Nicolas Sarkozy hué aux obsèques d'Omar Bongo
Le président français a été hué par plusieurs dizaines de Gabonais à son arrivée au palais présidentiel de LibrevilleLe président français a été hué par plusieurs dizaines de Gabonais à son arrivée au palais présidentiel de Libreville
Venu assister aux obsèques du doyen des chefs d'Etat africains, Nicolas Sarkozy a d'abord été timidement applaudi.
Mais les huées ont rapidement pris le dessus, et une cinquantaine de personnes ont même pris verbalement à partie le président Sarkozy, lui lançant à distance: "On ne veut plus de vous, partez!"
"La France est ingrate"
Les responsables de la sécurité ont immédiatement formé un cordon autour du président français, qui est ensuite arrivé sans encombre dans le salon d'attente pour les personnalités invitées aux obsèques."On n'en veut plus de vous, la France est ingrate. Bois, pétrole, manganèse, on vous a tout donné. La France, si elle est ce qu'elle est, c'est grâce au Gabon, on ne veut plus de tout ça", expliquait, sous couvert de l'anonymat, un de ceux qui s'en sont pris à Nicolas Sarkozy.
Le président français, dont l'avion s'est posé ce matin, fait partie de la quinzaine de chefs d'Etat, la plupart d'Afrique francophone, qui ont fait le déplacement jusqu'à la capitale gabonaise pour les obsèques d'Omar Bongo, qui a passé 41 ans à la tête du Gabon et dont la succession s'annonce difficile.
Nombreuses personnalités françaises
L'ancien président Jacques Chirac est lui aussi arrivé ce matin à Libreville. La délégation française est annoncée importante pour un événement qui symbolise la "Françafrique", cette relation ambiguë entre Paris et ses ex-colonies.
De nombreuses personnalités françaises devaient s'incliner devant le cercueil, dont le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et le secrétaire d'Etat à la Coopération Alain Joyandet ou les anciens ministres Michel Roussin, Jean-Louis Debré, Jacques Godfrain.
Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), le Gabonais Jean Ping, ainsi que les présidents Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville), François Bozizé (Centrafrique), Paul Biya (Cameroun) et Faure Gnassingbé (Togo) étaient déjà présents ces derniers jours à Libreville en vue des obsèques.
Leurs homologues du Sénégal, du Tchad, de la République démocratique du Congo (RDC), du Bénin, du Burundi, du Mali, de Guinée équatoriale, du Burkina Faso et de Sao Tomé étaient également annoncés, ainsi que de nombreux chefs de gouvernement et ministres africains.
Après un culte oecuménique à 10h00 (09h00 GMT), les oraisons funèbres gabonaises sont très attendues dans un contexte politique tendu. Après un défilé militaire sur le Boulevard du Bord de Mer, le cercueil s'envolera vers Franceville, capitale du Haut-Ogooué, où il sera inhumé jeudi dans l'intimité.
Le long règne d'Omar Bongo
Le président gabonais, qui régnait sans partage sur le pays depuis 1967, avait suspendu ses activités officielles en mai 2009, pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, avant de gagner l'Espagne pour s'y faire soigner. Les séjours de Bongo à l'hôpital avaient soulevé des interrogations quant à sa succession dans l'un des rares pays de la région qui soit relativement stable.
Le pays est dominé par une petite élite étroitement solidaire et les opposants redoutent que le fils du président, Ali ben Bongo, actuel ministre de la Défense, ne profite du vide du pouvoir pour en prendre la tête. Mais c'est sans compter avec Pascaline, la fille d'Omar Bongo, directrice de longue date du cabinet présidentiel, restée au chevet de son père jusqu'au bout dans la clinique de Quiron à Barcelone. Une sourde rivalité oppose le frère et la soeur.
Le président Bongo avait été réélu sans discontinuité lors d'élections jugées irrégulières par ses opposants mais l'ascendant de cet homme petit et trapu - et grand buveur - sur son petit pays d'un million et demi d'habitants était incontestable.
Considéré comme un "sage" en Afrique
Omar Bongo a souvent servi de médiateur ou d'intermédiaire dans de nombreuses crises et notamment en Centrafrique, au Tchad ou au Congo. Il était également l'un des piliers du système de la "Françafrique" où s'entremêlaient raison d'Etat, lobbies et réseaux politico-affairistes.
Albert-Bernard Bongo - son prénom avant sa conversion à l'islam en 1973 à l'instigation du colonel libyen Mouammar Kadhafi - était parvenu au pouvoir pacifiquement, une exception en Afrique.
Issu de l'ethnie Bateke, une tribu minoritaire vivant aux confins du Congo, dans l'Est, Bongo était en effet le vice-président de Léon Mba, premier président du Gabon, décédé en novembre 1967, sept ans après l'indépendance. Bongo, qui a entamé sa carrière politique au ministère des Affaires étrangères en 1960 après des études à Brazzaville du temps de la présence française, a fait partie du cabinet de Mba à l'âge de 27 ans avant d'être choisi comme son dauphin.
En 1968, Bongo avait créé le PDG (Parti démocratique gabonais), qui restera 22 ans le parti unique, avant de céder aux pressions françaises en faveur d'un multipartisme qui reste largement de façade.
Récemment, ses relations avec la France s'étaient tendues. La justice, les médias et des ONG s'intéressaient de près à son patrimoine immobilier alors que ses comptes bancaires avaient été saisis dans le cadre d'une affaire privée l'opposant à un particulier français sur un différend de plus de 400.000 euros.
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