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Libération des otages : aucun "argent public" versé

Malgré les révélations du journal Le Monde, affirmant qu'une vingtaine de millions d'euros avaient été versés pour la libération des quatre otages, les autorités françaises ont maintenu, ce mercredi, leur version : aucune rançon n'a été versée aux ravisseurs, seul le gouvernement nigérien ayant été à la manoeuvre. Dans la soirée, Laurent Fabius a précisé qu'aucun "argent public" n'avait été utilisé.
Article rédigé par Matthieu Mondoloni
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Franceinfo (Franceinfo)

Mardi, à son arrivée à Niamey pour récupérer les otages français, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius avait immédiatement affirmé qu'aucune rançon n'avait été versée pour leur libération. Mais dans un article paru ce mercredi sur son site Internet, Le Monde soutient la théorie inverse.

Selon le quotidien, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), les services de renseignement, a remis indirectement "plus d'une vingtaine de millions d'euros " aux ravisseurs de Pierre Legrand, Daniel Larribe, Thierry Dol et Marc Féret, qui sont arrivés mercredi en France. Cette somme aurait été prélevée sur les fonds secrets alloués aux services de renseignement et aurait été acheminée par la DGSE jusqu'à Kidal, au Mali, toujours selon Le Monde.

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L'AFP parle, elle, "de 20 à 25 millions d'euros versés ", citant une source proche des négociateurs nigériens. Cette source a expliqué que cette somme avait servi à payer les ravisseurs ainsi que les intermédiaires qui, sur le terrain, ont joué un rôle important pour obtenir ces libérations. Elle n'a en revanche pas précisé d'où provenait l'argent.

Malgré ses révélations, le gouvernement maintient sa version, renvoyant la balle dans le camp nigérien. Lors du compte rendu du conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a indiqué que la France n'avait pas joué un rôle direct dans les tractations. "Le président de la République l'a souligné une nouvelle fois ce matin, la France n'a pas participé directement aux tractations portant sur la libération des otages, c'est le Niger qui a réussi à trouver une issue à cette longue prise d'otages ", a-t-elle dit.

Invité sur le plateau du 20h de TF1 ce mercredi soir, le ministre français des Affaires
étrangères a toutefois précisé qu'aucun "argent public" n'avait été versé pour
obtenir la libération des quatre otages du Niger sans se prononcer toutefois
sur des versements d'argent d'un groupe privé.
"Pour ce qui dépend de l'Etat français, il n'y a pas d'argent versé", a
déclaré Laurent Fabius. Interrogé sur
une rançon payée par de l'argent "privé", il a répondu: "pas d'argent public
versé".

Le ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum, a dit pour sa part ne pas savoir si une rançon avait été versée. "Je ne suis au courant de rien, ce n'est pas passé par nous ", a-t-il dit sur i-Télé. Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui retenait les quatre ressortissants français, avait réclamé en mars 2011 90 millions d'euros, une demande rejetée par le chef de la diplomatie française de l'époque, Alain Juppé.

Veuillez installer Flash Player pour lire la vidéoMinistre des affaires étrangères nigerien : une "très belle coordination" - 30/10/13 à 08h00
En début d'année, François Hollande a fait savoir que la France ne verserait plus de rançon pour obtenir la libération de ses ressortissants retenus en otages dans le monde, assurant que l'Etat s'opposerait à toute transaction financière et toute forme de versement, même par des entreprises.

L'ensemble des services de l'Etat concernés, dont la DGSE et le ministère des Affaires étrangères, a reçu une consigne allant dans ce sens. Le 19 avril dernier, à l'occasion de la libération d'une famille française enlevée au Cameroun, le chef de l'Etat a une nouvelle fois assuré que son pays ne céderait pas "sur les principes ".

Areva ou Vinci ont-elles versé une rançon ?

S'il y a eu versement, et que la France ne l'a pas fait directement, plusieurs autres pistes se dessinent. La première pourrait être celle d'une contrepartie versée par le groupe nucléaire français Areva, pour lequel travaillaient une partie des otages. Elle a été évoquée mercredi par Diane Lazarevic, fille de Serge Lazarevic, l'un des trois otages français encore retenus en Afrique. "Le Quai d'Orsay m'a bien dit il y a deux mois que la France ne paierait pas mais que sûrement Areva le ferait. Ce sont les mots du quai d'Orsay ", a-t-elle dit.

Les entreprises Areva ou Vinci auraient-elles versé, tout ou partie, une rançon ? Pour Antoine Glaser, spécialiste de l'Afrique et ancien directeur de la Lettre du continent, elles ont été "mobilisées sur tous les plans, y compris financièrement ".

Un point de vue partagé par Vincent Hugeux, journaliste à l'Express et invité ce mardi matin de France Info. Selon lui, pour obtenir de telles libérations, "il y a forcément circulation de cash ".

Selon une source régionale, les négociations autour de la libération des Français ont été menées par l'ancien ministre nigérien, Mohamed Akotey, président du conseil d'administration d'Imouraren SA, la filiale d'Areva au Niger. Mais "Jean-Yves Le Drian a été très clair, il n'y a pas eu de rançon ", indique-t-on chez Areva.

S'il était confirmé, le versement d'une rançon par la France constituerait un changement dans le positionnement affiché par François Hollande depuis le lancement de l'opération Serval au Mali en janvier.

En juin, les dirigeants du G8, dont la France fait partie, se sont engagés à refuser de verser des rançons en cas d'enlèvements de leurs ressortissants par des "terroristes ". "Nous rejetons sans équivoque le paiement de rançons aux terroristes et nous appelons les pays et les entreprises du monde à suivre ce principe ", ont-ils dit dans un communiqué.

La France n'est toutefois pas jusqu'à présent allée aussi loin que la Grande-Bretagne où la législation en vigueur interdit explicitement aux entreprises de verser des rançons.

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