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Les Palestiniens tentent d'avancer devant l'ONU

Les Palestiniens devraient profiter de la 67e session de l'Assemblée générale de l'ONU, ouverte mardi 25 septembre, pour demander le statut d’«Etat-observateur non-membre». Une solution de repli après l’échec de la demande d’adhésion en 2011. Explications et retour sur le rôle de l’ONU dans le conflit israélo-palestinien.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min

Les Palestiniens vont demander à l'Assemblée générale des Nations-Unies le statut d'«Etat-observateur non-membre» avant la fin 2012, ce qui devrait accroître leurs moyens de pression sur Israël. L'annonce a été faite le 20 septembre par le responsable palestinien des négociations de paix, Saëb Erekat. Une demande palestinienne qui passe relativement inaperçue dans une actualité marquée par l'élection présidentielle américaine, la crise syrienne, l’affaire malienne, les tensions autour de l’Iran.

Un nouveau statut pour l'Autorité palestinienne ?
Pour obtenir ce nouveau statut, l'Autorité palestinienne, considérée pour l'instant comme une «entité» observatrice à l'ONU, devra réunir la majorité des 193 membres de l'Assemblée générale. Si la demande est acceptée, l'Autorité obtiendra un statut similaire à celui du Vatican et disposera d'une «mission» d'observation et non plus d'un simple «bureau».

Cette démarche fait suite à celle entamée, il y a presque un an par le président palestinien, Mahmoud Abbas, qui avait déposé une demande d'adhésion à l'ONU. Un geste qui s'était heurté à l'opposition catégorique des Etats-Unis. A l’époque, le président français Nicolas Sarkozy avait lancé une solution alternative : «Pourquoi ne pas envisager pour la Palestine le statut d'Etat observateur aux Nations-Unies? Ce serait un pas important. Surtout nous sortirions d'un immobilisme qui ne profite qu'aux extrémistes. Nous redonnerions un espoir en marquant des progrès vers un statut final.»

«Ce statut d’Etat non membre et observateur n’existe pas formellement dans les textes. C’est quelque chose qui existe de facto. Pour les Palestiniens, l’enjeu est de bénéficier de droits nouveaux comme un accès à la CPI (cour pénale internationale) ou à la Cour de justice internationale (organe qui peut trancher les litiges entre pays membres)», a expliqué à Géopolis Béligh Nabli, chercheur à l’Iris et maître de conférences en droit public à la Faculté de droit de l’Université de Paris-Est.

Quelque 120 pays dans le monde reconnaissent déjà l'Autorité palestinienne comme un Etat souverain. Les Palestiniens espèrent obtenir les votes de 150 à 170 nations à l'ONU. On ne sait encore quelle sera la position de la France sur la demande palestinienne. 

Palestine-Onu : une longue histoire  
Cette nouvelle étape s’inscrit dans la volonté des Palestiniens d’obtenir la reconnaissance des Nations-Unies. Une reconnaissance jalonnée par des dates-clés qui ont marqué l'histoire de l'après-guerre dans ce dossier ouvert en 1918.

-Plan de partage : le 29 novembre 1947, résolution 181
Le partage de l'ex-Palestine mandataire gérée par les Anglais depuis 1918, entre un état juif et un état arabe, décidé par l'ONU, fut suivi d’une guerre. A l'issue de celle-ci, «la Jordanie soumit officiellement à sa juridiction la Rive occidentale du Jourdain (et le secteur oriental de Jérusalem) en attendant une solution au problème», rappelle l'Onu, supprimant de fait l'idée d'un état arabe indépendant sur la partie de la Palestine non prise par Israël.

«Les hostilités provoquèrent une terrible crise humanitaire, puisque près de 750 000 Palestiniens furent alors arrachés de leurs terres, devenant des réfugiés», précise le site de l’Onu.

-Droit au retour : le 11 décembre 1948, l’Assemblée générale a adopté sa résolution 194 (III)  qui institue le droit au retour des réfugiés palestiniens en définissant deux règles:
-Que les réfugiés souhaitant retourner dans leurs foyers et vivre en paix avec leurs voisins pourraient être autorisés à le faire à une date aussi rapprochée que possible.
-Que ceux qui décideraient de ne pas rentrer devraient être indemnisés de leurs biens.
 

réunion du Conseil de sécurité de l'Onu pendant la guerre de 1967 (AFP)
 

-Guerre de 1967 : le 22 novembre, le Conseil de sécurité adopta la résolution 242, qui posait les principes d’un règlement pacifique au Moyen-Orient après la guerre des Six-Jours, qui vit Israël occuper la Cisjordanie, Jérusalem-Est, ainsi que des territoires des Etats arabes voisins. Cette résolution stipulait que l’instauration d’une paix juste et durable devait comprendre l’application de deux principes:
-Le retrait des forces armées israéliennes «des territoires occupés» lors du récent conflit.
-La cessation de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance et la reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique «de chaque État» de la région et de son «droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues» à l’abri de menaces ou d’actes de force.
-la nécessité «de réaliser un juste règlement du problème des réfugiés».

