Reportage "Depuis un an, c'est l’ascenseur émotionnel" : des triplés palestiniennes sont séparées de leur mère depuis le début de la guerre à Gaza

Article rédigé par Thibault Lefèvre
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Najwa, Nedjma et Nour jouent dans une salle du service de néonatologie de l’hôpital Al-Makassad de Jérusalem-est. (THIBAULT LEFEVRE / RADIO FRANCE)
Ces bébés prématurés ont dû être hospitalisés en Cisjordanie occupée. Leur mère, qui est rentrée dans la bande de Gaza quelques jours après l'accouchement, devait revenir les chercher. Mais les autorités israéliennes en ont décidé autrement et les enfants vivent désormais à l'hôpital.

Nées peu avant le 7-Octobre, elles ont l'âge de la guerre, mais elles n'ont pas revu leur mère depuis leur naissance. Najwa, Nedjma et Nour ont vu le jour le 24 août 2023 à l’hôpital Al-Makassad de Jérusalem-Est, en territoire annexé, un mois et demi avant le massacre perpétré par le Hamas. Leur mère, Hanane, avait obtenu l'autorisation de quitter Gaza pour accoucher. Les enfants sont nés prématurés et ont dû être placés en couveuse, et leur mère a dû rentrer à Gaza juste après l'accouchement. Elle devait revenir à Jérusalem-Est en octobre pour les chercher, mais la demande de permis spécial de quitter Gaza, déposée juste avant le 7-Octobre, a été refusée par les autorités israéliennes.

Aujourd'hui, les trois petites filles ne tiennent pas encore debout, mais dans quelques jours, elles marcheront. Elles vivent à l'hôpital Al-Makassad et jouent dans une salle aménagée du service de néonatologie. Mayssoun, infirmière puéricultrice, prend sur son temps libre pour s’occuper des bébés. "Les petites passent leur temps à répéter 'Adja, adja', ça veut dire 'il vient' ou 'il arrive', explique l'infirmière. Elles attendent le retour de leurs parents. Bien sûr que leurs parents leur manquent ! On essaye de les divertir en permanence pour qu'elles ne souffrent pas de leur absence. En un sens, on remplit le rôle de leur mère. On leur apprend à parler. On ignore de quoi sera fait l’avenir, si un jour, elles vont pouvoir ou non retrouver leurs parents."

"On essaye de garder le contact, leurs parents les appellent. Mais les échanges avec Gaza sont compliquées."

Mayssoun, infirmière puéricultrice

à franceinfo

Les infirmière s’occupent des bébés depuis un an. (THIBAULT LEFEVRE / RADIO FRANCE)

Le personnel de l’hôpital communique avec la maman des trois petites filles par échange de vidéos. Hanane, qui vit à Khan Younes, au sud de la bande de Gaza, promet avec un sourire un peu forcé qu’un jour, elles seront toutes les trois accueillies comme des princesses dans l’enclave. La réalité est bien plus compliquée. "On lui donne des nouvelles régulières des enfants, explique Salam Rabia, assistante sociale qui est en contact quotidiennement avec Hanane. Cela la rassure. Elle nous a d’abord dit qu’heureusement que ces enfants étaient avec nous et pas à Gaza avec elle. Mais ça reste une mère. Depuis un an environ, c’est l’ascenseur émotionnel."

"Il y a des moments où elle nous demande de lui rendre ses enfants et que de toute façon, ils partageront tous la même destinée. Ça change tout le temps."

Salam Rabia, assistante sociale

à franceinfo

Quelques semaines après le 7-Octobre, les autorités israéliennes ont exigé que l’hôpital évacue les bébés en Cisjordanie occupée. L’établissement a refusé. Aujourd’hui, son directeur demande un permis exceptionnel pour permettre à la maman de quitter Gaza et de revoir ses filles. Jointe par franceinfo, l'autorité administrative israélienne assure que "la proposition de coordonner un regroupement familial dans la bande de Gaza a été réitérée, et une telle coordination reste encore une option".

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