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Dans Bagdad secoué par les attentats, Raghda est enterrée dans sa robe de mariée

A Bagdad, la capitale de l'Irak, les attentats n'ont jamais vraiment cessé depuis l'opération américaine de 2003. Mais ces derniers mois, la situation s'est à nouveau détériorée. En témoigne, ce reportage du correspondant de l'AFP, Ammar Karin, qui raconte la mort d'une jeune femme qui allait se marier.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des proches de Raghda Yaqoub, 24 ans, tuée dans un attentat à Bagdad, tiennent son portrait. (PHOTO / SABAH ARAR)
Raghda Yaqoub devait se marier dans quelques jours, mais c'est finalement pour son enterrement que sa robe a servi, après un de ces attentats à la bombe qui brisent régulièrement la vie de familles entières à Bagdad.
 
La jeune Irakienne de 24 ans venait tout juste de se fiancer à Alaa. Pour leur première sortie publique, les deux amoureux avaient décidé d'aller acheter des sucreries dans une boutique du quartier de Ghadir (est). La mère et un jeune neveu d'Alaa les accompagnaient, raconte en larmes  Adel, le père de Raghda. «Ne rentrez pas trop tard», ont été les derniers mots qu'il a dit à sa  fille.
 
Trois bombes ont explosé à Ghadir ce soir-là, provoquant l'embrasement de  générateurs à essence et des incendies dans les commerces à proximité. Pendant qu'Alaa garait la voiture, Raghda est morte par asphyxie, comme la mère d'Alaa et son neveu, âgé de cinq ans, piégés dans un magasin qui n'avait pas de sortie de secours ni d'extincteurs. «Comment est-ce possible que ma fille soit morte cinq minutes après sa  première sortie avec son fiancé?, se lamente Adel. Elle n'avait encore rien vu de la vie.»
 
«On a enterré Raghda jeudi alors que le jeudi d'avant, elle se fiançait», témoigne Sana, la mère en pleurs, dans le salon de sa maison, orné d'un crucifix et d'une image du Christ.
 
«Quelle religion accepte de tels crimes?», déplore-t-elle. Raghda n'est pas morte parce qu'elle était chrétienne. Elle a juste été la énième victime de la violence aveugle qui s'est remise à secouer la capitale irakienne depuis un peu plus d'un an. Un calme relatif semblait pourtant y être  revenu après le déchaînement de violences confessionnelles qui avait coûté la  vie à des dizaines de milliers d'Irakiens, notamment pendant les terribles années 2006-2007.
  
Ces attentats visent les lieux où se rassemblent les gens  
Des dizaines de personnes perdent la vie ou sont blessées chaque mois à Bagdad dans l'explosion d'engins, qui vont de la petite bombe destinée à détruire une voiture particulière au véhicule bourré d'explosifs capable de tout démolir à une douzaine de mètres à la ronde. Presque chaque famille est affectée, soit qu'elle a perdu un ou plusieurs des siens soit qu'un de ses membres vit avec des séquelles psychologiques et physiques, parfois permanentes.
 
Marchés, mosquées, cafés, terrains de sport, carrefours ou rues commerçantes, ces attentats visent les lieux où se rassemblent les gens afin de faire le plus de dégâts humains possible. Ils sont parfois revendiqués par des extrémistes sunnites mais, dans nombre de cas, leurs auteurs restent dans l'ombre de l'anonymat.
 
Dans la pièce aux murs sombres, Ruha est éplorée. La soeur aînée de la défunte a fait le déplacement depuis la région autonome du Kurdistan (nord), une zone dans l'ensemble épargnée par ce type de violences. «J'étais venue pour les fiançailles de Raghda, mais je l'ai enterrée, confie-t-elle. Je l'ai enterrée... dans sa robe de mariée, la seule chose qu'elle a emportée dans sa tombe».

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