-Guerre de 1973 : le 22 octobre, le Conseil de sécurité adopta la résolution 338 qui réaffirmait, à l'issue de la guerre du Kipour, les principes de la résolution 242 (1967) et appelait à la tenue de négociations visant à «instaurer une paix juste et durable au Moyen-Orient».

-Annexion de Jérusalem : La résolution 478 du Conseil de sécurité des Nations-Unies présente l'annexion par Israël de cette partie de Jérusalem comme une violation du droit international.

-Intifada : dès le début du soulèvement, à compter de l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 605, le 22 décembre 1987, l'ONU a mis en avant la sûreté et de la protection des Palestiniens dans les territoires occupés.

La place de la Palestine à l'ONU
Malgré les vétos, les non-respects de ses décisions, les guerres, les négociations, l'ONU a forgé un contexte juridique assez stable autour du conflit palestinien basé sur l'idée de deux Etats, la notion de territoires occupés et la question des réfugiés. Restait à l'Assemblée générale, réunissant l'ensemble des pays membres, à donner une existence aux Palestiniens dans son enceinte. Ce fut là aussi une longue histoire.

En décembre 1969, l’Assemblée générale a reconnu que «le problème des réfugiés arabes de Palestine provenait du déni de leurs droits inaliénables en vertu de la Charte des Nations-Unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme».

Yasser Arafat à la tribune de l'Onu (AFP)


En septembre 1974, cinquante-six Etats Membres ont proposé que «la question de Palestine» fasse l’objet d’un point distinct de l’ordre du jour de l’Assemblée générale. «Ils ont fait observer que la question de Palestine et du statut et du sort du peuple palestinien ne figurait pas à l’ordre du jour de l’Assemblée en tant que question distincte depuis plus de 20 ans. La proposition a été acceptée et la question de Palestine apparaît depuis lors tous les ans à l’ordre du jour de l’Assemblée», rappelle le site de l’ONU.

Dans une résolution 3236 adoptée le 22 novembre 1974, «l’Assemblée générale a réaffirmé les droits inaliénables du peuple palestinien, y compris le droit à l’autodétermination sans ingérence extérieure, le droit à l’indépendance et à la souveraineté nationales et le droit des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et vers leurs biens». Les droits du peuple palestinien, tels qu’ils ont été énoncés par l’Assemblée en 1974, ont été réaffirmés tous les ans depuis lors. Une autre résolution, prise le même jour, la 3237, accorde une grande victoire à Yasser Arafat, puisque son organisation, l'Organisation de libération de la Palestine, est reconnue comme «observateur» devant l'Onu. Quelques jours auparavant, le président de l'OLP avait pu s'exprimer devant l'Assemblée générale.

 

 

 

INA, reportage du JT13H de France 2, le 23 novembre 1974
 

 


Par la suite, dans sa résolution 43/177 du 15 décembre 1988, «l’Assemblée générale a pris acte de la proclamation de l’Etat palestinien par le Conseil national palestinien. Elle a réaffirmé qu’il était nécessaire de permettre au peuple palestinien d’exercer sa souveraineté sur son territoire occupé depuis 1967. Elle a également décidé que la désignation de "Palestine" remplacerait, au sein du système des Nations-Unies, la désignation "Organisation de libération de la Palestine"», rappelle l'ONU.

Une situation bloquée
Malgré l'ensemble de ces résolutions, la situation est totalement bloquée au Proche-Orient, les négociations ouvertes avec les accords d'Oslo sont au point mort et la colonisation se poursuit dans un contexte de division interpalestinienne avec deux entités séparées, Gaza et la Cisjordanie.

Selon le dernier rapport hebdomadaire du Bureau de coordination des  affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), Israël a détruit depuis le début de l'année 465 structures appartenant à des Palestiniens en Cisjordanie ou à Jérusalem-Est, dont 136 habitations, entraînant le déplacement de 676 personnes.

En même temps, le gouvernement Netanyahu a approuvé le 23 septembre le projet controversé de transformer en université un établissement d'études supérieures dans une colonie de Cisjordanie occupée, Ariel, une décision sans précédent qui est contestée par les milieux universitaires en Israël. Il a également répété qu'Ariel «fait partie intégrante de l'Etat d'Israël et le restera, quel que soit un futur accord (avec les Palestiniens), tout  comme les autres blocs de colonisation».

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