Lundi à Bordeaux, dans une esquisse de mea culpa, Alain Juppé avait déjà admis que Paris avait "sous-estimé" l'exaspération des Tunisiens. "Sans doute avons-nous, les uns et les autres, sous-estimé le degré d'exaspération de l'opinion publique face à un régime policier" et "dictatorial", a reconnu le ministre de la Défense.

Dans un premier temps, les dirigeants français ont tardé à condamner l'utilisation de la force contre les manifestants. Puis, ce n'est qu'après la chute de l'ex-président Ben Ali que Nicolas Sarkozy a exprimé, samedi 15 janvier, le soutien de la France au soulèvement tunisien.

Vendredi 14 janvier, jour de la chute du régime tunisien, la France a refusé d'accueillir le président en fuite Ben Ali, avant de promettre samedi de traquer ses avoirs financiers en France, et ceux de sa famille.

Guaino reconnaît "des maladresses"
Le conseiller spécial du président Sarkozy, Henri Guaino, a estimé pour sa part mardi sur France Info que la France n'avait pas à faire de "mea culpa" sur son attitude pendant la crise tunisienne, même si elle a "sans doute" mal appréhendé le degré de révolte contre le régime Ben Ali.

Lundi, déjà, il s'était exprimé sur la polémique entourant le comportement du gouvernement durant la crise tunisienne. "Qu'il y ait pu y avoir des maladresses ou des incompréhensions, après tout, cela est possible." Mais "imaginez que la France intervienne dans les affaires d'un pays qui est un ancien protectorat français, qu'aurait-on dit ?", avait déclaré auparavant, lundi, le conseiller spécial du chef de l'Etat.

La chef de la Diplomatie Michèle Alliot-Marie a tenté en vain d'éteindre les critiques, dès ce week-end, en expliquant notamment dans le JDD avoir voulu contribuer à mettre fin à la répression. "Il y avait des tirs à balles réelles, des morts. Pour que de telles situations ne se reproduisent pas dans l'avenir, j'ai donc dit que nous étions prêts à aider à former les forces de l'ordre tunisiennes, comme nous le faisons pour d'autres pays", a-t-elle plaidé.

Lundi soir, au JT de 20h de France 2, la ministre a reconnu que l'exaspération des Tunisiens avait "sans doute" été surestimée par Paris. "Je pense que nul n'avait imaginé qu'il puisse y avoir une transformation aussi profonde et aussi rapide", a-t-elle admis à la veille d'être entendue par la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Lire aussi:
>>

>>
>>
>>
>>
>>

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.