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Irak : le retour du chef chiite Moqtada al-Sadr en champion de l’anti-corruption
En pleine offensive des forces gouvernementales contre Mossoul, capitale de l’organisation de l’Etat islamique en Irak, un combat parallèle a fait irruption sur la scène politique à Bagdad. Depuis le 18 mars, les partisans du chef chiite Moqtada al-Sadr sont en sit-in illimité autour de la zone verte, le quartier du gouvernement et des ambassades, pour dénoncer la corruption des pouvoirs publics.
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Le très populaire et influent chef chiite Moqtada al-Sadr n’est pas un coureur de médias. Il accorde rarement des entretiens, se montre très peu à la télévision et économise ses apparitions publiques, sauf lorsqu’il a des messages à communiquer.
En juin 2015, par exemple, il accorde un entretien exclusif à France 24 pour asséner aux Etats-Unis qu’ils n’étaient plus la première puissance mondiale car «incapables de venir à bout des 5.000 combattants de Daech» à l’époque.
Moqtada al-Sadr met la pression sur le Premier ministre pour qu'il lutte contre la corruption
Cette fois-ci, pour faire parvenir son message au Premier ministre Haïdar al-Abadi, il a lancé ses partisans dans un sit-in illimité devant la Zone verte, siège de toutes les institutions de l’Etat, des ambassades et lieu de résidence des personnalités de poids dans le pays.
Son objectif, faire pression sur le successeur de Nouri al-Maliki, en poste depuis dix-neuf mois, afin qu’il engage des réformes et «élimine la corruption et les corrupteurs». Venu en personne participer à la contestation, il a fait symboliquement planter une tente à l’intérieur de la Zone verte sous laquelle il entend rester jusqu’à la satisfaction des ses revendications.
Se démarquant des deux ministres issus de son propre courant, jugés aussi corrompus sinon plus que d'autres, Moqtada al-Sadr exige en effet également de Haïdar al-Abadi un gouvernement entièrement remanié, composé de technocrates choisis hors des partis politiques.
Un choix qui est aussi celui du Premier ministre, mais que ce dernier a du mal à mettre en œuvre en raison de blocages au sein de son propre parti, al-Dawa, ainsi que des autres partis chiites de la coalition gouvernementale.
Fils d'une lignée de dignitaires chiites décimés par Saddam Hussein
Agé de 42 ans, Moqtada al-Sadr est issu d’une famille de hauts dignitaires chiites, décimée par le régime de Saddam Hussein. Coiffé du turban noir réservé aux descendants du prophète, il s’est illustré en 2003 dans la lutte contre l’occupation américaine.
Redouté pour les exactions de sa milice, connue sous le nom de l’Armée du Mehdi, lors des affrontements de 2006 et 2007 entre sunnites et chiites, il a fait l’objet, en 2004, d’un mandat d’arrêt pour sa responsabilité présumée dans l’assassinat d’Abdel Majid al-Khoï, fils du Grand Ayatollah Aboul Qassem al-Khoï disparu en 1992.
Simple Hodjatoleslam (clerc) dans le clergé chiite, il s’exile quelques années en Iran au prétexte de parfaire sa formation religieuse. De retour en 2011 à Nadjaf, sa ville d’origine, il fait le dos rond et va jusqu’à annoncer, en février 2014, son retrait des affaires politiques.
«J’annonce qu’il n’y a plus de bloc qui nous représente à partir de maintenant au gouvernement et au Parlement», déclarera-t-il le 16 février 2014. Un geste visant selon lui à «mettre fin à toutes les corruptions dans le passé et à toutes celles qui pourraient avoir lieu à l’avenir».
Le dirigeant d'une des plus puissantes milices chiites prend ses distances avec l'Iran
Fort de sa popularité, il fait son grand retour aujourd'hui en s’appuyant sur le mouvement de la société civile de l’été 2015. Journalistes, artistes, intellectuels et autres acteurs de la vie sociale et culturelle réclamaient des réformes et une déconfessionnalisation de la vie politique.
Moqtada al-Sadr s’est associé au mouvement dans la foulée du soutien apporté à cette contestation par le Grand Ayatollah Ali al-Sistani, plus haute autorité chiite irakienne. Un choix qui laisse transparaître une prise de distance avec l’Iran, très influent en Irak et plutôt partisan de l’ancien Premier ministre al-Maliki.
Cédant à la pression du puissant chef des Brigades de la Paix, une des plus importantes milices chiites du pays, qui lui avait fixé un ultimatum expirant jeudi 31 mars, le Premier ministre Abadi a présenté au Parlement une nouvelle équipe gouvernementale.
Une liste de noms de technocrates et d’indépendants, «sélectionnés sur la base de leur professionnalisme, leur compétence, leur intégrité et leur autorité» et chargés de lutter contre la corruption.
En retour, Moqtada al-Sadr, estimant avoir obtenu satisfaction, a appelé ses partisans à mettre fin au sit-in en plein coeur de la capitale.
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