Le mufti al-Husseini: du nationalisme à la poignée de main avec Hitler
Mohammed Amin al-Husseini est le fils du mufti de Jérusalem, titre donné à la plus haute autorité de la région, en l’occurrence la Palestine (partie de l’empire ottoman). Né à Jérusalem le 4 juillet 1895, il effectue à 18 ans le pèlerinage à La Mecque, ce qui lui permet d’ajouter le titre de hadj à son nom.
Mais c’est dans l’après-guerre de 14-18, que la personnalité d’Amin al-Husseini prend de l’importance. Les nationalistes arabes découvrent que la fin de l’empire ottoman ne leur apporte pas l’indépendance souhaitée. Le pacte Sykes-Picot a redessiné les cartes de la région au profit des deux grands empires coloniaux, la France et le Royaume-Uni. La France obtient un mandat sur la Syrie, tandis que les Anglais contrôlent la Palestine dans laquelle ils installent un «foyer national pour le peuple juif», selon les termes de la déclaration Balfour de 1917.
Le leader nationaliste
Les tensions sont fortes sur le terrain et les nationalistes arabes manifestent régulièrement. Le jeune Husseini fait partie des leaders de la colère arabe qui s’oppose frontalement à la domination anglaise. Les émeutes font de nombreuses victimes en 1920. Il écope de 10 ans de prison, avant d’être gracié par le haut-commissaire anglais suivant, partisan d’une politique d’apaisement. En 1921, les Anglais le nomment mufti de Jérusalem.
Dans la Palestine mandataire, le nationalisme arabe se double d'une opposition à l’immigration juive. Al-Husseini fait partie des chefs de la population arabe de Palestine. Il prend la tête d’un Haut comité arabe. En 1936, instigateur de la «grande révolte arabe», qui voit les Palestiniens demander l’indépendance et la fin de l’immigration juive, il fuit le pays et doit se réfugier en Irak.
Le choix de Berlin
Fanatiquement anti-juif, au service des puissances de l’Axe, il servit à mobiliser quelques troupes «musulmanes». «Al-Husseini rencontra si peu d’écho que, malgré toutes ses exhortations à rejoindre les troupes de l’Axe, seuls 6300 soldats originaires de pays arabes, selon les calculs d’un historien militaire américain, "passèrent par les différentes organisations militaires allemandes", dont 1300 originaires de Palestine, de Syrie et d’Irak, le reste en provenance d’Afrique du Nord», note l'universitaire Gilbert Achcar. Notamment en Bosnie, où se constitue la 13e division de montagne de la Waffen SS Handschar. A contrario, les historiens notent qu'il y eut plus d’Arabes palestiniens engagés dans les forces britanniques que de combattants liés aux ambitions des nazis.
Utilisation après-guerre
Pour de nombreux historiens, al-Husseini a, de par son parcours, beaucoup servi la propagande israélienne. «C’est dans ce but que, dès la fin de la Seconde guerre mondiale, les instances sionistes ont mis en exergue le tristement célèbre mufti de Jérusalem», écrivait déjà Gilbert Achcar dans le Monde Diplomatique en… 2010. D'ailleurs, Netanyahu avait déjà fait des déclarations similaires à celles du 21 octobre 2015 en 2012, affirmant déjà qu'Husseini était «un des architectes clefs» de la solution finale.
En pleine tension avec les Palestiniens, notamment autour de la question de Jérusalem, le rappel de ce personnage historique très négatif pour les Palestiniens par Netanyahu est de bonne guerre. Mais le Premier ministre israélien est allé très loin en minimisant le rôle d'Hitler dans le génocide. Au point d'être rappelé à l'ordre par l'historienne en chef du mémorial Yad Vashem. Dina Porat a estimé que les propos de M.Netanyahu n'étaient pas «historiquement exacts. Ce n'est pas le mufti, même s'il avait des positions antijuives très extrêmes, qui a donné à Hitler l'idée d'exterminer les Juifs».
De leur côté, les Palestiniens ont déploré que le «chef du gouvernement israélien haïsse son voisin palestinien au point d'être prêt à absoudre le premier criminel de guerre de l'histoire, Adolf Hitler, du meurtre de six millions de Juifs pendant l'Holocauste».
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