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Exclusif: le père d'Ali al-Nimr a vu son fils et garde l'espoir de le sauver

Mohammed al-Nimr, père d'Ali, le jeune Saoudien de 21 ans condamné à la décapitation suivie d'une crucifixion, a répondu en exclusivité à Géopolis, après avoir rendu visite à son fils en prison vendredi 25 septembre. Il en appelle à la sagesse du roi Salmane et exhorte à la retenue en cas d'exécution de la sentence.
Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Mohammed al-Nimr, le père d'Ali, menacé d'exécution en Arabie-Saoudite. (AFP/ STR)

Vous venez de voir votre fils Ali. Comment l'avez-vous trouvé?
J'ai rendu visite à Ali avec ma famille le vendredi 25 septembre, pendant 10 minutes à l'occasion de l'Aïd (la fête).
Dès le début, sa mère a essayé de lui faire passer un message sur la confirmation de son exécution, mais il lui a tout de suite dit: «Je suis au courant et je ne suis pas le premier à subir une injustice dans ce monde.» C'est lui qui calmait sa mère. Il a une énergie incroyable et s'en remet à Dieu.
Pour ma part, je ne me tairai pas. Je parlerai avec franchise, transparence et objectivité pour défendre mon fils.
 
Des informations parues dans la presse font état de tortures et le disent souffrant. Qu'en est-il?
Ali n'avait que 17 ans lorsqu'il a été arrêté en février 2012. Il est resté enfermé 6 mois dans une maison de correction pour enfants, sans que personne ne puisse le voir. Lorsque sa mère l'a vu pour la première fois en décembre 2012, il lui a dit: «J'ai souhaité à plusieurs reprises la mort plutôt que de vivre ce que je vivais ici» et cela en dit long.

Ali avait dit au juge qu'il avait été torturé, terrorisé et contraint de signer les aveux, mais le juge n'a accordé aucune importance à ses propos. Ali n'a pas été arrêté sur mandat d'amener. Il a été renversé par une voiture de la police secrète, une nuit sans lune avec les multiples blessures et fractures que cela implique. Il a été hospitalisé pendant plusieurs jours avant qu'on ne l'accuse d'actions imaginaires dignes de Rambo ou de commandos de marines.

Vous avez appelé le roi Salmane à ne pas signer l’ordre d’exécution, le président François Hollande, l’ONU et des organisations internationales en ont fait de même. Pensez-vous que ces appels peuvent être entendus?
Le royaume fait partie de la communauté internationale. Il veille à ses intérêts et à ses relations avec les nations.
La France est un pays ami et je pense que l'intervention du président Hollande, du département d'Etat américain, du Parlement britannique ou des Nations- Unies, de manière amicale, influera. Les gens de mon pays ont apprécié l'intervention rapide du président français qui a été le premier à réagir. Ma famille et moi le remercions. Nous espérons que le roi Salmane prendra en compte ces avis et qu'il privilégiera les solutions politiques. 
 
La mobilisation internationale en faveur d’Ali aide-t-elle ou dessert-elle votre cause?
Avant tout, sachez que ma famille et moi n'avons rien à voir avec cette mobilisation. Nous ne l'avons ni lancée, ni encouragée, ni interdite. Nous remercions tous ceux qui se sont exprimés pour demander une solution. Je pense qu'au sein du pouvoir saoudien il y a des personnes sages qui n'hésitent pas à réviser les cas suspects. Je refuse bien sûr que l'on intervienne pour nuire à mon pays et à ses dirigeants, même s'il s'agit de sauver Ali. 
 
Qu’est ce qui selon vous pourrait sauver votre fils?
Je misais, et continue de le faire, sur un règlement interne, qui passe par un compromis avec les tenants de la décision politique. Qu'il s'agisse d'Ali al-Nimr  mais aussi de huit autres condamnés à mort. Un nombre qui risque sans doute de monter à 30 au cours des deux prochains mois. Ce qui serait un signal dangereux, alors que la véritable solution serait de libérer tous les détenus politiques et d’opinions tels que le docteur Abdallah al-Hamed, Mohamed al-Qahtani, al-Bajjadi, ou les cheikhs Nimr et Taoufic al-Aamer, Fadel al-Mounassef et des milliers d’autres.

J’appelle à vider les prisons de ceux qui n’ont pas de sang sur les mains. Et là, il est indispensable de souligner que le défunt roi Fahd, un homme politique d’une rare expérience, a plusieurs fois apaisé les tensions à l’est et à l’ouest du royaume par la sagesse et la politique. La dernière fois étant l’accord passé en 1994 entre lui et les dirigeants de la communauté chiite en exil, qui ont ainsi pu rentrer au pays en toute dignité. Mon idée est que nous avons besoin d’une telle initiative courageuse avec ceux qui réclament une réforme nationale.
 
Vous avez pu rencontrer votre frère  cheikh Nimr * en prison, qu’est-il ressorti de cette visite? 
Je rends visite à  mon frère le cheikh Nimr, avec ma famille, tous les 35 jours, à la prison al-Haer de Riyad. La dernière fois que je l’ai vu c’est jeudi dernier (24 septembre). Son état psychologique est bon. Il est conscient de ce qu’il a fait avant son arrestation, et il est prêt à supporter les sanctions les plus dures en raison de sa conviction qu'il œuvre à des réformes. De même qu’il est totalement disposé à changer d’opinion dès lors que la situation politique aura changé. Il estime que les accusations portées contre lui sont nulles et non avenues et que sa condamnation à mort est, in fine, politique.
 
A l’annonce de l’exécution, vous avez lancé un appel au calme. Craignez-vous une réaction violente de la part de la communauté chiite?
Je ne suis pas le seul. Tous les observateurs et les dirigeants s’attendent à des réactions. Elles risquent d’être désordonnées et incontrôlables et, à Dieu ne plaise, de passer d’une action pacifique à la violence. Cela plongera notre pays dans une spirale dans laquelle tout le monde sera perdant. Moi, ma famille et tous les sages, refusons la violence et la contre-violence. Et je dis en toute franchise, s'il arrivait malheur à Ali al-Nimr, à cheikh al-Nimr ou à d’autres, j’appelle au contrôle de soi, à la retenue et rejette ouvertement et secrètement toute action violente. Le refus et l'indignation doivent se faire par des moyens légaux, via notamment les réseaux sociaux.

*Le cheikh Nimr, frère de Mohammed al-Nimr (et oncle d'Ali) avait été un des animateurs du mouvement de contestation en 2011 dans la province orientale de l'Arabie Saoudite. Il a été condamné à mort pour sédition, désobéissance au souverain et port d'arme le 15 octobre 2014.

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